Tu travailleras six jours …

Lectures :

Marc 6 / 30 – 34 ; Exode 20 / 8 – 11

 Prédication :

 « Tu travailleras six jours, faisant tout ton ouvrage, mais le septième jour, c’est le sabbat du Seigneur, ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage » (Exode 20/9-10).

Nous voilà, en ce « temps sabbatique » que sont les vacances, invités à ne rien faire, et à goûter le repos, sous le regard de Dieu. …

Et même Jésus, contrairement à ce que ses adversaires lui reprochaient, respectait le « jour du Shabbat », ce « temps du repos », en invitant ses disciples, tout juste de retour de mission : « Vous autres, venez à l’écart dans un lieu désert et reposez-vous un peu » (Marc 6/31).

En notre temps, marqué par la quête du profitable et du productivisme et, surtout, du consumérisme à outrance, le repos et la contemplation par essence non-productive du Shabbat ont un caractère éminemment subversif. Ils remettent en cause notre rythme de vie et les valeurs qui l’accompagnent : vendre, acheter, consommer, produire. Tout ce qui de l’ordre du faire. …

Petite anecdote familiale: ma mère, paroissienne engagée depuis toujours dans son Eglise, n’a, jusqu’à ce jour, pas digéré l’ouverture de l’épicerie du village le dimanche matin : elle refuse obstinément d’y mettre les pieds ce jour-là pour y acheter quoi que ce soit –  même pas le pain !

Au-delà de cette petite anecdote, n’y-a-t-il pas, dans l’observance d’un « temps sabbatique de repos » la possibilité d’une respiration bénéfique à l’ensemble d’une société dans une certaine forme de « communion dans le repos », sans activité professionnelle, sans courses, sans logique de rentabilité?

Avant d’aller plus loin dans notre questionnement, allons voir d’abord de plus près ce qu’est le sens biblique de la « loi du Shabbat », du 4e commandement:

Le mot hébreu « Châbbat » veut dire littéralement : « cesser, cesser de travailler, chômer, se reposer ». On peut aussi rapprocher ce mot à un autre, « cheb’y », qui veut dire  septième : « Mais le septième jour, c’est le sabbat du SEIGNEUR, ton Dieu », précise la quatrième des « Dix Paroles » du Décalogue. Mais en fait, dans la Bible, dans l’AT, deux traditions sont liées au shabbat :

  • L’une le rattache à la création, et y voit le signe de l’achèvement de toutes choses par Dieu, le signe de SA Seigneurie sur l’ensemble de l’univers : « Car en six jours, le SEIGNEUR a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour », lisons-nous dans la suite du 4e commandement dans Exode 20/8ss.
  • L’autre tradition – transmise dans le livre Deutéronome – rattache le châbbat à la sortie d’Égypte : « Tu te souviendras qu’au pays d’Égypte tu étais esclave, et que le SEIGNEUR ton Dieu t’a fait sortir de là d’une main forte et le bras étendu ; c’est pourquoi le SEIGNEUR ton Dieu t’a ordonné de pratiquer le jour du sabbat », Dtn2/15. Le châbbat y est compris comme le signe de la délivrance par laquelle Dieu a fait d’Israël un peuple libre.

Libre, non pas pour faire n’importe quoi.

Libre non pas pour donner « prise à la chair », Galates5/1-14, comme dira l’apôtre Paul plus tard, en précisant : « Mais, par l’amour, mettez-vous au service les uns des autres ! Car la loi tout entière trouve son accomplissement en cette unique parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Ainsi, comme nous l’avons déjà remarqué plus haut, Jésus lui-même a observé le châbbat, mais lui a donné son vrai sens : un moyen de servir Dieu et son prochain.

Dans les deux traditions bibliques : …

  • le châbbat comme signe de la Seigneurie de Dieu sur la création, c’est à dire sur toute vie sur terre – y compris la notre, y compris la mienne, la tienne… et
  • comme signe de sa délivrance de l’esclavage, de toute sorte d’esclavage, ancienne ou moderne! – le «jour du repos »,

… rappellent au peuple de Dieu que ce n’est pas l’homme qui maîtrise la vie – ni la sienne, ni celles de autres – mais Dieu! …

Certes, dans le récit évangélique, le mot « châbbat » n’est pas explicitement mentionné.

Il y est pourtant présent dans le mot « repos » et plus profondément encore à travers le mot « désert », lieu particulier de présence de Dieu : c’est là où le peuple reçoit la parole de Dieu ; c’est là, dans la solitude et le dénuement du désert, où le peuple apprend à ne dépendre que de Dieu seul !

Dans notre récit, les disciples, reviennent de la mission que Jésus leur avait confiée. Ils avaient du succès :

« Ils chassaient beaucoup de démons, ils faisaient des onctions d’huile à beaucoup de malades et ils les guérissaient », Marc6/13, précise le récit.

Mais ils ont également connu  des échecs : ils ont notamment appris – à travers la mort cruelle de Jean le Baptiste – la fragilité du témoin, de l’envoyé en mission : sa vie menacée par les puissants et les conflits de ce monde ! …

D’où l’importance du rappel que dans sa vie, l’essentiel n’est pas son propre œuvre, ses propres succès ou échecs, mais bien l’œuvre de Dieu à travers lui. …

Et que Dieu, au-delà de toute puissance menaçante, est et reste SEIGNEUR de sa vie et y gardera le dernier mot ! …

Quant à nous autres, disciples, peuple de Dieu ici et aujourd’hui, il nous est bénéfique à nous aussi de nous rappeler que notre temps et notre vie sont entre les mains du même Dieu, Seigneur et Libérateur et que nous pouvons alors LUI redonner sa place dans nos vies. …

Temps de Shabbat, temps de repos, temps de nous re-poser sur ce qui est et reste le fondement de notre vie:

« Avant même que tu en aies pris conscience, Dieu te reconnaît comme tu es et cette reconnaissance ne te sera jamais enlevée. C’est là ton salut : fondée sur ce socle, ta vie vaut la peine d’être vécue, même dans les difficultés, les deuils, les doutes et les morts. Et ce salut est par la grâce seule : il n’est d’aucune manière lié à tes succès et à tes échecs, puisque cette reconnaissance de Dieu te précède absolument, t’est donnée et cela de manière inconditionnelle ».

Parole donnée gratuitement – lorsque nous nous ouvrons à elle, lorsque nous lui réservons une place et un temps dans notre vie, temps du châbbat, temps du repos … ce temps de notre culte ce matin, par exemple, en ce lieu « désert » et à l’écart des lieux de production et de consommation : que nous sachions nous en réjouir et que nous sachions en jouir pleinement ! ….

 Amen!

Pasteur Andréas Seyboldt