Pâque : la fête de la liberté

                             Pâques, fête de la liberté !

Pâques est la plus importante des fêtes juives et chrétiennes.
Mais que célèbre-t-elle exactement et en quoi sommes-nous concernés ?

Des racines qui puisent en profondeur
Depuis des millénaires, les humains fêtent le retour du printemps.
Par exemple, à l’équinoxe, les sociétés nordiques célébraient la déesse Ost Ara (ce qui donnera « easter » en anglais), représentée sous les traits du lièvre, à la fécondité proverbiale.
Ainsi, la fête du printemps est celle de la vie renaissante.

La Pâque juive
Dans la Bible, une fête se situe à cette période: la Pâque. Elle est célébrée le samedi succédant à la 1ère pleine lune du printemps (c’est pourquoi sa date change suivant les années). Si la Pâque juive se superpose aux fêtes antiques du printemps, elle n’exprime pas les mêmes idées.
D’abord, elle ne fête pas un événement naturel mais une intervention divine.
Surtout, elle ne célèbre pas le retour de la vie mais une libération, celle du peuple hébreu. Maltraités en Egypte, les Hébreux échappent à l’armée du Pharaon et s’apprêtent à traverser le désert, sous la conduite de Moïse et d’Aaron. Durant la nuit précédant leur départ, ils partagent un bref repas, constitué d’un agneau rôti et de pain « azyme » (« sans levain »). Dans le récit biblique, il est demandé à chaque famille de se souvenir de ce moment fondateur en célébrant la Pâque.
Cette fête consistera principalement en un repas partagé, « le seder », avec l’agneau rôti et le pain azyme, 4 coupes de vin (auxquelles est parfois ajoutée une 5ème, vide, en mémoire des Egyptiens tués), des herbes amères (en souvenir de l’amertume de l’esclavage), un oeuf cuit dans la cendre (symbole du deuil), de la cannelle et des fruits secs (rappelant la douceur de la foi en Dieu).
Au cours du repas, le père de famille raconte l’histoire de l’Exode et conclut par ces mots : « c’est ainsi que l’Eternel nous libère ». L’emploi du présent n’est pas fortuit. Dieu n’a pas libéré son peuple, une fois, dans le passé; il continue à agir, ici et maintenant.
A la table de famille, une place reste libre et le couvert y est mis. C’est la place réservée au prophète Elie, dont le retour sera le signe de la venue de Dieu au milieu des humains. La porte de la pièce reste ouverte afin de ne pas contrarier sa venue.
Ainsi, la Pâque juive commémore la sortie d’Egypte et affirme que Dieu libère.

Jésus célèbre la Pâque
Matthieu, Marc et Luc racontent que, le jour de son arrestation, Jésus fête la Pâque, avec ses disciples.
Durant ce repas, il annonce sa mort et la relie étroitement à cette grande fête juive : « J’ai tellement désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir. Car, je vous le déclare, jamais plus je ne la mangerai jusqu’à ce que qu’elle soit accomplie dans le Royaume de Dieu » (Luc 22, 14-16).
Surtout, Jésus s’identifie au pain et au vin de la Pâque : « Puis il prit du pain et après avoir rendu grâce, il le rompit et le leur donna en disant : Ceci est mon corps donné pour vous. Faites ceci en mémoire de moi. Et pour la coupe, il fait de même après le repas en disant : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang versé pour vous » (Luc 22, 19-20).
Ainsi, Jésus associe sa vie et sa mort à la Pâque, et donc, à la liberté offerte. En quoi sa vie et, plus mystérieusement sa mort, sont-elles des sources de libération ?

Une vie libératrice
Son existence toute entière est sous-tendue par une conviction : Dieu veut notre bien et entend nous libérer de ce qui nous enferme : « la gloire de Dieu, c’est l’homme debout » affirmait Irénée de Lyon.
Jésus crée les conditions de cette liberté :
En enseignant que les règles religieuses et morales se résument par le double commandement d’amour : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même ». S’ouvrir à Dieu et à ceux qui nous entourent, vivre avec une « tranquille estime de soi » sont des sources profondes de liberté intérieure.
En pardonnant, libérant ainsi l’être pardonné du poids de sa culpabilité.
En rappelant l’exigence de choix éthiques (avec la priorité absolue accordée aux êtres les plus fragiles) et la nécessité de simplifier notre vie, en nous débarrassant de ce qui nous empêche de le suivre.
En jetant un regard neuf sur tous ceux qu’il rencontre, sans jamais les réduire à leurs identités religieuses, sociales, ethniques etc.
Ainsi, la vie de Jésus est clairement orientée vers la liberté. Mais sa mort ? En quoi nous libère-t-elle ? En quoi est-elle une « bonne nouvelle » ?

