Face à la tentation, accueillir Dieu

Église Protestante Unie d’Argenteuil, Asnières, Bois-Colombes et Colombes
Dimanche 26 février 2023 – Prédicateurs laïques Fanny de Jésus et Rova Rakotoarson

Lectures bibliques

Genèse 3 :1-7

Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l’Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme : Dieu a-t-il réellement dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? La femme répondit au serpent : Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez point et vous n’y toucherez point, de peur que vous ne mouriez. Alors le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez point ; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. La femme vit que l’arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvrir l’intelligence ; elle prit de son fruit, et en mangea ; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d’elle, et il en mangea. Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent, ils connurent qu’ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures.

Matthieu 4 : 1-11

Alors Jésus fut emmené par l’Esprit dans le désert, pour être tenté par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Le tentateur, s’étant approché, lui dit : Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. Jésus répondit : Il est écrit : L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Le diable le transporta dans la ville sainte, le plaça sur le haut du temple, et lui dit : Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet ; Et ils te porteront sur les mains, De peur que ton pied ne heurte contre une pierre. Jésus lui dit : Il est aussi écrit : Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu. Le diable le transporta encore sur une montagne très élevée, lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire, et lui dit : Je te donnerai toutes ces choses, si tu te prosternes et m’adores. 10 Jésus lui dit : Retire-toi, Satan ! Car il est écrit : Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul. 11 Alors le diable le laissa. Et voici, des anges vinrent auprès de Jésus, et le servaient.

Romains 5 :12-19

5 12 C’est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort s’est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché, … 13 car jusqu’à la loi le péché était dans le monde. Or, le péché n’est pas imputé, quand il n’y a point de loi. 14 Cependant la mort a régné depuis Adam jusqu’à Moïse, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam, lequel est la figure de celui qui devait venir. 15 Mais il n’en est pas du don gratuit comme de l’offense ; car, si par l’offense d’un seul il en est beaucoup qui sont morts, à plus forte raison la grâce de Dieu et le don de la grâce venant d’un seul homme, Jésus Christ, ont-ils été abondamment répandus sur beaucoup. 16 Et il n’en est pas du don comme de ce qui est arrivé par un seul qui a péché ; car c’est après une seule offense que le jugement est devenu condamnation, tandis que le don gratuit devient justification après plusieurs offenses. 17 Si par l’offense d’un seul la mort a régné par lui seul, à plus forte raison ceux qui reçoivent l’abondance de la grâce et du don de la justice régneront-ils dans la vie par Jésus Christ lui seul. 18 Ainsi donc, comme par une seule offense la condamnation a atteint tous les hommes, de même par un seul acte de justice la justification qui donne la vie s’étend à tous les hommes. 19 Car, comme par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été rendus pécheurs, de même par l’obéissance d’un seul beaucoup seront rendus justes.

Prédication

Vous connaissez sûrement la chanson de Michel Polnareff reprise par les enfoirés : « on ira tous au paradis… » Adam et Eve ont dû quitter le jardin d’Eden…Est-ce que nous, hommes et femmes d’aujourd’hui, et moi la première, nous aurions mérité d’y rester ? Et méritons-nous d’aller, de retourner au paradis ?…

Cette prédication pourrait être une leçon de morale sur le péché, sur ce qu’il faut faire et ne pas faire et sur le mal à rejeter et le bien à pratiquer. Mais là on aurait totalement raté l’exercice… Le but n’est pas que chacun reparte chez lui avec le poids de sa culpabilité… La prédication n’est pas une leçon de morale, mais le partage d’une bonne nouvelle, une bonne nouvelle qui fait résonnance dans ma vie… alors espérons qu’à la fin de ce culte, chacun puisse repartir léger, avec la joie d’avoir reçu une bonne nouvelle, une Parole de vie !

Revenons à ce texte de la Genèse qui commence avec le personnage du serpent. Le serpent représente la figure du diable, le diviseur, le semeur de trouble, de zizanie : celui qui va semer le doute dans l’esprit d’Eve. « Vous ne mourrez point » : le serpent parle de la mort physique, mais ne pourrait-on pas plutôt penser à une mort spirituelle ? Si Paul fait, dans le chapitre 5 de l’épitre aux Romains, une lecture historique du chapitre 3 de la Genèse, on peut également en faire une lecture à un autre degré, en regardant ce qu’il nous dit de l’humain et de Dieu, de leur relation.

