De quoi sommes-nous sauvés ?

Dimanche 15 mars 2015
Textes bibliques : Psaume 80; Luc 13,18-30; Ephésiens 2, 1-10

Aujourd’hui, nous voici à trois semaines de Pâques, au coeur de la période de Carême, dans l’attente de cette nouvelle folle : en Christ, Dieu vient nous sauver.
« L’Evangile est puissance de salut » affirme ainsi Paul.

Cela, nous le savons tous.
Théoriquement.
Pratiquement, j’en suis moins sûr.
Alors, je nous pose les deux questions suivantes :
Le salut en Christ n’est-il pas un dogme fumeux, loin de notre existence concrète ?
Jésus me sauve… mais de quoi ? Concrètement, de quoi ai-je besoin d’être sauvé ?
Mardi, une vingtaine d’entre nous se sont retrouvés pour la première rencontre du cycle « Dieu en questions ». Beaucoup avait du mal à comprendre ce que le salut pouvait bien signifier pour leur vie … alors qu’il est au centre de la Bible et de la Réforme protestante.

Abordons donc de front la première question : le salut en Christ est-il autre chose qu’un dogme, sans application réelle ?
Suivant la réponse que nous donnons, nous sommes chrétiens ou nous cessons de l’être.
La foi chrétienne, en effet, n’est pas centrée sur un savoir ni sur une mystique.
Elle ne consiste pas à nous soumettre à des décrets divins, à accepter le monde et la vie tels qu’ils sont ; elle n’est pas davantage centrée sur l’attente d’un autre monde, d’un paradis céleste ; elle est une expérience concrète de salut, de délivrance, de libération ; elle est un vécu.

Le point de départ de la foi d’Israël est la libération d’Egypte, par l’Eternel.
Le point de départ de la foi chrétienne est le salut en Jésus-Christ.

Nous étions bloqués, captifs ; Christ nous libère, nous délivre, nous sauve.
Le salut, c’est une prison qui s’ouvre.
Alors, de quelles prisons avons-nous besoin d’être libérés ?

Dans les Evangiles, Jésus délivre de quatre formes d’emprisonnement.
Aujourd’hui encore, la puissance de Dieu peut nous sortir de ces prisons.

1ère prison : la culpabilité.
Nous le savons, cette dimension du salut est à l’origine de la Réforme.
Devant le déferlement de culpabilité et la peur du jugement divin, Luther annonce le pardon de Dieu pour tous ceux qui croient.
Dans les Evangiles, Jésus délivre de la culpabilité, en annonçant à l’innocent qu’il n’est pas coupable.
Le lépreux devait-il se sentir coupable parce qu’il était malade ?
Devait-il rechercher des fautes antérieures ou remonter à celles de ses parents ?
Jésus lui annonce qu’il n’y est pour rien et qu’il n’a pas à ajouter la culpabilité à son malheur.
De même, l’enfant de divorcés n’est pas coupable de l’échec conjugal de ses parents, le licencié n’est pas coupable d’avoir été sacrifié, tu n’es pas coupable de tous tes malheurs ou de toutes tes souffrances ; et tu ne l’es pas davantage des malheurs, souffrances, fautes ou échecs de tes proches.
Mais il est des circonstances où nous sommes réellement responsables, moralement coupables.
Comme la femme adultère.
Comme les disciples qui abandonnent Jésus.
Alors, de même que Jésus les a pardonnés, Dieu te pardonne.
Tu es pardonné de tes fautes et de tes erreurs, pardonné pour pouvoir écrire de nouvelles pages et non ressasser la même, pardonné parce que personne ne mérite de se condamner à perpétuité.

Deuxième prison dont Jésus nous libère : la mort.
Malgré les progrès incessants de la médecine, nous savons qu’inéluctablement, nous vieillissons, qu’un jour, nous perdons nos proches, qu’un jour, nous mourrons.
La vie est profondément fragile et éphémère.
Cette menace constante de la mort provoque parfois une angoisse et une révolte, relayés par les auteurs des psaumes : « Pourquoi nous as-tu fait naître pour nous faire ensuite mourir ? »

La mort n’est pas seulement un horizon ou une menace ; elle est d’ores et déjà une réalité.
En nous, parfois, des espoirs sont morts, des attentes sont mortes ; attentes et espoirs d’une vie créative et ouverte, d’un amour partagé en couple et en famille, d’une société plus juste, d’une Eglise plus rayonnante.
Oui, il y a de la mort dans notre vie.

