Rencontre à l’entrée du tombeau vide

Eglise Protestante Unie d’Argenteuil, Asnières, Bois-Colombes, Colombes Culte de Pâques – Dimanche 17 avril 2022 – Pasteur Andreas Seyboldt

Lecture biblique : Jean 20, 1 – 18

1 Tôt le dimanche matin, alors qu’il faisait encore nuit, Marie de Magdala se rend au tombeau. Elle voit que la pierre a été retirée de l’entrée du tombeau.  2 Elle court trouver Simon Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis. »  3 Pierre et l’autre disciple partirent et se rendirent au tombeau.  4 Ils couraient tous les deux ; mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.  5 Il se baissa pour regarder et vit les bandes de lin qui étaient posées là, mais il n’entra pas.  6 Simon Pierre, qui le suivait, arrive à son tour et entre dans le tombeau. Il voit les bandes de lin posées à terre 7 ainsi que le linge qui avait recouvert la tête de Jésus ; ce linge n’était pas avec les bandes de lin, mais il était enroulé à part, à une autre place.  8 À cet instant, l’autre disciple, celui qui était arrivé le premier au tombeau, entra lui aussi. Il vit et il crut.  9 En effet, les disciples n’avaient pas encore compris l’Écriture selon laquelle Jésus devait ressusciter d’entre les morts. 10 Puis les deux disciples s’en retournèrent chez eux.

11 Cependant, Marie se tenait près du tombeau, dehors, et elle pleurait. Tout en pleurant, elle se baissa pour regarder dans le tombeau ; 12 elle voit deux anges vêtus de blanc assis à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus, l’un à la place de la tête et l’autre à la place des pieds.  13 Les anges lui demandèrent : « Pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répondit : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis. »  14 Ayant dit cela, elle se retourne et voit Jésus qui se tenait là, mais sans se rendre compte que c’était lui.  15 Jésus lui demanda : « Pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Pensant que c’était le jardinier, elle lui dit : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et j’irai le reprendre. »  16 Jésus lui dit : « Marie ! » Elle se retourne vers lui et lui dit en hébreu : « Rabbouni ! », ce qui signifie “maître !”  17 Jésus reprit : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va vers mes frères et dis-leur : “Je monte vers mon Père qui est aussi votre Père, vers mon Dieu qui est aussi votre Dieu.” »  18 Marie de Magdala se rend donc auprès des disciples et leur annonce : « J’ai vu le Seigneur ! » Et elle leur raconte ce qu’il lui a dit.

Prédication

Voilà. Nous y sommes. Pâques. Cœur de la foi chrétienne. Événement central, sans lequel tout s’écroule. 2000 ans de christianisme trouvent leur source ici.

Ici… Qu’y-a-t-il ICI ??

Ici, c’est d’abord une femme, Marie de Magdala. Elle vient au tombeau faire ce que font toutes les femmes, pleurer son cher défunt. Elle voit la pierre roulée et se méprend sur le sens de cet évènement.

Ici, c’est une histoire de course, la course de Marie vers les disciples. Puis la course des disciples jusqu’au tombeau. L’un court plus vite que l’autre.

Ici, il est question de voir des choses qui n’y sont pas, ou des choses qui ne sont pas là où elles devraient être.

Mais ces déplacements n’apportent pas grand-chose. Marie voit et pleure. Pierre voit et ne comprend rien. L’autre disciple seul voit et croit. Mais voit quoi ?? On ne sait pas.

Mais ce que l’on sait se résume à pas grand-chose : ils rentrent chez eux. Drôle de réaction.

Et je pense, en mon for intérieur, que ces hommes ne sont décidément pas très curieux !! Heureusement qu’il y a une femme dans cette histoire !!

Qu’y-a-t-il maintenant ICI, à l’entrée d’un tombeau vide ?

Il y a une femme en pleurs qui n’arrive pas à s’éloigner du lieu de la mort. Elle revient, tourne, reste encore, et finalement se penche pour regarder dans le tombeau. Elle n’est même pas étonnée de voir ces deux anges tout de blanc vêtus. C’est qu’elle y tient, à son Seigneur. Elle veut retrouver le corps, seul lieu de sécurité pour elle, sécurité morbide mais pourtant réelle.