Alors regardons de plus près ce que nous disent ces textes de l’humain, de Dieu et de leur relation. Et nous développerons cette réflexion en trois points.

  1. La tentation
  2. Notre finitude
  3. La bonne nouvelle
  1. La tentation de se prendre pour Dieu, la tentation de toute puissance

Il existe en chaque être humain, représenté par la figure d’Adam et Eve dans la Genèse,  la tentation de toute puissance, d’omniscience. C’est sans doute le plus grand péché, peut-être ce fameux péché « originel ». Avec une lecture historique on peut penser que le péché puis la mort sont entrés dans le monde parce qu’Adam et Eve ont mangé du fruit défendu. Ou alors on peut plutôt comprendre que chaque humain, à l’image d’Adam et Eve, est pécheur, traversé par le péché et la mort. Pour en revenir à la notion de péché, il ne faut pas confondre le péché et les péchés : le péché peut être vu comme le manque de communion d’amour avec Dieu ; notre relation à lui est faussée, coupée  (en hébreu le péché signifie : manquer la cible) ; les péchés représentent plutôt le manque de communion d’amour avec les autres. Là où les péchés traduisent les fautes que l’on commet, le péché est plus une posture existentielle.

Et pour reprendre cette expression (qui n’est pas très protestante) de péché « originel », on pourrait aussi dire de péché « premier », qui n’a pas un jour souhaité être à la place de Dieu, dépasser son statut de créature ? Cette tentation d’être comme Dieu, de convoiter la toute-puissance, l’omniscience, ou plus simplement de penser maîtriser sa vie, sans dépendre des autres, de Dieu : cette tentation est inhérente à tous les êtres humains. De la même façon que vouloir maîtriser sa vie, ne pas laisser la place à l’inattendu, l’imprévu, on peut également vouloir maîtriser celle des autres, ne pas laisser la place à l’altérité. Mais la vie nous montre souvent que c’est une impasse, et nous sommes rapidement remis à notre juste place, rattrapés par notre finitude…

Partant du texte de la Genèse, dans l’ancien testament, nous avons présenté le premier couple humain, figure de notre humanité, couple qui se fait prendre par la tentation ; humains trompés par le tentateur qui leur insuffle le doute (doute sur la bienveillance de Dieu) et l’envie (envie qui devient irrésistible de décider par soi-même et pour soi-même, maîtriser ce que l’on veut) ; figure de notre défaite devant la tentation.

Petit commentaire, en tant qu’éducatrice spécialisée, je rencontre des familles au sein desquelles on parle souvent d’enfants ou d’adolescents « dans la toute-puissance », restés à ce stade de développement de l’enfant (par lequel passe tout enfant) où il compte bien régir son monde selon ses propres envies ; avant d’apprendre (par des figures parentales bienveillantes) qu’il ne peut décider de tout selon son bon vouloir, sans tenir compte de ce qui l’entoure, avec les limites que cela lui impose.

Je vais tenter, partant du texte de la tentation de Jésus dans l’Evangile de Matthieu, dans le nouveau testament, de vous glisser comment l’expérience de Jésus peut nous éclairer et nous armer pour, comme nous le disons dans le Notre Père « ne pas entrer en tentation ».
Jésus n’échappe pas à cette tentation majeure de toute puissance que le tentateur lui tend sous plusieurs formes.

La 1ère, tentation de pouvoir faire tout, Mat 4 :1 :  Le contexte est important :

Alors que Jésus vient d’être reconnu par JB dans une mission au-dessus de la sienne (puisque JB estime que c’est Jésus qui devrait le baptiser et non l’inverse), au lieu de se prévaloir d’une supériorité, Jésus reste humble, il a besoin de recevoir ce baptême … pour prendre des forces s’opposant à de la domination. La parole reçue « mon fils bien aimé » vient en retour, comme pour l’affermir dans la position qu’il a prise, lui confirmer que c’est la juste voie. 

