Culte du 4 juillet 2021 – Bois-Colombes

Lecture : Marc6, 1 – 13

1 Jésus quitta cet endroit et se rendit dans son pays ; ses disciples le suivaient.

2 Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. Impressionnés, de nombreux auditeurs disaient : « D’où lui vient cela ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée et comment ces miracles se réalisent-ils par ses mains ? 3 N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne vivent-elles pas ici parmi nous ? » Cela les empêchait de croire en lui.

4 Et Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, dans sa parenté et dans sa maison. »

5 Et il ne pouvait faire là aucun miracle, si ce n’est qu’il posa les mains sur quelques malades et les guérit. 6 Et il s’étonnait de leur manque de foi.

Jésus parcourait tous les villages des environs et enseignait.

7 Il appela les douze disciples et se mit à les envoyer deux par deux. Il leur donna autorité sur les esprits impurs 8 et leur fit ces recommandations : « Ne prenez rien avec vous pour la route, sauf un bâton ; pas de pain, ni de sac, ni d’argent dans la ceinture. 9 Mettez des sandales, mais n’emportez pas de tunique de rechange. »

10 Il leur disait encore : « Si vous recevez l’hospitalité dans une maison, restez-y jusqu’à ce que vous quittiez l’endroit. 11 Si les habitants d’une localité refusent de vous accueillir et de vous écouter, partez de là et secouez la poussière de vos pieds : ce sera un avertissement pour eux. »

12 Les disciples s’en allèrent donc proclamer aux gens de changer de vie.

13 Ils chassaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades et les guérissaient.

Prédication :

Comme les disciples, nous avons envie de prendre le large !

De quitter nos maisons pour partir prendre l’air – et d’aller à la rencontre de nos proches et prochains, amis, famille, partir en vacances, prendre un verre ou deux ensemble, manger ensemble, aller au resto et au ciné, .. bref, renouer avec le lien social dont nous étions si longtemps privés !

Même si, tout n’est pas sans risque : le virus circule toujours – dans cette variante « delta » dont on nous dit qu’elle est encore plus contagieuse, plus incertaine dans les conséquences éventuelles…

Comment partir tranquillement en vacances – sans crainte de le payer avec une quatrième vague de pandémie à la rentrée – voir même avant, à entendre les craintes exprimées du ministre de la santé ?

Le passage de l’Évangile de Marc que nous venons de lire, ne nous parle pas exactement d’un départ en vacances – mais d’un départ en mission !

Il nous rejoint sur notre chemin pour nous appeler à une sortie libératrice de l’enfermement, de la peur et du fatalisme !

Avec Jésus, nous sommes sur un chemin de confiance nous pouvons retrouver la paix, la sérénité et l’espérance : un chemin de rencontre avec lui et les uns avec les autres …

Oups, je suis déjà dans la conclusion, dans les mots de la fin !

J’ai sauté un peu vite les étapes qui, à bien y regarder, ne sont pas sans obstacles et même, à y regarder de plus près, relatent plutôt des échecs !

Échec, d’abord, de Jésus lui-même – dans sa patrie où « il ne pouvait faire aucun miracle » (Marc 6,5). Ce qui est à l’origine du proverbe populaire bien connu : « Nul n’est prophète en son pays ». (Il est, en effet, plus difficile d’être écouté, considéré par ses compatriotes ou ses proches que par les étrangers).

Tel maître, tel disciple ! Dans la suite du récit, nous lisons que l’échec semble être aussi une expérience vécue par les disciples : « Si les habitants d’une localité refusent de vous accueillir et de vous écouter … » (Marc 6,11). Nous y reviendrons.

Mais, avant cela, arrêtons-nous un moment sur ce « départ en mission » auquel Jésus invite ses disciples. …

Nous nous sommes posé la question ensemble, début juin, lors d’un culte-échange : quelle est la « mission de l’Église » ?

Dans les réponses reçues, il y avait, bien-sûr : annoncer la Bonne Nouvelle, dire la Parole – mais aussi s’ouvrir au monde : partager la Parole, faire connaître Jésus … en partant de la demande, de la recherche des gens

Sans aller trop loin dans les détails, ces quelques retours me semblent déjà indiquer que la mission de l’Église n’est pas seulement une affaire de spécialistes et autres « gens du métier », comme les pasteurs, les prédicateurs laïques, les catéchètes et les conseillers presbytéraux !

