Que faisons-nous de « nos talents », de nos « dons naturels »?

Dimanche 13 octobre 2019

Prédication :

Une parabole en ce dimanche de « culte d’offrande » qui paraît bien approprié pour (vous/nous) parler de « dons », « d’offrande » et de « talents ». Parabole que j’avais choisi pour pouvoir vous parler – et exhorter d’offrir, non seulement votre argent, mais encore d’avantage vos talents, vos « dons naturels »…

Et vous l’avez fait, tout à l’heure, symboliquement en déposant dans nos « briques à talents », (représentés par des boites à chaussure) sur post-it, toutes les « pièces d’or » que vous recevez au sein de notre paroisse.Ellesvont nous ont permettre d’élever, justement, un bel édifice par lequel nous pouvons représenter notre Église, notre paroisse d’ABC…

J’ai parlé de « briques à talent », comprenant par là qu’il s’agit de « nos talents naturels » grâce auxquels nous pourrions édifier et faire vivre notre Église. …

Cependant, notre parabole, en réalité, ne parle pas de l’Église, ni des paroissiens qui contribuent par leurs talents – et leurs moyens financiers – à l’édifier et la faire vivre!

En tout cas pas en premier lieu…

Notre parabole raconte l’histoire d’un homme qui part en voyage et qui, avant de partir, confie à ses serviteurs « ses biens » sous forme de « talents ».

Ces talents ne représentent donc pas les dons naturels des serviteurs de l’homme, mais « ses biens » : il s’agit, en effet, de « lingots d’or » (ce qui est la traduction exacte du mot grec talanton, qui a donné notre mot « talent ») …

C’est donc le récit d’un homme qui, partant en voyage, se dessaisit de ses biens entre les mains de ses serviteurs, à charge pour eux de les faire valoir en son absence. Ces biens, ces « talents » restent toujours ses biens, puisqu’il reviendra demander à ses serviteurs ce qu’ils en ont fait.

Et ce qu’il confie à chacun, c’est une fortune, de un à cinq lingots d’argent de trente-cinq kilos la pièce et qui vaut 6000 drachmes, c’est à dire 6000 pièces d’argent!

On calcule qu’un seul lingot – la part du troisième serviteur – équivaut à six mille journées (dix-sept ans) de travail d’un ouvrier agricole! Ces sommes sont fabuleuses. Et cet homme riche les confie – non pas à ses managers ou directeurs d’entreprise pour gérer son patrimoine – mais à ses serviteurs! Le mot grec utilisé ici (doulos) se traduit même en général par « esclave » !

Cet homme confie donc à ses « esclaves » l’ensemble de ses biens avant de partir pour un voyage, dont il ne revient que « longtemps après » (v.19).

Le verbe qui exprime cet acte, paredoken en grec et qui est traduit par « confier » dans notre texte, est très fort.

C’est ce même verbe que les Évangiles et l’apôtre Paul emploient également pour parler de Jésus livré à la mort. Il exprime un entier abandon.

Qu’est-ce que cela veut dire ?

C’est une parabole pour le temps de l’Église, qui se situe entre le départ du Christ et son retour. Elle fait partie des dernières instructions que Jésus donne à ses disciples au moment où son arrestation est imminente.

Elles leur donnent des consignes à suivre dans l’attente du retour.

Ce que le Seigneur commande aux siens, c’est une attente vigilante – ou une fidélité active !

« Veillez, car vous ne savez pas quel jour le Seigneur va venir » (Mt 24, 42)  leur dit-il au chapitre précédent.

Pour préciser ce que devra être cette vigilance, Jésus leur raconte, entre autres, la parabole des talents. Elle exprime que le Seigneur attend des siens une fidélité active, qui poursuive son œuvre en son absence.

Qu’est-ce qu’il y a de si incroyablement important dans ce programme de fidélité active ?

En s’en allant Jésus laisse la place à son Église, pour qu’elle continue son œuvre en son absence. Et il lui fait pour cela une confiance entière. L’Église dans le monde, doit continuer l’œuvre de Jésus Christ par l’annonce de l’Évangile – en paroles et en actes! 

Être dans le monde les instruments de la présence du Seigneur absent vaut bien l’image de ces sommes gigantesques.

Toute cette richesse, ces dons du Christ à son Église, pour qu’elle les fasse valoir, ce ne sont donc pas nos « talents naturels », au sens que ce mot a pris dans notre langue, par suite d’une fausse compréhension de la parabole.

Ce que le Maître, le Christ nous confie, ce sont ses propres dons. Ceux qu’il a apporté dans le monde, à savoir : sa Parole de confiance, d’espérance et d’amour, autant de lingots qui ne rapportent que dans la  mesure où ils sont mis en œuvre au milieu des humains.

