La paix intérieure (5 février 2017)

Dimanche 5 février 2017

Texte biblique : Jean 14, 22-27

La paix intérieure, la sérénité : voilà des expression en vogue actuellement.

Il est vrai que cette paix intérieure semble bien contrariée.

Il y a les soucis, les projets, le stress de la vie quotidienne.

Il y a les remords, les regrets, les blessures.

Plus profondément, il y a une insécurité narcissique, ce sentiment de ne pas être assez bien, de ne pas être à la hauteur, de ne jamais en faire assez, comme chrétien, parent ou enfant, professionnel, étudiant ou bénévole.

Ces obstacles à la paix intérieure font partie de notre nature.

A toute époque, les hommes se sont sentis coupables, insuffisants ou écartelés par des désirs contradictoires.

Depuis quelques années, deux difficultés supplémentaires sont apparues : l’instabilité et l’injonction d’être soi.

D’abord l’instabilité : instabilité professionnelle avec le chômage ou les changements de poste; instabilité affective avec des séparations et des familles recomposées; instabilité politique ; instabilité spirituelle avec un nomadisme religieux qui ne permet pas d’ancrer sa foi . Et cette instabilité exaspère l’inquiétude.

Ensuite l’injonction d’être soi : « soyez vous-même » nous assène-t-on, sans que nous sachions qui nous sommes censés être.

Nos ancêtres avaient peur de ne pas à la hauteur des exigences divines ; aujourd’hui, nous avons peur de ne pas être à la hauteur de notre propre projet de vie, nous nous angoissons de ne pas être perpétuellement épanouis.

Ce n’est pas par hasard si l’un des livres les plus vendus ces dernières années s’appelait : « La fatigue d’être soi ».

Dans ces conditions, comment vivre en paix ?

Bien sûr, comme chrétiens, nous pouvons minimiser cette question en pensant que l’essentiel n’est pas la paix intérieure mais la foi et la paix avec les autres.

Seulement, nous devons convenir que, tant que la paix n’est pas en nous, nous ne pouvons être en paix avec Dieu ou ceux qui nous entourent.

Un scorpion veut traverser une rivière. Il demande à un jeune chiot de l’aider à traverser en montant sur son dos.

Voyant que le chiot avait des réticences, il lui dit : « Ne sois pas bête, je ne te piquerai pas car sinon tu couleras et je mourrai avec

Le chiot accepte.

Au milieu de la traversée, il ressent une douleur : le scorpion venait de le piquer : « Pourquoi as-tu fait cela ? Je vais mourir et toi aussi puisque tu vas couler ».

Le scorpion lui répond : « Je suis désolé, je n’y peux rien, c’est dans ma nature, je ne peux m’empêcher de te piquer même si je dois en souffrir ». •

Tant que nous ne vivons pas la paix en nous, nous nous blessons, même sans le vouloir.

Alors comment faire ? Qui peut abattre ces murs ?

« Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix » répond Jésus

D’Esaïe à Jérémie, les prophètes annonçaient que lorsque le Messie viendra, il apportera la paix, une paix totale, une paix entre Dieu et son peuple, une paix entre les peuples, une paix intérieure, une paix pour toujours.

Vous connaissez ces prophéties.

Prophétie de sécurité retrouvée : « Le loup halètera avec l’agneau le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble et un petit garçon les conduira … le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra »

Promesse de plénitude : « Mes désirs se sont calmés et se sont tus comme un enfant endormi sur sa mère ».

Si nous sommes lucides sur nous et notre monde, nous devons convenir que ces prophéties sont loin d’être accomplies.

Certains prophètes attendaient que Dieu change notre monde, détruise les armes, baisse les frontières, rassemble tous les peuples autour de Jérusalem, contrôle notre agressivité.

Or, Dieu n’est ni un marionnettiste ni un réparateur d’ordinateur défectueux qui supprimerait tout ce qui « bugge ».

Il n’établit pas la paix sans nous.

Par contre, en Christ il nous donne les outils nécessaires à la paix, et il le fait, pour reprendre l’expression de Paul, en détruisant « les murs de séparation ».

D’abord, le mur des conflits.

Christ nous donne un pouvoir, le seul vrai pouvoir des forts, celui de pardonner et de tenter des réconciliations.

Au cours du siècle passé, marqué par tant de massacres, quelques hommes ont puisé en Dieu la force de résister et de défendre ce à quoi ils croyaient, tout en gardant obstinément le cap du pardon et de la réconciliation et ils furent parmi les plus grands de ce siècle : Gandhi, Luther King, Mandela, Walesa.