Nous sommes, au contraire, toutes et tous, chacune et chacun, des « missionnaires potentiels » du moment où nous sommes baptisés, comme disaient les Réformateurs du 16e siècle, ou, simplement participants au culte, pourrions-nous dire aujourd’hui, habité d’un désir de partager ce que nous entendons et recevons au culte … sans attendre d’avoir une « foi parfaite » !

Les disciples eux-mêmes n’en sont d’ailleurs pas vraiment les champions, selon ce que les évangiles, et notamment l’évangile de Marc, nous en racontent : « Pourquoi avez-vous si peur ? Vous n’avez pas encore de foi ? », les interpelle Jésus après la tempête apaisée (Marc 4,40).

Et pourtant, c’est eux que Jésus appelle pour partir en mission. C’est sur eux qu’il compte pour annoncer son Évangile – tout comme nous sommes aujourd’hui, Église rassemblée autour de l’écoute de sa Parole, à notre tour, appelés à l’annoncer.

Le mot Église se laisse justement traduire par rassemblement des appelés.

En font partie celles et ceux, qui, comme jadis les disciples, sont à l’écoute de la prédication, de l’ annonce de l’Évangile, comme nous ce matin ! …

Sur la route des vacances, sur la route de nos retrouvailles en familles ou entre amis, nous sommes ainsi appelés, comme les disciples, à suivre Jésus sur le chemin de l’annonce de l’Évangile…

C’est à quoi le passage d’évangile de ce matin nous invite !

Je le résumerais en trois remarques :

  1. Annoncer l’Évangile en famille ou aux amis
  2. Annoncer l’Évangile avec une foi démunie
  3. Annoncer l’Évangile dans la rencontre

1) Annoncer l’Évangile en famille ou aux amis

Si vous avez déjà essayé de partager votre foi en famille, à vos enfants, à vos parents – ou à vos amis – l’expérience d’échec de Jésus « dans son pays » ne vous est peut-être pas inconnue !

Vouloir partager, chercher à témoigner d’une expérience de foi qui vous a marqué, qui vous a poussé à changer vos habitudes, vos points de vue, vos convictions, est presque toujours difficile à comprendre et à accepter par les gens qui nous sont les plus proches, qui nous connaissent – ou pensent nous connaître – depuis longtemps, depuis notre enfance ou nos années d’études.

La familiarité n’est pas forcément un terrain fertile pour une vraie écoute. A force de penser bien connaître l’autre, nous oublions parfois qu’il peut changer, évoluer dans ses pensées et convictions : qu’il est, justement, aussi un autre que nous-mêmes, différent de nous-mêmes.

Jésus, après l’échec vécu dans le pays de ses parents, frères et sœurs où il a grandi, fait le constat de cet échec – et de l’impossibilité de pouvoir y accomplir quelque « miracle » de foi.

Il en tire, en quelque sorte la conclusion d’envoyer ses disciples à sa place ! De notre côté, nous pouvons inviter nos proches de rencontrer d’autres témoins de l’Évangile – non pas parce qu’ils auraient une foi plus parfaite que moi, mais parce qu’ils sont différents de moi !Si nos enfants ont pu grandir dans la confiance, c’est sans doute, grâce à leur vécu dans la famille. Mais pour faire leur propre cheminement dans la foi, il fallait d’autres rencontres, ailleurs, avec d’autres personnes, dans l’Église et ailleurs …

2) Annoncer l’Évangile sans s’encombrer de bagages superflus

Ce qui est frappant dans le récit de l’envoi des disciples en mission, c’est la recommandation de Jésus d’y emmener que le strict nécessaire – voir même encore moins : « pas de pain, ni de sac, ni d’argent dans la ceinture » (Marc 6,8).

Les sandales aux pieds pour la marche et le bâton pour se défendre (les routes de l’antiquité n’étaient pas aussi bien faites, ni aussi « sûrs » que celles d’aujourd’hui chez nous !)

