Source et lumière

Eglise protestante Unie d’Argenteuil , Asnières, Bois Colombes, Colombes

le 31 janvier 2021 Pasteur Denis Heller

Psaume 36 v 10

« Auprès de Toi est la source de la vie ; Par ta lumière nous voyons la lumière » 

Chers amis,

Comme annoncé dans l’envoi paroissial du vendredi, la prédication d’aujourd’hui portera sur le verset de l’année , retenu par notre conseil presbytéral, affiché dans la hall du Centre 72, envoyé à chacun de vous, autour de Noël, sous la forme d’un marque page au couleur bleu clair, couleur de l’eau. «  Auprès de Toi est la source de la vie ; Par ta lumière nous voyons la lumière « 

Pour ceux qui ne l’auraient pas reçu, ou qui l’auraient égaré, ou souhaiteraient le remettre à un proche, sachez qu’il y  a encore des exemplaires à distribuer.

Trois objections pourraient être faites à ce type de prédication sur un tel verset.

La première serait de dire que ce verset appartient à un psaume . Et un psaume est une prière , plus précisément une prière chantée . Commenter, analyser une prière, cela n’a beaucoup de sens car la meilleure manière d’approcher, d’appréhender une prière, c’est de se l’approprier, de l’habiter, de la dire soi-même et de prononcer à la fin amen, c’est vrai, c’est vrai pour moi.

La deuxième objection est un peu du même ordre. Ce court verset nous propose à la manière d’un poème deux métaphores, deux images : celle de la source, celle de la lumière. Deux métaphores qui expriment la vie.  Des métaphores, des images,  comme tout tableau artistique, toute œuvre poétique  donnent à penser, à imaginer, à réfléchir. Inutile alors de commenter. A chacun de laisser son esprit vagabonder librement à partir des images, selon les expériences et souvenirs que nous avons tous de sources d’eau et de lumières.

Enfin troisième objection. Dans une approche biblique telle nous la pratiquons dans le protestantisme luthéro réformé, extraire un verset tout seul et quelques mots, est considéré comme risqué et aventureux ;  car alors on peut faire dire à la Bible ce que l’on veut, en piochant un verset ,en dehors de son contexte et d’un ensemble plus vaste, qui lui donnent son sens.

Je pourrais faire mienne ces trois objections, vous laisser seuls avec notre  verset biblique et terminer, par l’amen habituel d’une prédication alors très courte.

Vous l’aurez compris, nous écarterons ces objections  pour nous intéresser à cette parole du Psalmiste : »Auprès de Toi est la source de la vie. Par ta lumière nous voyons la lumière », parole extraite d’un Psaume, qui vous l’aurez remarqué peut-être, présente deux parties. Deux parties qui s’opposent, qui contrastent l’une par rapport à l’autre. 

Tout d’abord le constat de l’infidélité du méchant qui ne rejette pas le mal, un comportement destructeur ; puis dans une deuxième partie, l’invocation de la fidélité de Dieu qui lui construit, fortifie, vivifie et c’est bien sût dans cette seconde partie que nous trouvons notre verset.

Rappelons que cette parole a été priée, chantée par des millions , des milliards de croyants juifs chérifiens de toute confession, de toute époque, de tout pays, de toute langue, de toute situation. Et nous l’avons fait ce matin, en début de culte, par ces paroles mises en verset par le poète du 16 iéme siècle, Clément Marot. Je reprends la 2éme strophe du Psaume 36, chanté ce matin : «  la source de la vie est en Toi , Par ta lumière l’homme voit triompher la lumière »

Une parole qui prend aujourd’hui un relief tout particulier, en cette période de pandémie que nous traversons.

En effet, l’incertitude permanente, le manque de perspectives, , la constante nécessite de s’adapter, de modifier nos projets, les mesures sanitaires restrictives qui poussent à l’isolement, une ambiance générale morose, anxiogène ; tout cela peut nous conduire au découragement et à la lassitude, voire même à l’inquiétude. Nos forces physiques, mentales, morales, pouvons nous dire spirituelles, sont mises à rude épreuve. Peut-être, ce qui nous donnait entrain, goût et joie de vivre est désormais interdit.

Où puiser des forces nouvelles ? , où trouver des ressources pour tenir bon ? Où se ressourcer ? Où se construire, se reconstruire , se remplir de vie, de vitalité stimulante ? Et comment regarder en avant malgré tout, s’ouvrir à des perspectives et des horizons nouveaux ? Tout semble flou, incertain, même plus obscur.

Dans un tel contexte, cette parole biblique semble être un baume au cœur. Elle prend le contre pied d’une réalité envahissante et écrasante.

Face aux puissance destructrices que le Psalmiste percevait au travers du comportement, je reprends les termes du méchant, de l’infidèle et que nous pouvons percevoir au travers de cette pandémie, cette parole est comme un rayon de lumière percant les ténèbres, une source d’eau vive, où se revigorer ! De quoi renouveler nos forces et notre regard !

Trois remarques :

La première, le livre des psaumes est lui même une source. On peut venir y puiser bien des prières d’autrefois. C’est un livre source qui rend compte des expériences de vie et de foi des croyants qui nous ont précédés. Prières personnelles ou communautaires pour s’adresser à Dieu, pour lui dire dire sa joie, sa foi, sa louange, sa confiance, les jours de lumière.  Dans les journées plus sombres, ces prières prennent les couleurs de la peur, du doute, de la détresse, de l’appel au secours même parfois de la révolte, de la colère, de la soif de vengeance. Tout ce qui peut habiter le cœur de l’homme s’y trouve. Le livre des Psaumes est une vraie source, où nous pouvons venir puiser des prières d’autrefois pour dire notre prière. Quand les mots nous manquent, quand nous ne savons que dire, quand l’émotion ou la peine sont trop fortes , quand notre âme est vide et notre cœur desséché, nous pouvons dans les Psaumes puiser comme à une source, les mots d’autrefois, les prières d’autrefois pour les faire nôtres, pour nous les approprier. Prières des Psaumes, prières de confiance ou de détresse vont alors porter notre propre vécu, notre propre expérience, mettre en mots devant Dieu ce que nous ne savons pas formuler. Ce n’est pas pour rien que les protestants ont toujours souligné l’importance du livre des Psaumes comme livre de piété, de spiritualité, de chants pour nourrir notre foi et notre relation à Dieu.