Jésus sauve en offrant la vie éternelle.
Nous ne sommes pas destinés au néant, ni plus tard ni aujourd’hui.
Un avenir nous est promis, au-delà de la mort.
La mort peut être surmontée, dépassée, vaincue.
La mort physique, mais également la mort spirituelle, amoureuse, amicale.
Cette affirmation est par elle-même une délivrance car nous ne passerons plus notre vie dans la peur de la mort.

3ème prison : l’absurde.
A quoi bon vivre ? pensons-nous parfois.
Sentiment d’absurde qui pousse certains à se demander s’il y a une vie avant la mort.
Sentiment d’absurde qui se traduit par le désespoir et parfois même le suicide.
Sentiment  d’absurde qui touche le collectif : peut-on espérer sortir un jour de la crise des banlieues, du chômage de masse, du racisme, de l’antisémitisme ?
Est-ce encore sensé d’œuvrer dans des associations, de s’engager dans la vie politique ?

Ce sentiment d’absurde nous replie, paralyse notre énergie, nous conduit au désespoir ou au cynisme.
Jésus nous sort de cette prison.
Il nous fait entrer dans une dynamique de vie, la dynamique du Royaume de Dieu.
Telle est notre vocation commune, quels que soient nos disponibilités ou nos diplômes, quels que soient notre âge ou notre état de santé.
Oui¸ notre vie a un sens : servir, aimer, croire, témoigner.
Oui, la vie en société a un sens : partager, soutenir les plus faibles.
Oui, promouvoir la paix a du sens.
Parce que nous sommes disciples du Christ, nous sommes délivrés de l’absurde.
4ème prison : le péché.
Ce terme, avouons-le, n’est pas précisément à la mode.
Mardi soir, il était même largement rejeté.
Le péché n’est plus invoqué que par les publicitaires pour donner envie de transgresser.
Des cônes glacés sont même appelés « les péchés capitaux » !
Pourtant, au-delà des modes et des langages, le péché existe bien et il nous emprisonne.

Le péché, rappelons-le, c’est cette dynamique néfaste qui nous enchaîne dans des logiques de division : division avec Dieu, division entre nous, division à l’intérieur de notre personne.
Le péché se manifeste lorsque je me laisse entraîner sur la pente du rejet de l’autre, du manque de foi, de la paralysie de l’amour, de la haine de soi.
Les pharisiens, le jeune homme riche, les disciples même y succombent.
Comment pourrions-nous prétendre y échapper ?

Le Christ nous sauve du péché en nous pardonnant et en nous aimant.
Pourquoi alors me rejeter si Christ m’aime comme je suis ?
Pourquoi rejeter autrui si Christ l’a jugé digne d’être aimé ?

Par la foi, nous laissons Dieu agir en nous, augmenter notre capacité intérieure à nous ouvrir à autrui, à élargir notre regard.
Par la foi, par le culte, par la prière, nous nous rendons disponibles au Saint-Esprit, nous le laissons nous rejoindre, travailler en nous, faire jaillir des capacités spirituelles et humaines encore inexplorées.

Il est temps de conclure.
La même puissance qui a agi puissamment en Jésus peut œuvrer en nous.
Par la foi, Dieu peut nous sauver, nous libérer, en rendant toutes choses nouvelles.
Par la foi, Dieu peut agir au cœur des problèmes, pour transformer, renouveler, ressusciter.
Par la foi, Dieu peut susciter une dynamique de changement, personnel et collectif

Alors, désirons-nous sortir de nos prisons ?
Amen !
Confession de foi
Je crois en Dieu, qui donne et renouvelle la vie.
Dieu est Esprit, bien au-delà des images que nous avons de lui..
Son amour envers nous s’est révélé en ceci : alors que nous étions loin de lui et de son enseignement, Christ est mort pour nous.

Je crois en Jésus-Christ, notre Seigneur.
Il est venu chercher et sauver ce qui, en nous, était perdu.
Il est le Chemin, la Vérité et la Vie.

Je crois au Saint-Esprit par qui nous savons que nous sommes enfants de Dieu.
Nous avons été baptisés en un seul Esprit pour former un seul corps.

Je crois au Royaume de Dieu, à une vie éternellement renouvelée.

C’est ce que je crois.
C’est ce que je désire vivre.
Amen.