Un bon usage du temps (dimanche 24 juillet 2016)

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« Le temps perdu ne se rattrape jamais » 

« Rien ne sert de courir, il faut partir à point 

« Le temps, c’est de l’argent ».

Gérer le temps !

Faire toujours plus de choses en toujours moins de temps.

Certains voient leur temps saturé par le travail alors que d’autres aimeraient le meubler.

Pas assez de temps ou trop de temps : le temps est devenu un adversaire à maîtriser, une force à dominer : « Je suis maître de mon temps »

Notre vie s’apparente à un corps à corps avec le calendrier.

Que d’énergie dépensée à jongler avec les horaires quotidiens !

Que de forces laissées à lutter contre la « dictature » de l’agenda !

Vie personnelle, vie familiale, vie professionnelle, vie d’Eglise : l’ensemble de notre vie est marqué du sceau de ce temps à organiser et à contraindre.

Si nous ajoutons l’exigence du Royaume, la vie peut devenir franchement intenable.

En effet, touché par la souffrance de ceux qui l’entourent, le chrétien vit dans une sorte d’urgence permanente.

Il finit par ne plus savoir prendre de repos.

Au bout du compte, un activisme inquiet lui tient lieu de vie chrétienne.

Le temps est alors une chaîne qui limite les mouvements.

Ainsi, les uns et les autres, nous sommes prisonniers du calendrier que nous nous sommes fixé.

Par suite, nous oublions de bien vivre le présent.

Nous sommes toujours tendus en avant ou penchés sur le passé ; soit nous faisons des projets, soit nous faisons des bilans.

Comme l’écrit Blaise Pascal « Si chacun examine honnêtement ses pensées, il les trouvera souvent occupées au passé ou à l’avenir. Nous ne pensons presque jamais au présent.».

Au milieu de ce tourbillon, une bonne nouvelle retentit ce matin : Dieu nous libère de l’esclavage du temps.

Il le fait en substituant son calendrier au nôtre.

Le psaume 127 chante : « Il est vain de se lever tôt et de se priver de repos, de se nourrir d’un pain rassis, fait d’inquiétude et de souci. Qui a trouvé Dieu pour ami, même en dormant sera béni ».

Oui, nous pouvons prendre le temps du repos, prendre le temps de la réflexion, prendre le temps de la disponibilité, prendre le temps de la prière.

Non, le temps n’est pas vide lorsque nous ne faisons rien.

Non, le chantier du Royaume de Dieu n’est pas désert même si nous n’y travaillons pas.

Le Seigneur fait son travail en nous et autour de nous même lorsque nous dormons.

Sa bénédiction nous accompagne à chaque heure.

Sa présence nous soutient le jour et la nuit.

Une seule date est entourée de rouge sur le calendrier de Dieu : c’est celle où il nous donne rendez-vous à travers Jésus-Christ : « Le temps est accompli et le Règne de Dieu s’est approché ».

Jésus vient nous dire que les fondations du Royaume sont désormais solidement assurées puisque lui, Jésus, est là ; qu’il n’est pas une utopie à venir à la fin des temps mais une réalité déjà visible, audible, repérable.

Il vient nous dire que le Royaume pousse, telle une graine au milieu des ronces, que rien ne pourra l’empêcher de grandir ; que le temps a un sens indépendamment de ce que nous faisons.

Ainsi Dieu nous offre le temps comme signe de sa présence et un moment privilégié pour le rencontrer.

Puisque Dieu fixe ainsi le calendrier de notre espérance, nous sommes libérés d’avoir à le fixer nous-mêmes.

Vers le passé, nous sommes libérés de la nostalgie et des regrets.

Vers le futur, nous sommes libérés de l’inquiétude et de l’angoisse.

C’est le temps de la grâce, qui remet à neuf et ouvre notre agenda à une page encore vierge.

C’est le temps de la liberté.

La prison où nous avions enfermé le temps, et nous avec, est ouverte.

Le temps nous est donné.

Désormais, nous pouvons le maîtriser.