Le temps éprouvant que nous connaissons, nous contraint à nous retrouver davantage face à nous même dans une forme d’intériorité. Les divertissements extérieurs, les « sorties » sont réduits. Peut être, pouvons ressentir un vide, un vide de rencontres, de relations, , un vide par rapport à ce qui remplissait habituellement nos agendas et nos esprits. Peut être, est ce l’occasion de cultiver notre intériorité et d’emprunter le chemin de la prière, en reprenant à notre compte les prières des croyants d’autrefois, les prières des Psaumes. Elles sont source de mots, de sentiments, d’émotions qui peuvent rejoindre notre ressenti, et nos états d’âme. Le livre des Psaumes, un livre source auprès duquel nous pouvons nous abreuver. Mais le psalmiste parle de Dieu lui même comme d’une source : «  Auprès de toi est la source de la vie »

Deuxième remarque . Jésus dans sa rencontre avec la femme Samaritaine, au bord du puits, reprend cette belle et même image de la source d’eau vive. Après de multiples incompréhensions entre lui et elle , voilà ce qu’il lui promet : «  L’eau que je donnerai deviendra une source d’eau qui jaillira en vie éternelle »

Dans le contexte précis de notre Psaume, le psalmiste chante, clame, proclame une fidélité de Dieu à son égard, comparable à une source. Dieu, tel une source, est généreux dans son pardon et son amour. Il donne à profusion, en abondance. Je cite ‘ Combien est précieuse ta bonté. O Dieu à l’ombre de tes ailes, les fils de l’homme cherchent un refuge. Ils se rassasient de l’abondance de ta maison et tu les abreuves au torrent de tes délices » Dieu ne compte pas. Il ne limite pas son amour , son pardon, ses dons ; Il est généreux, grâce, à l’image d’une source inépuisable qui donne à profusion en quantité, en abondance. Vraie source qui ne tarit pas, donne vie et vient balayer nos faiblesses, nos petitesses, nos manquements, nos méchancetés, arroser nos sécheresses, abreuver notre soif et goût de vivre.

Immanquablement, cette épreuve de la pandémie est un moment de vérité pour nos sociétés occidentales, prises dans la course à la consommation, au toujours plus et plus vite. Moment d’arrêt imposé, pour réfléchir à nos rapports à l’environnement, aux autres, aux biens matériels .

Immanquablement, cette épreuve de la pandémie est un moment de vérité pour chacun de nous et pour chaque être humain. Ce qui faisait notre vie habituelle est stoppé .

Inévitablement, se posent des questions alors sur la vie que nous menions, sur le sens de la vie, le sens de nos existences et  leurs finalités.

Où puisions nous nos forces de vie ? A quelle source buvions nous ? Quel était et quel est le ressort de nos existences ? Comment trouver des forces en nous mêmes ?

Le psalmiste qui est passé aussi par des moments de déserts et de crises nous dit sa confiance : La source de la vie se tient dans cet amour de Dieu qui donne élan , souffle, force à l’existence, quelles que soient les situations.

Tu peux  trouver en sa présence ressourcement intérieur, renouvellement de tes forces . Au désert, en exil, dans les pires catastrophes de son histoire , le peuple de l’Alliance a su retrouver auprès de son Dieu et de sa fidélité ce qui lui permettait de tenir dans l’adversité contre vents et marées.

Dieu comme source de vie, belle image, en ce temps de sécheresse.

Enfin troisième et dernière remarque . Il y a cette deuxième partie quelque peu énigmatique  de notre verset. «  Par ta lumière nous voyons la lumière ». Énigmatique, car  le premier Testament indique bien que quiconque verra Dieu mourra. Voir sa lumière, c’est être ébloui, aveuglé, tétanisé.

D’ailleurs, ne voir que de la lumière, c’est ne rien voir ,sinon des rayons de soleil  qui brûlent la vue.

Par contre, la lumière chasse les ténèbres ; elle permet de voir le chemin.

Si Dieu est source de vie, car source d’amour et de foi , sa lumière éclaire l’avenir. ; non pas qu’elle permette déjà de voir de quoi sera fait le lendemain, cette fameuse « vie d’après »

La lumière de Dieu nous éclaire, en ce sens qu’elle nous permet de voir la lumière, la lumière de l’espérance.

Malgré toutes les incertitudes , malgré toutes les inquiétudes, malgré toutes les lassitudes, malgré toutes les turpitudes la lumière de Dieu sur nos vies et sur le monde nous aide à chasser les ténèbres du chaos, , les ténèbres de la peur paralysante, les ténèbres du chacun pour soi et du repliement total sur nous-mêmes.

Sa lumière nous donne de voir ce qui est à faire au présent pour un monde plus humain. Sa lumière nous aide à percevoir les signes en germe d’un monde nouveau à bâtir.

Par sa lumière nous ne sommes plus prisonniers des ténèbres d’un malheur absolu .

Sa lumière fait déjà croître en nous et dans le monde de fruits de justice et de paix.

« Auprès de Toi est la source de la vie ; Par ta lumière nous voyons la lumière »

Que nous puissions prier cette parole , que nous puissions la vivre.

Amen