Israël – Palestine : sortir des vœux pieux ?

Israël – Palestine : sortir des vœux pieux ?

« On vous souhaite tout le bonheur du monde et que quelqu’un vous tende la main. Que votre chemin évite les bombes, qu’il mène vers de calmes jardins… » Vous souvenez-vous de cette chanson créée en 2015 dans le cadre d’une campagne de l’Unicef pour reprendre « les plus belles chansons célébrant la paix et l’espoir » ?  

Top 3 des vœux de début d’année : la paix, la santé et le bonheur pour nous, pour nos proches, pour le monde… Mais dès qu’on ouvre les yeux sur la réalité, tous les vœux pieux paraissent subitement absurdes et dérisoires. C’est une autre chanson qui nous vient à l’esprit : « Paroles, paroles, encore des paroles que tu sèmes au vent » chantait Dalida… Jacques Ellul dénonçait déjà dans les années 80 ce qu’il appelait « la Parole humiliée ». 

Prenons l’exemple très actuel des vœux pieux face à la situation d’Israël – Palestine… archétype même de l’alliage fou des questions politiques et des questions religieuses ! Doublé pour nous tous d’une foultitude de questions à enjeu spirituel mortel : la peur du terrorisme et notre indignation émotionnelle sélective, la question du peuple élu et de la racine spirituelle de notre foi, la résurgence d’un antisémitisme toujours vivace, le scandale de l’injustice et de l’attention aux persécutés et aux humiliés de la terre, la question terrible de la guerre juste et puis l’impossibilité de choisir entre deux fidélités… Comme le dit si bien cette rédactrice en chef de « Terre Sainte Magazine » dans un post sur FB  « J’aime les deux peuples, chacun pour des raisons différentes. Plus qu’ils ne le peuvent imaginer. Je trouve les deux légitimes à vivre sur cette terre. Je reconnais les deux. » Piège mortel en vérité…  

Comment allons-nous en sortir devant tant de mensonges, de malédictions, de conflits, d’humiliation ? Comment utiliser la Parole qui est la nôtre pour en faire une « Bonne Nouvelle » et sortir du piège des vœux aussi pieux que dérisoires ?  

La tentation du silence est grande d’autant que la sidération et la violence du climat ambiant nous laisse bien souvent noués et paralysés par la peur. Et on se dit que les chrétiens seraient peut-être bien inspirés de ne pas en rajouter, de se taire plutôt que de parler trop vite… 

Certains, parfois, trouvent les mots justes, ceux qui nous manquent, ceux qu’on aurait aimé dire soi-même. Je me suis reconnu dans ceux de cette rédactrice en chef de « Terre Sainte Magazine », Marie-Armelle Beaulieu. Je voudrais lui céder la parole une fois encore pour nous mettre à l’écoute de son témoignage en espérant qu’il nous inspire en ce début d’année : « Depuis 25 ans que je vis ici, j’ai travaillé à mon échelle à rendre les voies de la conciliation possibles, à défaut de réconciliation avant longtemps. J’ai refusé d’épouser les discours de l’un contre l’autre. J’ai travaillé à ne pas me laisser empoisonner par la haine. Ce n’est pas faute de voir de quoi basculer. Je refuse d’avoir à choisir maintenant même si le prix est de me faire insulter des deux côtés. Je ne suis ni Israélienne ni Palestinienne. Je ne prétends pas être neutre. Je prétends (…) que ce pays a besoin de ponts et non de murs. Je revendique de pleurer sur tous les morts, sans distinction de sexe, de religion, de parti politique. Je prétends que la situation dans laquelle nous sommes est la preuve qu’on ne peut pas continuer à ignorer les droits des Palestiniens à vivre dans la dignité, sur la terre où ils ont vu le jour et leurs pères avant eux. (…) Ma voie ici, est celle d’une suite du Christ assumée. Ma voie ici est de vivre des évangiles et de m’en nourrir. Ma voie ici est la contemplation de la croix et de celle du vide du tombeau, avec la sérénité que donne aux heures les plus sombres cet acte de foi : « Le Christ est ressuscité des morts ! Par la mort il a vaincu la mort ! et il a donné la vie à ceux qui sont dans les tombeaux ! » 

Si vous m’avez lu jusque-là, vous avez droit à un bonus : Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. (Mt 5, 43-48) 

Et puisque j’ai commencé en chanson, je termine en chanson avec Jean Ferrat : « Aimer à perdre la raison. Aimer à n’en savoir que dire ! » Et pour ce début d’année je vous souhaite un Esprit héroïque pour affronter l’adversité qui ne manquera pas de nous tomber sur le coin du nez et un Esprit d’enfance pour bâtir le monde qui vient sur l’émerveillement.