De cette libération, je tire quatre conséquences :

  • Dieu libère du temps comme il libère du trop peu de temps.

Je pense aux cadres d’entreprises contraints à des horaires démentiels.

Je pense aux mères de famille qui assument à la maison une seconde journée de travail.

A tous ceux qui n’ont pas assez de temps, Dieu dit : « ta vie ne réside pas dans tes occupations, ton identité ne dépend pas de ce que tu réalises, ce n’est pas dans les pages de ton agenda que tu trouveras le sens de ta vie ».

Et puis je pense aux personnes qui, après une intense activité professionnelle, se retrouvent à la retraite ou en préretraite et se sentent inutiles et désoeuvrés ou, au contraire, pris de vertige, remplissent fébrilement leur agenda d’activités bénévoles et familiales. .

Je pense aux parents qui se retrouvent seuls une fois les enfants grandis.

Je pense aux chercheurs d’emploi.

Je pense aux malades qui trouvent le temps bien long sur leur lit d’hôpital.

A tous ceux-là, qui ont trop de temps, Dieu dit : « Tu n’as pas à mériter de vivre. Tu n’as besoin de justifier ton existence par une quelconque activité. Le temps que tu as, prends-le librement ».

  • Deuxième conséquence : nous sommes libérés pour bien vivre le moment présent.

Cela ne signifie pas oublier le passé et fermer les yeux sur l’avenir. Ce serait renoncer à la mémoire, à la volonté et à l’espérance.

Mais c’est au temps présent que l’on aime, que l’on rit, que l’on prie, que l’on rencontre.

Vivre au présent n’est pas vivre seulement dans l’instant mais tenir ensemble ce qui a été vécu et qui reste à vivre. C’est rassembler son passé et son futur.

Là se trouve la paix.

Celui qui vit au présent ne se laisse pas dominer parle temps et ne cherche pas à le dominer.

Refusant les remords inutiles, repoussant le souci du lendemain, il sait que le temps est un cadeau de Dieu qui apporte chaque jour des occasions de bonheur à celui qui sait s’en saisir.

  • Troisième conséquence : nous sommes libérés pour cultiver les relations.

A la mesure de Dieu, le temps n’est ni de l’argent ni des secondes, mais une succession « d’être-ensemble ».

Dans le monde de Dieu, l’unité de temps, c’est la relation.

Mon temps sera riche si je cultive la relation, pauvre si je suis seul.

Nous sommes libérés de la tyrannie des « devoirs faire » pour écouter, parler, prier, porter, se confier, aimer.

– 4ème conséquence : nous sommes libérés de l’agitation pour agir.

Puisque nous ne dissipons plus une énergie considérable dans les souvenirs, les regrets, les peurs de l’avenir, l’obligation du paraître, le souci de notre image, puisque nous n’éparpillons plus cette énergie dans une myriade de petites tâches désordonnées, nous pouvons la concentrer sur ce qui est central dans notre métier ou bénévolat, dans notre relation aux autres.

Celui qui sait que la réussite de son existence ne dépend pas de ses actes est paradoxalement plus pertinent et créatif dans ce qu’il vit.

Il est temps de conclure.

En ce creux de l’été, nous sommes invités à nous replacer sous le regard de Dieu.

Il fixe l’origine de notre espérance : le regard que Dieu a posé sur nous, avant même notre naissance.

Il fixe la fin, à savoir la venue du Règne de Dieu.

Et cet encadrement de notre temps nous libère du souci de le construire.

Entre un passé qui nous a été légué et un futur qui nous est promis, l’espace du présent est ouvert.

Libérés d’une obligation de résultat, libérés de devoir laisser une trace, délivrés de la frénésie de vouloir remplir le temps, nous pouvons occuper tranquillement cet espace.

Notre responsabilité ne consiste pas à maîtriser le temps, ni à la rattraper mais à le recevoir et à le vivre activement, ici et maintenant.

Vivez donc sereinement le temps que Dieu vous donne.

Amen !