Il est de quelle origine Moïse ?

Lectures :

Exode 2 / 1 – 25

« Moïse est sans doute l’homme le plus important de la Bible hébraïque. Sans Moïse, il n’y aurait ni judaïsme, ni christianisme. Pour le judaïsme, Moïse est le médiateur par excellence, celui par qui le peuple reçoit l’alliance et la Loi. Pour le christianisme, il préfigure Jésus-Christ, que le Nouveau Testament dépeint souvent comme un nouveau Moïse (cf. en particulier l’Évangile de Matthieu, chapitre 2 etc.), un nouveau médiateur. Et le Coran voit en Moïse un précurseur de Mahomet »[1]

Prédication :

D’après vous, il est de quelle origine Moïse ? Il appartient à quel peuple ? Hébreux, égyptienne – ou madianite ?

Difficile de trancher, n’est-ce pas ? …

Certes, de naissance, il est hébreu : fils d’un homme et d’une femme de la tribu Lévi.

Mais, ensuite, il est accueilli et élevé à la cour du Pharaon … il est donc égyptien. …

D’ailleurs, son nom, Moïse, a déjà une double origine. Hébreu d’abord, puisqu’il est composé d’un verbe hébreu qui veut dire « tiré »… puisqu’il a été tiré de l’eau….

Ensuite, il a une origine égyptienne Il se traduit, dans la langue des pharaons, par « fils » (ou bien « enfant ») « de » et apparaît dans d’autres noms égyptiens comme celui du grand pharaon « Ra-mses » – qui se laisse traduire par : « fils de (du dieu) « Ra »

Moïse est, donc, un « fils d’Égypte »: il reçoit son nom par « la fille du pharaon », qui l’adopte (v.10).

Cependant, c’est juste au verset suivant que le récit présente les hébreux comme « ses frères» : les frères de Moïse, qui, devenu adulte, commence à s’intéresser à eux (cf.v.11). …

A ces deux origines – ou identités – ethniques s’ajoute une double origine (identité) sociale : Moïse, en tant que « fils des Hébreux » est, comme eux, esclave en Égypte.

Mais, selon sa « mère adoptive » – la fille du pharaon – il est – en même temps – d’origine royal : il est, en quelque sorte, un « prince d’Égypte ».

S’il est, par ailleurs, décrit comme « beau » (v.2), c’est aussi pour souligner son origine « royal »: la beauté et la perfection sont des traits servant à caractériser le roi idéal (c’est également pour cette raison que la beauté de David est souligné dans la Bible).

En tant que « prince d’Égypte », Moïse bénéficie très probablement d’une éducation princière – supérieur, sans doute, à celle de ses frères hébreux !

Est-ce pour cela que ceux-ci se méfient de lui ?

Il doit, en tout cas, être reconnaissable, au moins par sa tenue vestimentaire, comme un « prince égyptien ». …

Plus tard, lorsque, fugitif, il arrive dans le désert de Madiân, les filles du prêtre dont il prendra la défense, le présentent à leur père comme « Égyptien »...

De caractère émotive, il se met vite en colère et a alors du mal à contrôler sa violence – ce qui va coûter la vie à un gardien égyptien…et pousser Moïse à la fuite…

Mais il est capable de se remettre en question, de réfléchir sur ses actes … afin d’agir différemment la prochaine fois : il ne tue aucun des bergers qui chassent du puits de Madiân les sept filles de son futur beau-père. Il « prend » juste « leur défense et donna à boire à leur troupeau » (v.17), précise le récit. …

Ensuite, il se fait, en quelque sorte, adopté une deuxième fois par ce même prêtre de Madiân, Réouel, en tant que gendre qui épousera une de ses filles, Séphora.

Quant au fils qui naîtra de cette mariage/union, Moïse lui donnera le nom de Guérshom dont le récit nous donne comme traduction « Immigré »: Moïse lui-même se considère comme « immigré dans un pays étranger »

Alors, Moïse, cet « enfant » tiré de l’eau – de qui est-il le fils, alors ?

Difficile à dire – et, d’abord et surtout, à vivre sans doute par Moïse lui-même ! …

De père « inconnu », pourrait-on dire, puisque ce dernier disparaît purement et simplement du récit dès avant la naissance de Moïse : on ne parle de lui qu’au moment où il épouse la mère de Moïse.

