Ce septième jour de la semaine

Dimanche 24 septembre 2017 à Bois-Colombes

Avec Sainte Cène

Lecture : Matthieu 20 / 1 – 16

Prédication :

En ce septième jour de la semaine (chrétienne : pour les Juifs ce septième jour était hier), nous prenons le temps de la halte, du repos – comme l’institution du Sabbat dans le récit de la création et dans le Décalogue, les Dix Commandements, nous y invitent :

« Dieu bénit le septième jour et le consacra car il avait alors arrêté toute l’œuvre que lui-même avait créée par son action » (Genèse2,3) ; « Qu’on garde le jour du sabbat en le tenant pour sacré comme le SEIGNEUR ton Dieu te l’as ordonné. Tu travailleras six jours, faisant tout ton ouvrage, mais le septième jour, c’est le sabbat du SEIGNEUR ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne, ni aucune de tes bêtes, ni l’émigré que tu as dans tes villes, afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi. » (Dtn.5,12-14)…

C’est le jour du Seigneur où l’on va au culte : jour consacré à l’écoute et au partage de sa Parole dans les Écritures. …

Aujourd’hui, cette parole nous atteint à travers cette histoire complètement farfelue des ouvriers dite « de la onzième heure », comme la TOB l’intitule.

Ceux-là n’ont pas seulement le septième jour comme jour de repos : repartis en jours de semaine, ils n’ont travaillé qu’un jour par semaine, et encore. …

Certes, ce n’était pas de leur faute : « Personne ne nous a embauché », disent-ils au maître.

Alors, le maître les embauche dans sa vigne qui doit être assez importante pour pouvoir y embaucher tous les ouvriers qui traînent par là sans rien faire !

Jusque là, rien à dire : c’est louable, c’est une bonne et honorable œuvre – plutôt inhabituelle et vraiment exemplaire dans le monde des entreprises : un chef d’entreprise qui embauche tout le monde ! Zéro chômage ! Le rêve, quoi ! …

En revanche, là où sa commence carrément à déraper, c’est au soir de ce jour lorsqu’il s’agit de distribuer le salaire !

Aujourd’hui, je ne sais pas vraiment dans quel pays ce drôle de maître pourrait bien tenir son entreprise. Pour lui, c’est travailler moins pour gagner autant. Ce n’est plus la semaine de 35h, et encore moins celle de 39 ou 40…

C’est la semaine de 5h payées comme 35 !

Un affront à l’esprit d’entreprise, un non-sens pour la rentabilité et même, faut-il aller jusque là, un affront à la justice elle-même. Travailler moins pour gagner autant que ceux qui ont travaillé toute la journée !!

Les syndicalistes les plus fervents n’oseraient jamais aller jusque là !

Il est fou Jésus, il est fou !!

Comment les chrétiens peuvent-ils oser mettre leur confiance en cet homme étrange, bizarre, capable de proférer de telles absurdités qui deviennent ensuite un des textes les plus célèbres de la Bible … Le plus difficilement acceptable aussi – si nous nous plaçons du côté des ouvriers de la première heure : 

 

« Ce texte des ouvriers de la 11ème heure, comme l’histoire du fils prodigue d’ailleurs, vraiment ça ne passe pas ! » 

Et c’est normal.

A quoi ça sert donc qu’on se fatigue à bosser dans la vigne. Il aurait suffi qu’on se glisse discrètement derrière un brave platane, pour n’apparaître que vers 5h du soir, une fois les fortes chaleurs passées, et se présenter pour le boulot après avoir bien paressé tout l’après-midi.

Est-on certain qu’il n’y a pas une intentionnalité un peu paresseuse chez ces ouvriers tardifs ?

D’ailleurs les premiers le soulignent : nous avons supporté le poids du jour et la chaleur.

Certes, ils disent vrai.

Pourtant, ils ont été payés pour leur fatigue.

Mais ne cherchons pas d’intentionnalité paresseuse.

Finalement, le texte ne s’intéresse pas à la question du « pourquoi ».

Il constate simplement : à la 11ème heure, quand le soleil s’approche de la fin de sa course, certains ouvriers sont désespérés.

Ils n’ont pas pu travailler et ils vont bientôt rentrer chez eux sans possibilité de faire vivre leur famille.