Alors qu’il a faim, il jeûne depuis 40 jours, le tentateur lui propose de transformer des pierres en pain : il le tente « tu peux tout faire, tu peux répondre à un besoin légitime, maitriser tout comme par magie – pour tes envies (en tant que fils bien aimé) ». Mais Jésus résiste par la Parole de Dieu « Il est écrit : l’H ne vivra pas de pain seulement… mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu : il décale le besoin physique en besoin spirituel (au pain, qui nourrit le corps, il oppose la parole, qui nourrit l’Esprit).

Revenons à la tentation d’Adam et Eve et voyons notre deuxième point 

2. Notre finitude, Reconnaître nos limites, notre condition humaine

Adam et Eve, après avoir mangé du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, prennent conscience qu’ils sont nus et se cachent. Comme Adam et Eve, je reconnais ma nudité, mes limites, ma finitude. Cette découverte, redécouverte, peut s’avérer parfois violente, mais elle est nécessaire. Nous sommes loin d’être comme Dieu ; et surtout nous sommes loin d’avoir sa sagesse…

La frontière entre le bien et le mal est bien différente d’une frontière entre deux pays, entre deux populations, d’une ligne Maginot… Le mal, le péché ce n’est pas toujours les autres que cela concerne ; et quand je suis tentée de juger mon voisin, je ferais bien de regarder la poutre dans mon œil avant d’ôter la paille qui est dans le sien… Je me rends compte que je suis moi-même traversée par cette ligne du bien et du mal ; comme dirait Paul je ne fais pas le bien que je voudrais faire et je fais le mal que ne voudrais pas faire. Je suis esclave du péché, il existe malgré moi…

La 2ème, tentation de faire faire à Dieu tout, Mat 4 : 5

Par la prière on attend un soutien, on prie pour réclamer un secours – comme le psalmiste, on peut aller parfois jusqu’à supplier voir jeûner pour une guérison et l’espérer ardemment – comme les miracles faits par Jésus. Forts de la promesse de prières exhaussées, on peut sans s’en rendre compte se rendre esclave de notre propre volonté, qu’elle s’accomplisse -comme nous le voulons nous-mêmes, en décidant nous de ce que Dieu devrait faire.

Le tentateur suggère à Jésus de se jeter du haut du temple en reprenant l’arme sur laquelle Jésus a pris appui. Il lui déclare « car il est écrit … » … il sème le doute en distordant l’Esprit de la Parole ! La même parole :« ils te porteront sur les mains », change de destination (de cible – devenant péché) D’une promesse d’attention « de peur que ton pied ne heurte contre une pierre » préservant de se blesser, le tentateur fait une utilisation qui contraindrait Dieu à agir. En suggérant « jette-toi » Dieu serait obligé d’intervenir pour protéger d’une action auto centrée le mettant à l’épreuve. Ce à quoi Jésus répond par une autre parole, respectant l’Esprit, tourné vers l’Autre « tu ne tenteras pas l’Eternel ton Dieu »

Le diable tente ainsi Jésus, comme il a tenté Adam et Eve ; il suggère le péché, Là où Jésus résiste, Adam et Eve entrent en tentation : c’est ce péché qui oriente l’être humain vers d’autres dieux que le Dieu unique.

Ce péché m’est révélé par la loi, comme la lumière révèle les ténèbres. Et comme je l’ai dit tout à l’heure, les ténèbres ce n’est pas toujours chez les autres… S’il n’y avait pas de loi on ne pourrait pas m’imputer mon péché. Et c’est parce que la loi me dit « tu n’auras pas d’autres dieux » que je me rends compte que j’ai une multitude d’autres dieux dans ma vie, le plus dangereux et le plus présent étant probablement moi-même… mon désir de toute puissance, ma croyance de tout maîtriser, de ne dépendre de personne…De ne pas laisser de place à l’imprévu, à l’inattendu, à l’altérité…

La 3ème, tentation d’avoir le pouvoir sur tous, Mat 4 : 8

Lorsqu’on observe des personnes qui montent les marches du pouvoir, ou, plus près de nous, les marches de la hiérarchie, nous voyons souvent des traits du caractère se modifier, l’intégrité a tendance à s’émousser, l’autorité souvent devient dominante. On observe que, commençant par de petits privilèges ou bénéfices secondaires qui peuvent sembler légitimes, le danger de glisser vers la corruption est manifeste pour qu’elle soit si répandue.

