« Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (1er septembre)

Dimanche 1er septembre 2013

Texte biblique : II Co 12,1-11a

Les Corinthiens sont des compétiteurs.

Ils aiment la réussite; et le sport comme le travail sont autant de lieux de compétition.

La religion n’échappe pas à cette règle.

De multiples groupes religieux se disputent les fidèles.

Même la façon de vivre en Eglise y participe. Il faut être toujours plus fervent, posséder les dons les plus enviables comme la guérison des malades ou le « parler en langues ».

C’est pourquoi Paul est contesté.

Quelle crédibilité accorder à un soit-disant apôtre, « soit-disant » parce qu’il n’a pas fait partie du groupe des « 12 » comme Pierre ou qu’il n’est pas de la famille de Jésus comme Jacques.

En plus, il a une infirmité, une « écharde dans la chair ».

Et puis, il ne prêche pas bien !

« Lorsque je suis faible c’est alors que je suis fort » répond Paul.

En écrivant cela, il heurte frontalement les valeurs et les aspirations des Corinthiens.

Il le sait.

Alors, pourquoi le fait-il ?

Est-il un rêveur qui ignore le monde et ses contraintes ?

Est-il un démagogue qui flatte les faibles au lieu de les encourager à devenir forts ?

Ou, alors, préconise-t-il la faiblesse, au nom d’une récompense ultérieure dans les cieux ?

Paul n’est pas un rêveur; il connaît les contraintes d’une société et, comme nous l’avons vu, Corinthe était aussi marquée que notre société par l’impératif de compétitivité.

Ensuite, Paul ne méprise ni l’excellence ni la performance.

D’ailleurs, pour stimuler le zèle des chrétiens, il n’hésitera pas à leur donner en exemple les athlètes qui rivalisent pour une médaille.

Enfin, Paul est convaincu que la Bonne Nouvelle se vit au présent.

Il ne nous invite pas à être faibles et malheureux dans l’espoir d’une récompense après la mort !

En écrivant : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort », Paul veut nous montrer le chemin d’une vie forte, solide, assurée.

Pour cela, il brise d’abord nos illusions : la connaissance, la force physique, la réussite professionnelle ou l’argent sont utiles voire nécessaires, mais nous laissent démunis face aux grands défis de la vie.

Prenons les échecs scolaires, professionnels, sentimentaux, nos limites auxquelles nous sommes confrontées.

Si la réussite est notre unique raison de vivre, nous ne pourrons pas accepter ces échecs et limites.

Combien de personnes à qui tout semblait réussir, et qui s’effondrent au premier grand obstacle, pour sombrer dans la dépression ou l’alcool, parce que leur identité reposait sur la réussite.

Deuxième défi de la vie : notre désir d’être reconnus; par le travail, l’intelligence, mais aussi la morale, la piété. Du coup, nous devenons esclaves du travail, esclaves du jugement des autres, esclaves de la crainte d’échouer.

3ème grand défi : les grandes étapes de l’existence, avec l’éducation des enfants qui nous échappent, l’accompagnement de nos proches vieillissants, la perspective puis la réalité de notre propre vieillesse.

Enfin, il y a cette question du sens de la vie : pourquoi et pour qui vivons-nous ? Et nous sentons bien notre désarroi lorsque nous n’avons plus de réponse à cette question.

Surmonter les épreuves de la vie, être reconnus, savoir pour quoi et pour qui nous vivons : voilà ce que nous désirons le plus et qui pourtant nous fait défaut, voilà ce dont nos enfants ont le plus besoin mais que l’effort et la compétition ne leur donneront pas.

Le paradoxe et le drame de notre vie, c’est qu’en voulant à tout prix être forts, nous sommes faibles sur l’essentiel.

Alors, Paul nous propose un autre chemin de vie

Il nous dit d’abord que notre vraie force dans la vie, nous la trouvons dans la foi en Christ.

Avec le Christ, je suis fort parce que les épreuves ou les drames d’une vie m’atteignent mais ne me détruisent plus.

Je sais que je pourrai les traverser, parce que je ne serai pas seul, dans ma vie et au-delà de ma vie.