Qu’y-a-t-il donc ICI ?

Rien n’a de sens, rien ne ressemble à … rien. Et en tout cas, rien ne ressemble à une belle description de ce que pourrait être la résurrection. Pas de compte-rendu étourdissant, pas de scoop ni de rushs à passer ! La résurrection ? Je ne sais pas ce que c’est !

Et ce n’est pas l’évangile de Jean qui me permettra d’y voir plus clair.

On voit des choses, là n’est pas la question, mais rien qui soit vraiment digne d’intérêt à priori. Le désarroi, la peur, l’embarras, la suspicion, la méfiance … La résurrection n’est jamais une évidence ! Mais alors où est-il ce centre de la foi chrétienne ?

Si même les disciples n’avaient pas encore compris que Jésus devait se relever d’entre les morts, alors, comment, nous qui n’avons pas vécu avec lui, pourrions-nous le comprendre ?

Heureusement, disais-je, il y a une femme.

Une femme têtue qui ne se contente pas de cette situation. Elle ne comprend rien au langage des anges, mais quand Jésus l’appelle, elle opère un premier mouvement, elle se détourne du tombeau. La voix l’oblige à quitter la contemplation sans issue de la mort.

Mais il faut encore que Jésus l’appelle par son prénom pour qu’elle réalise enfin que Jésus a été relevé d’entre les morts. Le réalise-t-elle vraiment d’ailleurs ? Ce n’est pas certain, sinon serait-elle ainsi tombée à ses pieds pour le saisir ?

« Cesse de t’accrocher à moi, lui dit Jésus. Va vers mes frères et dis-leur que je monte vers celui qui est mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu. »

La résurrection ? Je ne sais pas ce que c’est. Mais j’assiste à la rencontre entre Marie de Magdala et le Christ ressuscité. Je vois comment Jésus détourne cette femme de l’enfermement de la mort. Je vois comment il l’envoie vers les disciples devenus des frères, tout en lui montrant un Dieu devenu le sien.

Il n’y a pas de témoin de la résurrection, mais il y a des témoins du Ressuscité !

Rassurez-vous, Jésus ressuscité va également se montrer aux hommes qui deviendront à leur tour témoins. Mais il faudra un peu de temps.

Pour nous non plus, la foi n’a pas été une évidence perçue comme un éclair. Elle a pris du temps pour s’enraciner en nous et tout doucement porter des fruits. Depuis les premiers temps où nous avons entendu parler du fils de Dieu, depuis notre baptême aussi peut-être…

Nous avons entendu parler d’un Dieu d’amour annoncé par un homme mis à mort pour ses paroles. La vie de Jésus de Nazareth peut parler à tout le monde. C’est la vie exemplaire d’un homme, un empêcheur de penser en rond, et qui meurt pour ses convictions, comme tant d’autres avant lui et tant d’autres après lui. Son existence peut donner lieu à l’élaboration d’un système de valeurs humanistes. Jésus de Nazareth peut prendre place dans la cohorte des grands hommes (et des grandes femmes).

Pourtant, le cœur de la foi chrétienne, c’est l’affirmation de sa résurrection.

L’évangile de Jean est extraordinaire. Il nous accompagne tout au long de cette réflexion, cette méditation, cette recherche : savoir ce qu’est la foi au Christ ressuscité.

Une première chose est certaine, c’est que voir et croire ne vont pas ensemble.

Marie voit le tombeau vide et elle se trompe d’interprétation. Elle croit qu’on a enlevé le corps de Jésus. L’autre disciple voit les bandelettes, il n’en tire aucune conclusion.

