Grâce et Paix

Paroisse Protestante Unie d’Asnières Bois-ColombesDimanche 30 janvier 2022
Pasteur Andreas Seyboldt

Lecture biblique : 1 Corinthiens 1, 1 – 9 

1 Paul, apôtre de Jésus-Christ par appel, par la volonté de Dieu, et le frère Sosthène,

2 à l’Église de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui ont été consacrés en Jésus-Christ et qui sont saints par appel, avec tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, qui est leur Seigneur comme le nôtre :

3 Grâce et paix à vous de la part de Dieu, notre Père, et du Seigneur Jésus-Christ !

4 Je rends toujours grâce à mon Dieu, à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été accordée en Jésus-Christ ; 5 car en lui vous êtes devenus riches de tout, de toute parole et de toute connaissance, 6 puisque le témoignage du Christ a été confirmé en vous.

7 Dès lors, il ne vous manque aucun don de la grâce, en attendant la révélation de notre Seigneur Jésus-Christ.

8 C’est lui qui vous affermira aussi jusqu’à la fin, pour que vous soyez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus-Christ.

9 Dieu est digne de confiance, lui par qui vous avez été appelés à la communion de son Fils, Jésus-Christ, notre Seigneur.

Prédication

En début d’année, on a l’habitude de s’offrir des « vœux de nouvel an ». Il paraît que l’on peut encore le faire jusqu’à la fin du mois. Nous y sommes, alors : Bonne année à chacune et chacun !

Au quotidien des jours, ces bons vœux se disent (en français) : « Bonjour »

Et quand on est plus proche de quelqu’un, plus familier, ami ou de famille, on dirait plutôt : « Salut ». Selon Le Robert, c’est le fait d’échapper à la mort, au danger, de garder ou de recouvrer un état heureux, prospère. En langage religieux, il s’agit du fait d’être sauvé du péché et de la damnation. Il s’agit du salut de l’âme.

Le langage religieux n’est, d’ailleurs, pas limité à la seule religion chrétienne, comme l’atteste cet extrait d’une lettre en provenance d’Égypte, datée de 168 av. J. C. :

« Isias à son frère Hepaestion. Salut. Si tu vas bien et que tout va bien, cela concorde avec la prière que je ne cesse d’adresser aux dieux. Pour ce qui est de moi, de l’enfant et de toute la maisonnée, nous sommes en bonne santé et ne cessons de penser à toi. Quand j’ai reçu d’Horus la lettre dans laquelle tu annonces être retenu dans le serapeum de Memphis, j’ai aussitôt rendu grâce aux dieux d’apprendre que tu allais bien… »

Ainsi, le « salut » que l’on a l’habitude d’adresser à un proche, un ami ou membre de famille, porte en lui le souci de l’autre, du proche, du prochain – porté la prière !

Quant à Paul, dans les mots de salutation qu’il adresse aux destinataires de sa lettre, il emploie un autre mot – bien connu dans la tradition juive : « paix », ce qui, en hébreu, se dit « Shalom ».

La paix est l’état de prospérité et de bonheur propre au temps du salut.

C’est le shalom de Dieu donné à Israël en l’assurant de son alliance, de sa demeure au milieu du peuple. Par extension à l’humanité, c’est l’assurance tranquille d’un être humain qu’aucun conflit intérieur ne trouble : c’est la paix du croyant qui trouve en Dieu tout ce qu’il faut pour vivre.

La grâce, que Paul nomme en premier, est la cause toujours agissante de la paix. Nous y reviendrons.

Mais avant de nous intéresser un peu plus au contenu de ces bons vœux, il nous faudra regarder d’un peu plus près quelles sont les personnes en jeu : qui en est l’auteur – qui en sont les destinataires :

Paul, d’un côté, puis, les Corinthiens :

  1. « Paul, apôtre de Jésus-Christ par appel »
  2. « A l’Église de Dieu qui est à Corinthe »
  3. « À vous, grâce et paix »

1. « Paul, apôtre de Jésus-Christ par appel »

Paul est le premier grand « missionnaire » du Nouveau Testament.

Au cours de plusieurs voyages à travers les villes et régions de la Grèce antique, il est le fondateur d’un certain nombre d’Églises dans le monde hellénistique.