Quand le tentateur propose ce pouvoir sur le monde (pouvoir politique que nombre de juifs de son temps auraient attendu qu’il prenne), Jésus pour la 1ère fois lui intime de se retirer (dans une affirmation et prise de position d’un combat spirituel frontal cette fois). Jésus lui oppose en substance le 1er commandement (d’Exode 20 : 3) « tu n’auras pas d’autre Dieu devant ma face ».

Pour en revenir à Adam, c’est une des deux figures dont nous parle Paul, qui doit venir dans le monde : il représente le péché et la mort qui entrent dans le monde. Ce péché et cette mort, qui vous l’aurez compris, sont inhérents à l’être humain, et contre lesquels à nous seuls nous ne pouvons pas grand-chose, ne peuvent pas être la bonne nouvelle que nous allons ramener chez nous ce dimanche. Heureusement l’histoire ne s’arrête pas là…

3. La bonne nouvelle, La grâce a surabondé …

Comme Adam et Eve, et comme Jésus, nous sommes continuellement mis face à la tentation. Mais là où Jésus résiste, cette tentation plonge nos existences dans le péché

Face à cette mort qui serait introduite par Adam et son péché, le Christ est venu pour nous faire le don de sa grâce : la grâce a surabondé… Si la multitude a connu la mort par le péché d’un seul homme, il y a une logique de surabondance de la grâce du Christ. Face aux fautes de tous les hommes, la grâce est donnée à tous. Personne n’est juste, mais nous sommes tous justifiés.

Nous sommes tous pécheurs ; personne n’est transparent devant la lumière et l’amour de Dieu. Et si je pense que certains méritent plus que d’autres cette grâce parce qu’ils seraient moins mauvais, je n’ai sans doute pas compris ce qu’est ce don de la grâce. Le salut est  offert à tous, il n’y a pas de question de mérite. Le regard d’amour que Dieu pose sur moi ne dépend pas de ma personne, de mes compétences, quelles qu’elles soient. Le don de Dieu est gratuit. Dieu n’est pas venu nous juger pour nous condamner : Dieu nous donne son pardon et sa grâce avec générosité. Et c’est à nous de voir si nous sommes prêts à recevoir cette grâce ou non, à accueillir Dieu dans nos vies, à lui faire de la place.

Et c’est là la vraie liberté que j’ai en tant que chrétienne, pouvoir venir à Dieu sans contrainte, en étant assurée de son amour, de son pardon et de sa grâce. Cette liberté est bien différente du pouvoir, de la toute-puissance, de l’omniscience, du sentiment de totale maîtrise. En même temps elle me dit que je n’ai rien à prouver, rien à mériter : Dieu m’aime telle que je suis et il me pardonne mes fautes.

Nous ne sommes pas seuls. Et c’est là que se trouve la bonne nouvelle ! Si nous reconnaissons nos limites, notre finitude, Dieu est là pour nous relever. En acceptant de remettre nos vies entre les mains de Dieu, en l’accueillant dans nos vies, et en accueillant notre prochain, nous pouvons être au bénéfice de sa lumière et cheminer en paix, avec sérénité. C’est là la liberté et sans doute le secret de la vie éternelle, à vivre dès aujourd’hui…

En conclusion de la tentation de Jésus au désert, seule sa détermination à s’attacher à Dieu, dans sa relation sans faille avec le Père lui permet de résister. Il puise sa force dans la promesse  qui lui a été rappelée, « tu es mon fils bien aimé ». Cette promesse est aussi pour nous : Comme les bras aimant d’un parent réconfortant son enfant après un moment difficile.

Soyons prêts à accueillir Dieu et à accueillir l’autre dans nos vies, à lui confier toutes choses, des plus insignifiantes aux plus importantes. S’en remettre à lui, lui faire confiance, je vous l’assure, c’est un pari gagnant !

Et oui… comme disaient Polnareff et les enfoirés : on ira tous au paradis… même moi… Le monde où on vit n’est peut-être pas le paradis, mais assurés de l’amour de Dieu, la vie éternelle, une vie en plénitude, nous est peut-être offerte, dès aujourd’hui…

Amen