En réalité, finalement, c’est lui-même qui se donne pour être transmis, puisqu’il est Parole de Dieu.

Le Christ fait confiance à ses disciples.

Il nous fait confiance, puisqu’IL nous confie ses dons.

IL nous confie sa propre vie, sa propre personne, PAROLE de DIEU devenue chair !

La tâche confiée aux croyants est de faire fructifier cette Parole, chacun selon ses « capacités » et ses « forces ». Du mot grec dunamis est dérivé notre mot « dynamique » qui traduit bien ce que signifie l’expression « fidélité active »  :

Faire fructifier sa PAROLE de confiance, d’espérance et d’amour, quel que soit le nombre des lingots reçus.

Une première pointe de cette parabole, c’est que le Seigneur ne veut pas croire que sa confiance sera vaine. Il attend que sa Parole mise en pratique dans l’Église et par l’Église réalise la visibilité du Royaume.

Il appartient alors à chaque croyant de se situer.

Est-ce que je crois que le Seigneur me fait confiance ?

Qu’IL m’a appelé pour me confier sa Parole afin que la fasse fructifier – selon « les talents » qu’il m’a remis ?  …

Les deux premiers serviteurs se sont mis à l’ouvrage, ils ont pris tous les risques, avec une joie qui transparaît dans leur rapport de gestion, et que leur maître va magnifiquement partager avec eux. C’est la joie du Royaume qui s’exprime et se vit ici entre le maître et ses disciples !

Qu’en est-il du dernier – et du jugement sévère qui tombe sur lui suite à son échec?

C’est ici que l’évangéliste se montre réaliste et bon connaisseur de « l’âme humaine ». Il met alors une ombre à ce beau tableau.

Il ne veut pas seulement parler de l’Église en tant que telle, il a conscience du fait que l’Église est faite d’individus et que des défaillances sont possibles dans l’addition des fidélités personnelles. Il a déjà dit ailleurs qu’il y a de l’ivraie qui se mêle au blé dans les champs.

C’est ici que nous pouvons voir une deuxième pointe de la parabole: une sérieuse mise en garde que chacun doit recevoir la PAROLE comme lui étant personnellement adressée.

Ce qui caractérise le troisième serviteur, c’est qu’il n’a rien compris au projet du maître. Rien compris, ou rien voulu comprendre.

Il s’est construit du maître une image fausse : celle d’un tyran arbitraire et injuste, pour justifier son inaction ou son fatalisme et qui l’enferme dans la peur et une logique de passivité.

Certes il met soigneusement à l’abri le talent d’argent confié, mais comme un objet stérile.

Comme un chrétien qui ne croirait pas à  la confiance qui lui est faite, que le Christ lui a confié, à lui aussi, tous ses biens.

Un chrétien qui n’aurait ni confiance, ni espérance, ni amour, seulement une étiquette indiquant « valeurs chrétiennes » – qui, bien souvent n’a rien à voir avec l’Évangile, mais fonctionne comme un bouclier pour se protéger de ceux qui ne partagent pas ses points de vue! Il reçoit, en conséquence, la « récompense » qu’il peut attendre d’un maître injuste. …

En fait, il s’exclut lui-même du Royaume !

Mais une telle exclusion, étant une « œuvre humaine » – n’est jamais définitive – au contraire de la PAROLE du Christ! 

Jésus, en racontant cette parabole, veut seulement nous rendre  attentifs au temps de l’Église que nous vivons depuis la Résurrection du Christ et dont la mot d’ordre est :

Le Christ t’a tout donné ! A toi de le faire fructifier !

Mais alors, que faisons-nous de « nos talents », de nos « dons naturels »?

Et quelle est leur importance dans l’édifice de l’Église ?

Et bien, tout en étant second, par rapport aux « talents », aux lingots d’or du Christ, ils nous aident à nous intégrer personnellement dans l’édifice – en s’appuyant sur le fondement unique du Christ et de sa PAROLE de Foi, d’Espérance et d’Amour!

Car, comme l’a merveilleusement exprimé l’apôtre Paul:

« Quant au fondement, nul ne peut en poser un autre que celui qui est en place: Jésus-Christ » (1Cor.3/11).          et :

            « Vous avez été intégrés dans la construction qui a comme fondation les apôtres et les prophètes, et Jésus-Christ lui-même comme pierre maîtresse » (Eph.2/20).        Amen !  … et alors …

Nous pouvons à présent, poser ce « fondement », cette « pierre maîtresse » … représentée par ces trois « briques » :

La Foi du Christ – L’espérance du Christ – L’amour du Christ