La mort du Christ, source de liberté
Les penseurs chrétiens proposeront différentes réponses.
Pour certains, la mort du Christ nous libère car, en échange de ce sacrifice, Dieu accepte de nous pardonner. Jésus subirait ainsi la punition que nous devrions endurer. Il souffre et meurt « à notre place ».
Pour d’autres, sa mort nous libère de nos illusions sur nous-mêmes. L’être humain est aussi capable du pire. Lorsque Jésus est crucifié, la foule réunie hurle sa haine. Quant aux disciples, ils ont trahi, fuit ou renié le Christ.
Ainsi, devant la croix, nous ne pouvons nier que quelque chose en nous « dysfonctionne » et cette lucidité peut devenir libératrice. Elle poussera notamment les protestants à se méfier du pouvoir personnel (l’homme étant capable du pire, il est dangereux de lui confier un pouvoir trop étendu), à privilégier la collégialité et à instaurer des contre-pouvoirs.
Enfin, la mort de Jésus est libératrice car elle n’a pas dit le dernier mot.

Le tombeau vide
Le dimanche matin, nous racontent les 4 évangélistes, lorsque des femmes se rendent au tombeau, elles le découvrent vide. Et un envoyé de Dieu leur apprend que Christ est ressuscité.
Ainsi, la résurrection n’est pas un élément de la doctrine chrétienne. Pour les chrétiens, c’est un événement historique.
Bien sûr, cette nouvelle est, au sens fort du terme, impensable. Pourtant, elle est au coeur de la foi chrétienne.
Comme l’écrira le poète Christian Bobin, dans « l’homme qui marche » : « Les quatre qui décrivent son passage prétendent que, mort, il s’est relevé de la mort. Là est sans doute le point de rupture … ou l’on se sépare de cet homme sur ce point-là, et on fait de lui un sage comme il y en a eu des milliers … ou on le suit, et on est voué au silence, tout ce que l’on pourrait dire étant alors inaudible … « L’homme qui marche » (Jésus) est ce fou qui pense que l’on peut goûter à une vie si abondante qu’elle avale même la mort ».
Ainsi, la résurrection du Christ accomplit la bonne nouvelle de la Pâque juive : Dieu est le libérateur. Tout ce qui nous emprisonne perd de son emprise. Même la mort !
Paul liera la résurrection du Christ et la nôtre : « Christ est ressuscité des morts, premier né de ceux qui sont morts » (I Co 15, 20).

Rencontrer le Christ ressuscité
Les évangiles ne décrivent pas la résurrection du Christ en tant que telle.
Ils racontent comment des disciples rencontrent le Christ ressuscité et en ressortent transformés.
Dans l’Evangile selon Luc, deux disciples sont en route vers Emmaüs. En chemin, ils rencontrent un inconnu, à qui ils racontent la mort de Jésus. Alors l’inconnu leur explique, à partir de la Bible, la nécessité de sa mort. Arrivés à Emmaüs, le soleil tombant, ils lui proposent de partager un repas dans une auberge. A la fin du repas, au moment de la fraction du pain, ils le reconnaissent : c’est Jésus ressuscité ! Aussitôt, ce dernier se soustrait à leurs regards.
Par ce récit, Luc n’entend pas seulement attester que Christ est ressuscité; il nous donne des indices pour le rencontrer. Pour ce faire, il nous suggère de cheminer, de partir à la découverte de la Bible et de sa signification, de vivre l’accueil et le partage fraternel. Alors, peut-être, « nos yeux s’ouvriront ».
Dans l’Evangile selon Jean, le jour de Pâques, les disciples apeurés se sont enfermé dans une maison dont ils ont fermé portes et fenêtres. Ils ont appris que le tombeau était vide mais ils n’y ont pas cru. Et pourtant, mystérieusement, le Christ est présent au milieu d’eux et leur dit, à trois reprises : « la paix soit avec vous ». Il présente même à Thomas ses mains percées par les clous.
Même enfermés dans nos peurs et repliés sur nous-même, nous pouvons, comme les disciples, recevoir la paix du Christ et, ouvrir, ainsi, les portes et fenêtres de notre vie.

En guise de conclusion
Ainsi, Pâques est la fête de la liberté que Dieu promet et permet.
La culpabilité, la peur, l’enfermement intérieur, l’oppression, la mort même, n’ont plus le dernier mot.
« Qu’autrefois Jésus ait été relevé d’entre les morts pour entrer dans une vie sans limite, je le crois.
Que demain, plus tard, dans un avenir qui n’appartient qu’à Dieu, nous soyons à notre tour relevés de la poussière des tombeaux, je l’espère et je le crois.
Mais ce qui m’importe … c’est qu’aujourd’hui soit à l’oeuvre, dans la vallée des ossements où se dessechent … des hommes sans joie et sans espoir, des hommes piétinés et oubliés, des hommes salis et avilis, la même force qui autrefois a relevé Jésus d’entre les morts et qui demain nous relèvera de la poussière.
C’est qu’aujourd’hui, dans ta vie et dans la mienne, la même force soit à l’oeuvre pour tuer la mort : la mort qui tue l’amour, la mort qui tue la confiance, la mort qui tue l’espérance et pour nous remettre debout » (Alain Arnoux).

Corinne et Vincent Nême-Peyron