Puissions-nous puiser en Dieu une pareille force.

Autre mur, dressé par les injonctions contemporaines : l’injonction d’être soi.

Jésus détruit ce mur parce que, par lui, nous sommes désirés, aimés, pardonnés, avec ce que nous sommes, avec ce que nous ratons, avec nos failles et nos fautes.

L’autre secret, c’est que Dieu nous dit qui nous sommes.

Il nous dit que nous sommes importants à ses yeux, il nous dit que nous sommes ses enfants, il nous dit que nous avons autant de valeur qu’une perle de grand prix.

Nous n’avons donc plus à nous vouloir être parfaits, nous n’avons plus à correspondre à ce que les autres attendent de nous, à ce qui nous est dicté.

Enfin, nous pouvons vivre avec ce que Paul Ricoeur appelle une  »tranquille estime de soi ».

Troisième mur, celui de l’insécurité.

Nous l’avons vu, le sentiment d’insécurité est pluriel; il touche aussi bien aux circonstances de la vie qu’à nos propres capacités à y faire face.

Qu’est-ce que l’avenir me réserve ? Serai-je à la hauteur ?

Par sa vie et par sa mort, Christ vient à nous : « vous qui étiez jadis loin, vous avez été rendu proches par le sang du Christ ».

Notre vie est accompagnée; et rien, aucune faute, aucun échec, ne pourront nous séparer de lui … « pas même la mort » écrira plus tard Paul.

Nous ne sommes donc pas seuls pour affronter notre vie.

Surtout, cette vie, nous pouvons la prendre au sérieux mais pas au tragique.

Car le Christ nous donne l’essentiel, par grâce.

Il nous donne son salut, son Esprit, son amour, la capacité d’aimer ceux qui nous entourent comme des frères et des soeurs.

Et cela ne dépend pas de nous, de nos réussites ou de nos échecs professionnels, conjugaux ou parentaux.

La paix prend la place laissée par l’angoisse de l’échec.

Dernier mur, une vie éclatée; avec ma carrière, ma vie familiale, ma vie amoureuse et ma foi qui n’oriente pas grand chose.

Le Christ nous donne l’exemple d’une autre façon de vivre.

En effet, dans sa façon d’entrer en relation, ses miracles, sa compréhension de l’Ecriture, ses révoltes, son arrestation, il est en parfaite cohérence avec sa vocation, sa relation avec son Père.

Sa vie est unifiée.

Aujourd’hui, Christ vient unifier notre vie.

Comme des aiguilles, dispersées sur une table, sont orientées et rassemblées par l’aimant. Christ aimante toutes les dimensions de notre être pour qu’elles soient « attirées » par l’Evangile.

La paix s’épanouit en moi lorsque ma vie se rassemble.

Christ a donc détruit les quatre murs de séparation; plus rien ne nous sépare de la paix intérieure.

Alors, comment se fait-il que nous ne l’éprouvions que si rarement, si fugitivement ?

Chers amis, la paix est un don du Christ.

Mais, pour se diffuser en nous, durablement, profondément, elle exige une adhésion à l’Evangile.

C’est sur ce point que nous nous trompons.

Aujourd’hui, le besoin de paix intérieure se fait plus sentir que jamais; et cette aspiration est à la fois explicable et légitime ; mais nous nous illusionnons en croyant y accéder sans effort, en faisant un peu de yoga ou de méditation.

La paix requiert un effort spirituel.

  • Effort pour prier. Par la prière, l’Evangile se diffuse jusqu’aux profondeurs de mon être et m’apporte la paix.

  • Effort pour m’approprier les récits de la Bible. Car, à travers les prophéties, le Décalogue, le Sermon Sur la montagne et tant d’autres textes. Dieu nous enseigne la paix.

  • Effort pour faire des choix, dans ma vie, qui vont dans le sens de l’estime de soi, de la réconciliation, de la confiance, du tri entre l’essentiel et l’accessoire, de l’unité de la personne.

Le Christ nous donne les outils nécessaires à la paix intérieure.

A nous de nous en saisir par un combat spirituel.

Je conclurai par une comparaison surprenante : la paix intérieure est semblable au baccalauréat.

Lorsqu’on n’a pas encore le bac, toutes nos pensées sont tournées vers lui; et dès que nous l’avons, nous nous mobilisons pour autre chose.

De même, la paix intérieure n’est pas une fin en soi.

Je la reçois pour servir, agir, relever, réconcilier

« Christ est notre paix » pour que nous soyons des artisans de paix.

Amen

!