Avant cette activité missionnaire intense, Paul, juif pratiquant, « Hébreu fils d’Hébreux ; pour la loi, Pharisien », était plutôt connu et craint comme « persécuteur de l’Église » (Philippiens 3,4-6), particulièrement virulent, comme il le dit lui-même dans une autre de ses lettres :

« … vous avez entendu parler de mon comportement naguère et avec quelle frénésie je persécutais l’Église » (Galates 1, 13-14).

Puis, un jour, tout a changé radicalement :

Alors qu’il avait pour mission de rechercher les chrétiens pour les mettre en prison, il a été « renversé » – au sens figuré et littéral ! – sur le chemin de Damas par la voix du Christ lui-même :

« Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu ? » (cf . Actes 9, 1 – 9).

Le Saoul, persécuteur de l’Église est alors devenu l’apôtre Paul, infatigable prédicateur de l’Évangile !

Sa légitimité d’apôtre, il la tient de sa rencontre personnelle avec le Christ ressuscité.

Mais quand il en parle, c’est en toute simplicité, humblement et sans en tirer une quelconque fierté : « En tout dernier lieu, il m’est apparu à moi, moi, l’avorton. Car je suis le plus petit des apôtres… » (1 Cor.15,8-9).

Paul, toute sa vie durant, s’appuiera sur cet évènement qui devient alors le fondement unique de son existence – et le seul titre de gloire qu’il revendique, devant lequel tout autre mérite devient superflu et inutile : « Mais oui, je considère que tout est perte en regard de ce bien suprême qu’est la connaissance de Jésus-Christ, mon Seigneur » (Philippiens 3,8).

2. « A l’Église de Dieu qui est à Corinthe »

Quand Paul s’installe à Corinthe (où il va rester pendant 18 mois) nous sommes autour de l’an 50. La ville est alors devenue riche grâce à ses activités commerciales et à ses deux ports ouverts sur deux mers : le port de Cenchrée donnait sur la mer Égée et le port de Léchée (Léchaion) sur la mer Ionienne. Le transit de marchandises par ses ports est à l’origine de sa puissance économique. De ses chantiers maritimes sortaient un grand nombre de bateaux.

Corinthe était habitée par une population très cosmopolite. Toutes les opinions avaient droit de cité à Corinthe et dans ce terrain fertile, la semence de l’Évangile pouvait germer facilement. (cf. Actes 18, 1-17). Corinthe ressemblait à une fourmilière grouillante, à une ruche bourdonnante de commerçants venus de tous les coins de la terre, désireux de faire fortune.

Une ville cosmopolite, vouée au commerce et à l’industrie, qui avait une population très mélangée. Sur les terres fertiles de la région, des milliers d’esclaves faisaient pousser le blé, les légumes, les fruits en abondance et cultivaient les vignes dont on tirait le fameux vin de Corinthe, pour le profit des classes aisées.

Le relâchement des mœurs était proverbial et les auteurs de l’époque y font largement allusion : « Tout le monde ne peut aller à Corinthe », ce qui nous rappelle que les plaisirs de Corinthe coûtaient cher, et que beaucoup s’en abstenaient faute d’argent. Une « fille corinthienne » désignait simplement une prostituée.

L’Église de Corinthe est un reflet de cette diversité cosmopolite, sociale et culturelle. La suite de l’épître montrera que cette Église est traversée par des divisions et connaît des scandales. Riches et pauvres, esclaves et hommes libres s’y côtoient – sans vraiment se rencontrer, sans vraiment s’accueillir mutuellement.

Cela se révèle particulièrement au sein de l’assemblée au culte – au moment du partage de la Cène : « Quand vous vous réunissez, ce n’est pas le repas du Seigneur que vous prenez : en effet, dès que vous êtes à table, chacun se hâte de prendre son propre repas de sorte que certains ont faim tandis que d’autres s’enivrent » (1 Corinthiens 11,20-21).

Tout cela qui ne l’empêche pas d’être l’Église de Dieu. Car, ce titre ne dépend pas de ses vertus, mais de l’appel qui la fonde.

3. « À vous, grâce et paix »

La grâce est le regard bienveillant que Dieu pose sur nous – et qui a comme conséquence, c’est-à-dire, quand nous le recevons au fond de notre âme et de notre cœur – le shalom, la paix de Dieu, dont nous avons déjà parlé plus haut.