Pierre entre, voit les bandelettes et le linge, et ne comprend rien. Puis l’autre disciple entre à son tour, il voit et il croit. Certes. Puis ils rentrent chez eux. Cette première étape de la foi n’aboutit à rien. Et si j’avais lu encore le reste du chapitre, vous auriez entendu que même l’annonce de Marie aux disciples n’aura pas changé leur situation. Ils restent enfermés à clef dans la maison, une fois, deux fois. Et même quand Jésus sera venu une première fois, cela ne sera pas encore suffisant pour qu’ils sortent de la maison.

Alors comment recevoir la foi, si même les disciples, visités une fois, deux fois par le Christ, ont du mal à croire ?

Ce chapitre 20 de l’évangile de Jean nous donne quelques-uns des éléments qui permettent à la foi de survenir.

Premier élément : le disciple que Jésus aimait croit en voyant l’absence. Il croit le premier.

Car ce n’est pas une question d’intelligence, de raisonnement, mais une question… d’amour.

Ce disciple qui n’a pas de nom dans l’évangile de Jean, est en fait, on le sait tout à la fin, le rédacteur de l’évangile. Il se qualifie de « disciple que Jésus aimait ».

On se souvient alors combien le thème de l’amour est récurrent dans l’évangile de Jean, notamment lors du discours d’adieu de Jésus, qui recommande aux disciples de s’aimer comme il les a aimés (Jean 15,12).

La foi survient quand j’accueille l’amour de Dieu, quand je laisse cet amour m’envahir, quand cet amour fait reculer en moi les ténèbres, comme Marie devant le tombeau. La foi survient quand l’amour de Dieu pour moi me rend ma dignité, quand il ôte toutes les humiliations subies et éloigne de moi la colère, le désir de vengeance et le travail sourd du malheur.

Le disciple que Jésus aimait est le premier à croire, par amour ! Et le texte ajoute : car jusqu’à ce jour, les disciples n’avaient pas encore compris l’Ecriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts.

Voilà le deuxième élément : les Écritures. La foi s’ancre dans la lecture des Ecritures. Sans cela, elle risque de s’égarer et de se laisser entraîner n’importe où. La médiation des Écritures est nécessaire pour nourrir notre foi, ranimer notre espérance, faire grandir notre amour.

Et le troisième élément : ce sont les frères et sœurs. Voyez le jeu entre Marie, Pierre et l’autre disciple. Chacune et chacun découvre quelque chose, mais tous ont besoin de ce que chacun a compris de sa découverte.

Si on comprend le rôle de Pierre comme celui qui représente le fondement de l’Église, il est à noter que, s’il ne comprend rien, il est pourtant entré dans le tombeau en premier. Prééminence oblige ? Mais quel que soit le rôle que les Ecritures présentent de Pierre, ce n’est qu’à la toute fin du dernier chapitre, juste avant que Jean se désigne comme l’auteur de l’évangile, que Jésus se « réconcilie avec lui » en le questionnant sur son amour pour lui.

A nouveau l’amour intervient comme réponse humaine à l’amour de Dieu.

L’évangéliste Jean a révélé l’impasse de la recherche de savoir et de voir. Rien à voir, rien à comprendre. Mais il nous livre aussi les ingrédients de la foi :

– accueillir l’amour de Dieu révélé en Jésus-Christ, mort et ressuscité pour moi.

– ancrer cet amour dans la lecture de la Bible

– vivre cet amour soutenu et encouragé par les frères et sœurs,

Et alors, peut-être aurons-nous la grâce d’être visités, comme Marie, pour nous détourner du tombeau, quitter les ténèbres et vivre comme au premier jour de la création.

Car être ressuscité, c’est recevoir, à l’écoute de la Parole, une nouvelle manière de vivre, une nouvelle relation aux autres et à Dieu ; c’est accepter de naître de nouveau, sous l’impulsion de l’Esprit. C’est recevoir les autres comme des frères et sœurs. C’est accueillir ce Dieu comme notre Dieu. C’est tourner résolument le dos à la tombe et accepter de marcher sur le chemin de la vie les mains vides et les yeux fixés sur le ressuscité.

La résurrection naît d’une rencontre avec le Christ ressuscité. Il est vivant pour que nous ayons la vie par lui.

Amen