« Je suis le chemin, la vérité, la vie » (Pentecôte 2017)

Prédication de Pentecôte, le 4 juin 2017

Texte biblique : Jean 14,1-6

Un baptême d’adulte, un baptême d’enfant, une confirmation de baptême.

Le témoignage de foi de Grâce et de Samuel, l’engagement de Tristan et Carine, les parents de Colombe.

Trois tranches d’âge différentes, trois démarches différentes mais une dynamique commune – vivre l’Evangile – et des questions qui se recoupent.

Il y a d’abord la question de la dignité : comment mener une vie digne, sans trop de compromissions ni de meurtrissure ? Une vie qui permet de ressentir cette « tranquille estime de soi » chère à Paul Ricoeur ?

Il y a la question de l’engagement : comment favoriser l’émergence d’une société plus juste, plus fraternelle, qui laisse des opportunités à chacun et se préoccupe des plus fragiles ?

Enfin, dans le domaine spirituel, vous voulez inscrire votre vie personnelle et familiale dans la dynamique de l’Evangile ; mais comment faire ? Comment grandir dans la foi ?

Mener une vie digne, construire un monde plus humain, grandir dans la foi : trois objectifs que vous vous voulez atteindre.

Mais comment avancer dans ces directions ?

Bien sûr, des outils sont à votre disposition : le travail, la réussite scolaire et professionnelle, la rigueur morale, le sens de la responsabilité, le souci de l’autre, la sincérité, l’engagement associatif ou politique.

Mais – vous le savez bien – tout ceci ne suffit pas.

L’expérience le montre bien : il ne suffit pas de faire des efforts pour se conduire avec droiture ; il ne suffit pas de militer pour changer le monde ; surtout, il ne suffit pas de « croire en un dieu au-dessus de nous » ou même de demander le baptême pour vivre en chrétien.

Alors, quel chemin suivre ?

« Je suis le chemin, la vérité, la vie » répond Jésus.

Et il ajoute « Nul ne vient au Père que par moi ».

Si vous empruntez ce chemin, alors, les questions concernant votre foi et de votre engagement dans la société garderont leur acuité mais elles se poseront différemment.

Parlons d’abord de votre foi.

Croire que Jésus est le chemin, c’est croire qu’il conduit à Dieu et permet à Dieu de cheminer avec vous.

Très concrètement, cela signifie que lorsque vous ou vos enfants se demanderont qui est Dieu, ce qu’il éprouve pour vous, ce qu’il attend de vous, ce qu’il peut faire en vous, alors tournez vos regards vers Jésus-Christ, lisez les Evangiles, scrutez les paroles de Jésus, ses promesses, ses commandements, mais aussi sa façon de vivre, de rencontrer, de pardonner, de servir ; méditez le sens de sa mort et de sa résurrection.

Peu à peu, en vous imprégnant de ces récits, de ces paroles, de sa présence votre foi grandira en confiance, elle deviendra plus joyeuse, plus paisible.

Jésus-Christ est le chemin qui conduit à Dieu.

Parlons maintenant de votre vie et de votre engagement.

Dieu n’est pas une idole toute puissante qui vous protégera magiquement. Et croire en lui ne vous évitera ni les déceptions, ni les échecs, les souffrances ou les drames.

Par contre, si nous nous tournons vers le Christ, alors Dieu peut agir en nous ou, pour employer l’expression de Calvin, il peut « besogner » en nous.

En ce jour de la Pentecôte, nous ne célébrons rien d’autre que le don de l’Esprit de Dieu qui agit au plus profond de notre être.

C’est cela l’espérance chrétienne : attendre que Dieu nous transforme intérieurement et pas qu’il agisse magiquement dans notre vie ou dans la société.

Mais croire, cela, croire que notre vie est accompagnée, croire qu’un regard bienveillant est posé sur nous, croire que, comme l’écrit Paul, rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu, ni les drames de notre société, ni nos erreurs ou nos fragilités personnelles, c’est pouvoir avancer résolument dans l’existence et permettre à nos enfants de faire de même.

Se tourner vers le Christ, c’est savoir qu’un nouveau départ est toujours possible, que la vie peut toujours se frayer un chemin, et qu’il n’est jamais trop tard pour vivre.

Se tourner vers le Christ, c’est découvrir que Dieu nous aime comme nous sommes. Et comme nous ne sommes plus focalisés sur nos échecs ou l’image que les autres nous renvoient, nous accumulons une énergie considérable pour agir, vivre, aimer, expérimenter, témoigner, aider.

Voici, pour conclure, deux histoires, qui illustrent ce changement de logique de vie.

Elles sont toutes deux authentiques,

La première histoire se passe au 16ème siècle.

Dirk Willems vit en Hollande. Il est un mennonite ; il fait donc partie de ces petites communautés de croyants qui s’efforcent de vivre selon l’enseignement de Jésus.

De ce fait, ils refusent de porter les armes et prêchent l’amour des ennemis.

Ils sont donc persécutés par leur souverain, l’empereur Charles Quint.

Un jour, Dirk Willems est arrêté par les soldats et se retrouve en prison. Les juges n’ont aucune peine à obtenir des aveux : oui ; il est mennonite, oui, il prêche l’Evangile.

Dirk Willems est condamné à être brûlé. Mais la sentence met un certain temps avant d’être exécuté et Dirk Willems reste en prison.

Un jour, le gardien – chef ouvre la porte de sa prison accompagné du geôlier. Arrivé dehors, Dirk Willems parvient à s’arracher de la main de son geôlier et il part en courant, poursuivi par le garde. Il va être rattrapé lorsqu’il voit un canal gelé qu’il traverse en courant.

Ses longs mois d’emprisonnement l’ont amaigri et la glace le porte sans problème. Mais il n’en est pas de même pour son poursuivant. Dirk Willems entend derrière lui un craquement et un cri déchirant. Son geôlier est dans l’eau et s’accroche à la glace qui se brise sous ses doigts.

Dirk Willems s’arrête et regarde.

Pour lui, c’est l’occasion rêvée d’échapper à ses poursuivants. Mais il est le seul à être suffisamment léger pour porter secours au malheureux.

Dirk Willems racontera plus tard qu’une seule question lui a traversé l’esprit : qu’est-ce que Jésus aurait fait à ma place ?

Alors, il se retourne, s’allonge sur la glace et tient la main de son geôlier jusqu’à ce que les autres soldats soient allés chercher des échelles pour l’aider à sortir de l’eau.

Aux yeux de tous, l’attitude de Willems est folle ou naïve.
Elle est en tous cas contraire au réflexe naturel de survie.

Elle ne s’explique que par sa foi en Christ, et sa volonté de modeler sa façon de vivre sur le Christ.

Voici un second exemple.

Avec Corinne, mon épouse, nous étions à Madagascar. Lors d’un repas, des Français travaillant dans ce pays expliquaient pourquoi ils allaient le quitter et leurs motifs étaient sérieux : des infrastructures insuffisantes, l’instabilité, la corruption etc.

Une femme prit alors la parole et dit : « Je comprends vos raisons. Je comprends que vous vouliez faire des affaires ailleurs. Pour moi, c’est un peu différent. Je suis chrétienne et ma foi me pousse à rester ici, afin d’aider ce pays à se développer. » 

Comme Dirk Willems, cette femme agissait différemment car ses priorités étaient celles de l’Evangile

Alors, Samuel, Grâce, Tristan et Carine, vous tous, faites le choix résolu de vous tourner vers le Dieu de Jésus-Christ.

Il est votre chemin, votre vérité, la source de votre vie.

Amen !