C’est dans le dénuement et la légèreté la plus totale qu’il leur recommande de voyager ! Rien à voir avec les valises bien pleines et une bourse bien fournie avec lesquelles nous avons l’habitude de partir en vacances (si nous en avons les moyens !)

Nous pouvons y voir aussi une dimension symbolique : ce n’est pas seulement nos biens matériels qui nous pèsent et nous encombrent parfois, mais aussi ce que nous pourrions appeler nos biens spirituels : toutes nos certitudes, nos croyances et nos convictions qui, au fond, sont plutôt un empêchement qu’un moyen pour annoncer l’Évangile !

Comment être capable d’annoncer l’Évangile avec une foi traversée par des doutes et des mises en questions ?

Et si c’était justement dans ces moments-là, où notre foi vacille, où notre espérance est en berne, que le Christ est proche de nous ?

Et si c’était justement dans ces moments-là que notre témoignage est le plus crédible, le plus authentique, le plus convaincant ?

3) Annoncer l’Évangile dans la rencontre

Si les disciples sont envoyés en mission par deux, c’est pour pouvoir s’épauler, se soutenir mutuellement. Et c’est aussi pour susciter davantage le dialogue, l’échange – et la reconnaissance que la foi ne peut pas évoluer, ni même rester vivante, si l’on reste seule, replié sur soi-même.

Cela se montre encore par le dénuement et la légèreté – voir la pauvreté – dans lequel les disciples sont envoyés. Il s’agit de favoriser la rencontre et le partage avec celles et ceux qu’ils sont appelés de rencontres. Jésus les appelle explicitement à recevoir « l’hospitalité » des personnes qui les invitent !

Pour qu’une rencontre soit vraie et authentique, il faut de la réciprocité. Il faut qu’il y ait un vrai partage – et cela est encore vraie dans un sens symbolique : l’envoyé ne doit jamais être le seul à donner, à offrir. Il faut qu’il soit près aussi de recevoir ! L’Évangile n’est jamais donné « en sens unique » : de quelqu’un qui croit à un autre qui ne croit pas (encore) ! Car l’Évangile est toujours au-delà, encore, de ce que je crois et pense avoir compris de Dieu. …

Annoncer l’Évangile dans la rencontre, est peut-être, d’abord et avant tout, savoir écouter l’autre que le Seigneur m’a donné de rencontrer et que dans cette écoute une parole d’Évangile peut aussi m’être adressée à moi !

Une dernière remarque :

Quelle est la signification de ce verset un peu étrange dans lequel Jésus appelle les disciples à « secouer la poussière de leurs pieds » en cas de refus d’accueil de l’Évangile ? La TOB nous explique à ce sujet : « c’est un geste qui signifie que l’envoyé ne doit plus rien aux personnes visées, pas même la poussière de leur ville qui auraient pu rester attachée à leurs sandales » (TOB, annotation v.11).

Si nous sommes, en effet, chacune et chacun, envoyé « en mission », à la rencontre de notre prochain, pour annoncer l’Évangile, nous ne sommes pas pour autant responsables du résultat de cette annonce.

En tant que pasteur, dans les différentes paroisses, où j’ai pu exercer mon ministère, j’ai pu rencontrer et accompagner des personnes : des jeunes, des adultes, des couples, des familles.

Il m’était donné, parfois, d’apprendre que tel jeune que j’ai pu accompagner au kt ou au groupe de jeunes, a fait pris es responsabilité dans l’Église ou qu’un enfant que j’ai baptisé bébé, a demandé à confirmer son baptême une fois devenu ado. Mais c’est plutôt rarement que j’apprends ces nouvelles !

Accepter de ne pas savoir ce qu’est devenu la foi d’un tel avec qui nous avons pu partager une parole d’Évangile.

Accepter aussi l’échec – et reconnaître que nous ne savons ni ne pouvons pas tout, que notre responsabilité de missionnaire n’inclut pas la croissance de la semence.

Accepter, enfin, que avoir la foi, ne signifie pas tout savoir, tout pouvoir.

Que l’autorité donnée par le Christ n’est pas un pouvoir surhumain, mais une dynamique qui nous aide à grandir, ensemble, dans la foi, dans l’espérance et dans l’amour, les uns avec les autres, les uns pour les autres.

Amen

Andreas Seyboldt