Ensuite, Moïse doit sa vie – et probablement sa première éducation – aux femmes : sa mère, sa sœur, puis la princesse égyptienne qui le recueille des eaux du fleuve. …

Il manque de père – et, donc, d’exemple à suivre. Il ne pourra pas dire : quand je serai grand, je vais être comme mon père…

Le premier « père » qu’il rencontrera et qu’il connaîtra vraiment sera son « beau-père », « Réouel », le prêtre madianite…

            Il est fort probable que c’est lui qui lui enseigne, non seulement, le métier du berger, mais encore celui du « prêtre »: de l’intermédiaire entre Dieu et le peuple. …      

Le nom, Réouel, est, par ailleurs, composé, de la syllabe « el » qui, en hébreu et en araméen signifie « Dieu ». On trouve la même syllabe aussi dans le nom « Isra-el ». …

C’est très probablement Réou-el qui le met sur le « chemin d’une rencontre avec Dieu » qui interviendra au moment où Moïse gardera les moutons et les chèvres de de son beau-père !

Et c’est grâce à cette rencontre – un peu étrange, il faut le dire, nous en parlerons la prochaine fois – que Moïse trouvera sa véritable destinée, sa véritable vocation : celle d’être le médiateur entre Dieu et un peuple constitué d’anciens esclaves – sans être lui-même, nous l’avons vu, vraiment du peuple! …

Ce Dieu qui, jusqu’alors, c’est à dire dans ces deux premiers chapitres du livre d’Exode, était plutôt absent – à deux exceptions près :

Le premier signe de la présence de Dieu dans le livre d’Exode se trouve dans le chapitre précédent – que nous avons lu dimanche dernier – où Dieu intervient en faveur de deux sages-femmes égyptiennes parce qu’elles accomplissent sa volonté plutôt que celle du pharaon (1,20s).

Le deuxième signe apparaît à la fin de notre récit du chapitre 2 d’Exode où Dieu « entend les soupirs des Hébreux » et « se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob » (v24s).

Dieu, non seulement, entend les souffrances des esclaves hébreux, IL intervient aussi pour les en délivrer – et pour le faire, il choisit Moïse qui deviendra alors pour son peuple le médiateur par qui IL lui transmet sa volonté. …

Ce qui est toujours valable aujourd’hui pour les descendants du peuple hébreux, nos frères et sœurs juifs : nos frères et sœurs « aînés » dans la foi biblique !

Et comme nous avons pu le lire, Dieu est présent dans l’histoire de Moïse – même déjà avant sa naissance où Il veille sur les garçons hébreux en la personne de deux sages-femmes égyptiennes !

Discrètement, Dieu accompagne et garde sa main sur Moïse – en la personne de a mère, de sa sœur et d’une princesse égyptienne !

Il est présent aussi dans la rencontre de Moïse avec les sept filles du prêtre madianite – et en particulier dans celle qui deviendra sa femme, sans oublier son beau-père, bien-sûr !

Moïse qui, de son côté, découvrira, bien avant Jésus, en ce Dieu-Sauveur et libérateur … un père!

Ce père qu’il n’a pas connu, mais que Réouel, son beau-père, est le premier à lui faire découvrir ! …

Moïse, dans sa quête d’identité :

Qui suis-je ? De qui suis-je le fils ? trouvera une réponse à ses questions, lorsque, pour la première fois, il entendra la voix de Dieu lui parler – en l’appelant par son  nom! …

De façon mystérieuse, certes, insaisissable puisqu’il parlera du milieu d’un buisson ardent qui brûle sans se consumer… et qui empêche Moïse de s’approcher de trop près. …

ET pourtant cette Parole ne cessera de l’appeler, de l’interpeler – mais aussi de le consoler, de l’encourager, en un mot, de le porter à travers des multiples épreuves que Moïse devra traverser….

Parole qui le portait depuis sa naissance, et son premier voyage dans une corbeille – telle une « mini-arche de Noé » – sur les eaux du Nil ! …

Bien des siècles plus tard, alors que le peuple d’Israël est installé depuis longtemps en Canaan, un autre bébé connaît une naissance rocambolesque :

Loin de chez lui, il naît dans une étable, où la corbeille de Moïse s’est transformée en mangeoire pour les animaux ! … avant de devoir fuir … en Égypte, parce qu’un roi a donné l’ordre de tuer tous les enfants jusqu’à deux ans. C’est ainsi que le Messie annoncé par les prophètes a survécu.

C’est LUI qui est devenu pour nous Parole de salut et de libération qui nous porte, nous console, et nous encourage d’en témoigner…

Pasteur Andréas Seyboldt


[1]     Thomas Römer, Médiateur par excellence; in: Le Monde de la Bible.