C’est l’assurance tranquille d’être accueilli, aimé, tel que je suis et quoi qu’il arrive, car cela ne dépend pas de mes mérites, mais uniquement celui de Dieu – et de la gratuité de son amour.

« Mon mérite, c’est la miséricorde du Seigneur », disait en son temps Bernard de Clairvaux (Personnage incontournable de l’Occident chrétien, il est à l’origine de l’exceptionnel rayonnement de Clairvaux et de l’ordre cistercien en France et en Europe.) « et je ne manquerai pas de mérite tant que la miséricorde ne me fera pas défaut ».

« À ceux qui sont saints par appel ».

La sainteté ne vient pas de nos œuvres, mais de l’appel de Dieu. La sainteté est, comme l’amour, donnée. À nous de vivre ce que signifie ce don.

« Je rends toujours grâce à mon Dieu, à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été accordée en Jésus-Christ ; car en lui vous êtes devenus riches de tout, de toute parole et de toute connaissance » (1 Cor.1, 4-5).

Comme dans presque toutes ses lettres, Paul commence par rendre grâce pour ceux à qui il s’adresse. Dans la suite de sa lettre, nous l’avons déjà évoqué, il ne manquera pas de leur dire ce qu’il pense de leur comportement. Mais il ne le fait pas sans avoir commencé par rendre grâce. Les pédagogues disent qu’il faut faire cinq compliments pour rendre une critique acceptable. Le changement vient de l’encouragement, non pas du jugement !

« Il ne vous manque aucun don de la grâce »

Paul insiste sur deux qualités des Corinthiens : la parole et la connaissance. Il ne rend pas grâce pour leur unité, ni pour une conduite irréprochable – et pour cause ! Il rend grâce pour leur connaissance de Dieu et pour l’annonce de la Parole. Les Corinthiens annoncent la Parole.

Ils connaissent les Écritures. Ils ont « la foi ». Un peu plus loin, dans cette épître, Paul revient sur la connaissance, en précisant que notre connaissance restera toujours limitée, car nous sommes des êtres limités. Le plus important n’est alors pas tant de connaître, mais d’être connu, c’est-à-dire, d’être reconnu : « À présent (c’est-à-dire dans ma vie présente, dans ma vie sur terre) ma connaissance est limitée ; mais alors, je connaîtrai comme je suis connu » (1 Cor.13,12).

Être chrétien, c’est savoir que Dieu pose un regard bienveillant sur ma personne et mon histoire, que son amour l’a conduit à la croix, et qu’il est ressuscité, c’est-à-dire que c’est l’amour – et non la mort – qui a eu le dernier mot sur ma vie. Une fois, cette connaissance acquise – et même si elle ne le sera sans doute jamais complètement ! – il ne me reste plus qu’à la laisser irriguer mes pensées et mes journées

Et pour conclure

Notre foi a besoin d’être vécue dans le concret de nos relations aux autres : au prochain, aux frères et sœurs dans l’Église, ainsi qu’aux prochains que je rencontre dans ma vie de tous les jours, en famille et au travail. Aux Corinthiens, qui cherchent à se perfectionner dans leurs multiples dons et connaissances, Paul écrit, dans la suite de sa lettre :

« Ayez pour ambition les dons les meilleurs. Et de plus, je vais vous indiquer une voie infiniment supérieure. Quand je parlerais en langues, celles des hommes et celles des anges, s’il me manque l’amour, je suis un métal qui résonne… » (1 Cor.12,31-13,1). Contrairement au choix qu’en font habituellement les couples pour leur mariage, ces versets parlent davantage de l’amour fraternel au sein de l’Église que de l’amour conjugal (ce qui ne veut pas dire, bien-sûr, que ce n’est pas un bon choix comme devise pour la vie de couple !)«  Vous avez été appelés à la communion », rappelle Paul à la fin de ses vœux aux Corinthiens : l’appel premier n’est pas la vertu ni l’usage des dons spirituels, mais la communion. C’est elle qui fonde tout le reste. Rester en communion… et tout le reste sera donné.

Car Dieu est fidèle. Il sera toujours là pour m’appeler à recommencer.

Amen.