C’est le désespoir.

Nous savons très bien aujourd’hui, comme hier, la difficile traversée du désert pour la personne qui est sans emploi.

Les méandres de Pôle emploi, le parcours d’obstacles de la recherche de travail, les formulaires froids, les questionnaires inhumains, et l’impossibilité de se projeter dans l’avenir.

Hier comme aujourd’hui le chômage est synonyme de désespoir.

Mais le texte n’en dit pas plus sur ces braves ouvriers.

Comme si là n’était pas le sujet.

Car en fait, bien sûr, le sujet c’est le maître !

Nous en apprenons bien plus sur lui que sur ses ouvriers. Regardez comme il s’agite, il sort à la 3ème heure, à la 6ème, puis la 9ème et à la 11ème.

Il s’agite, il questionne, il interroge.

Et au moment de la paie, le voilà qui argumente pour justifier sa générosité.

Et au final, il distribue ses biens comme si… comme si ils étaient inépuisables !

Mais oui, c’est bien cela, voici des biens inépuisables, que le patron s’amuse à distribuer à tous vents !

Voilà pourquoi il agit comme ça !

Il n’a pas besoin de compter, comme nous le faisons laborieusement à la fin du mois…

Pour recevoir son salaire il suffit d’être dans la vigne.

N’est-ce pas qu’au fond, ce que la parabole veut nous faire comprendre : l’important pour le maître, n’est pas dans le « faire », mais dans « l’être » : Être DANS LA VIGNE du maître !

Que signifie « être dans la vigne » ?

Dans l’AT, le prophète Michée 4/3-4 « On ne brandira plus l’épée, nation contre nation, on n’apprendra plus à se battre. Ils demeureront chacun sous sa vigne et son figuier ».

Le prophète Zacharie, en 3 / 10, annonce la venue du Messie en y associant la même image :

« En ce jour-là – oracle du SEIGNEUR le tout-puissant – vous vous inviterez mutuellement sous la vigne et sous le figuier ».

La vigne dans l’AT exprime la relation entre Dieu et son peuple, entre Dieu et l’homme.

Être dans la vigne, c’est être dans la paix, dans la prospérité et dans la sécurité.

Dans le NT la vigne c’est le Christ : « Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron », (Jean 15 / 1).

Être dans la vigne alors, c’est être en relation avec Dieu :

« Je suis la vigne, vous êtes les sarments : celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là portera du fruit en abondance car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire », (Jean 15 / 5).

L’important n’est pas le « faire », mais « l’être », dans la vigne du Maître chez qui chacun à sa place, est embauché au même salaire, ce qui convient pour vivre en paix avec soi-même et les autres.

… Alors, me diriez-vous peut-être, n’y aurait-il rien à faire ?

Drôle de message pour une Église qui vit, justement, de l’engagement de ces multiples « ouvriers » bénévoles qui œuvrent toute la semaine pour garder le « Centre 72 » accueillant, en supportant courageusement « le poids des taches et les difficultés de l’accueil», (cf. v12) ; …

« Rien à faire », drôle de devise pour une paroisse, telle que la nôtre, où l’engagement des uns et des autres est tellement précieux !!

Oui, rien à faire, juste : être en relation avec le Christ, lui confier ce que j’ai et ce que je suis.

Accepter d’entrer dans cette Œuvre inépuisable qu’est l’amour de Dieu pour tous, et dans laquelle, justement, nous n’avons « rien à faire », juste à recevoir !

Car il est là, le véritable sens de nos vies : non pas dans le faire – si important et indispensable qu’il soit ! – mais dans « l’être ». 

Être chrétien, être croyant – être ouvrier dans la Vigne du Seigneur, c’est recevoir – et non gagner, ni mériter ! – son identité de fille et de fils par le Père qui t’aime sans mérités, sans conditions, gratuitement !

 Et alors, dans la Vigne du Maître, c’est LUI-MÊME qui fait la permanence de l’accueil, 24h/sur 24, 7j/7 !!

Quelque soit l’heure à laquelle nous y entrons, Il est là pour nous accueillir, pour nous offrir une place, la notre, que nul autre peut prendre !

Amen.

Pasteur Andréas Seyboldt