Bien plus, le Christ est là et travaille en moi. C’est pourquoi les drames et les épreuves peuvent me bonifier, me rendre plus humain, plus aimant, plus tolérant, plus accessible.

Exemple

Avec le Christ, je suis fort car je n’ai plus à passer ma vie à vouloir mériter la reconnaissance des autres.

Je peux travailler beaucoup, me perfectionner, m’entendre avec le plus grand nombre, mais je n’y joue plus ma vie. Car je sais qu’avec mes limites, mes erreurs, mes fautes, Dieu me connait et me reconnait.

Avec le Christ, enfin, je suis fort car je sais pourquoi et pour qui je vis.

Je vis pour aimer et pour rendre gloire à Dieu.

Ainsi, la vraie force dans ma vie, c’est en Christ que je la trouve.

Or, nous dit Paul, le paradoxe, c’est qu’à l’opposé de tout le reste, cette force ne se trouve que dans la faiblesse car c’est dans la faiblesse que je rencontre Jésus-Christ.

En accroissant mes forces et mes compétences, je peux progresser dans de nombreux domaines. Mais pas dans le domaine spirituel.

Car la foi en Jésus-Christ n’est pas une quête. Tout m’a été donné, tout a déjà été fait pour moi, avant même que je m’en rende compte, avant même que je le demande ou le mérite.

La rencontre avec le Christ n’est pas une affaire de performance ou de mérite. Au contraire, pour vivre cette rencontre, il me faut être faible.

Cette faiblesse peut être physique.

Combien d’entre nous ont dû attendre de perdre ce dont ils se glorifiaient – la force physique, la beauté, l’intelligence – pour découvrir la grâce de Dieu.

Combien d’entre nous ont dû prendre conscience de leurs incapacités pour découvrir la force que Dieu donne.

Parfois, il faut perdre pour découvrir que tout nous est donné.

La faiblesse peut aussi provenir d’événements douloureux.

Certains d’entre nous l’ont expérimenté : les moments de fragilité, le manque de confiance en soi, voire les drames qui surgissent dans notre vie, peuvent nous rendre enfin disponibles à la Bonne Nouvelle.

Loin de nous détruire, ces épreuves deviennent donc source de croissance.

La faiblesse est également morale.

Ceux d’entre nous qui ont fait du mal à quelqu’un, ceux d’entre nous qui ont fait de mauvais choix dans l’existence comprennent plus facilement qui est le Dieu de Jésus-Christ parce qu’ils savent qu’ils ne méritent rien. Ils deviennent davantage respectueux de la faiblesse d’autrui et s’épargnent de juger et de condamner.

Mais la faiblesse est avant tout spirituelle.

Tant que nous nous croyons forts dans la foi, assurés dans notre doctrine ou notre morale, nous nous barricadons contre l’Evangile.

C’est pourquoi Paul nous appelle à être faibles spirituellement.

Cela ne veut pas dire douter de Dieu et de ses promesses, mais douter être prêts à remettre en cause nos traditions, notre manière de croire, notre vie.

Etre faible spirituellement, c’est être disponible à une Bonne Nouvelle que nous ne possédons pas mais que nous recevons.

Vous le mesurez, la rencontre avec le Christ nous est difficile car, alors que tout nous incite à la performance, au « toujours plus », cette rencontre est affaire de fragilité, d’écoute, de silence, d’ouverture.

Un professeur décide de partir à la rencontre de Dieu.

Pour cela, il a tout lu, participé à d’innombrables débats et sessions.

Sans succès.

Alors, il décide d’aller voir un ermite.

Il arrive jusqu’à la cabane de l’ermite.

Ce dernier l’invite dans sa demeure et lui propose un peu de thé.

Il remplit la tasse du professeur et ne s’arrête pas de verser du thé, même lorsque la tasse est pleine, si bien que le thé se répand.

Le professeur s’écrie : « Arrêtez ! La tasse est pleine ! »

Alors, l’ermite lui répond : « Tu es comme la tasse. Tu es rempli d’idées, d’activités, de raisonnements … comment peux-tu recevoir l’Evangile si tu ne commences pas par vider ta tasse ? »

Et si nous vidions notre tasse afin de recevoir la force de Dieu ?

« Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort ».

Amen !