Remonter la pente (culte du soir, 9 mars 2014)

Prédication du 9 mars 2014 (culte du soir)

Texte biblique : Psaume 139

Cet homme se sent perdu. Ses ennemis l’accusent.

Et comme toujours avec une calomnie, même ceux qui lui font confiance sont pris de doute.

Et s’il était coupable ?

Après tout, « il n’y a pas de fumée sans feu ».

Cette situation, nous la connaissons : nous sentir incompris, accusés injustement. Et, du coup, comme le regard des autres sur nous a changé et que nous dépendons de ce regard, nous ne savons plus qui nous sommes vraiment.

Dans l’un de ses livres, Simone de Beauvoir fait dire a une femme abandonnée les paroles suivantes : « Je ne sais pas ; non seulement qui je suis mais qui je devrais être. Le noir et le blanc se confondent, le monde est un magma et je n’ai plus de contours. Comment vivre sans croire à rien ni à moi-même ? »

Dans pareille situation, comment se reconstruire ?

Où retrouver des repères ?

Pour le savoir, nous allons suivre David dans sa remontée vers la lumière.

Parce qu’il se trouve dans un trou profond, il a besoin d’un point d’appui solide pour remonter à la surface.

Ce point d’appui, c’est Dieu, le créateur : « Les cieux racontent la gloire de Dieu » dit le Psaume 19, « le firmament proclame l’oeuvre de ses jours ».

Trois mille ans plus tard, bien sûr, nous comprenons mieux comment l’univers s’est créé, nous percevons son immensité.

Les neuro-sciences nous font découvrir la prodigieuse complexité du cerveau, le nombre incroyable de paramètres nécessaires pour que la vie soit possible sur terre.

Bien loin d’éloigner de Dieu, la science renforce l’admiration de David : le créateur d’un pareil univers est vraiment un grand Dieu.

Ainsi, la première marche vers la paix retrouvée est la louange, la jubilation : « Je te loue car je suis une créature merveilleuse » dit David.

Et cette louange redouble car David sait qu’il n’exprime qu’une infime partie de la vérité.

L’oeuvre de Dieu va tellement au-delà de ce qu’on peut en comprendre.

La 2ème marche est franchie lorsque David découvre que Dieu n’est pas simplement le créateur cosmique mais qu’il connaît et aime ses enfants.

« Tu m’as scruté et tu sais tout de moi » s’exclame David.

David ne sait plus où il en est. Il ne sait plus qui il est.

Mais Dieu, lui, sait ses intentions profondes.

Comment son Créateur pourrait-il ne pas le connaître mieux que les autres le connaissent, mieux que lui même se connaît ? Imaginerait-on un architecte ignorerait la maison qu’il a fait construire ?

Parce qu’il est accusé à tort, parce qu’il ne sait plus qui il est, David en appelle à Dieu : lui qui sait tout, lui qui sonde au plus profond de son coeur, sait s’il est coupable ou innocent.

Dieu sait ce que fait son enfant.

Dieu sait qui est son enfant.

Dieu sait qui tu es.

Et Dieu t’aime avec ce que tu es.

Il t’aime en globalité.

Il aime donc aussi ce que tu n’aimes pas en toi, ce que tu veux cacher aux autres et à toi-même.

Troisième marche : David découvre que Dieu l’accompagne.

« Tu poses la main sur moi » dit David.

Comment un père ou une mère pourrait-il se désintéresser de son enfant ?

Et alors que Job s’exaspérait de cette omniprésence divine, le psalmiste rend grâce pour cela.

Dans le royaume de la mort, Dieu est là, dans la solitude la plus noire, Dieu est là; dans la dépression la plus profonde, Dieu est là.

Aujourd’hui encore, Dieu nous accompagne : sur notre lieu de travail, en famille, en déplacement aussi, lorsque nous nous sentons seul, incompris; même lorsque nous croyons le fuir, mettre de la distance entre lui et nous, même lorsque nous avons le sentiment que personne ne peut nous comprendre et nous rejoindre dans ce que nous vivons, Dieu est présent.

Nous pouvons alors nous appuyer sur Dieu, qui nous connaît, qui nous aime et qui ne nous abandonne pas. Et plus nous comptons sur Lui, plus nous savons qui nous sommes et moins nous dépendons du regard des autres.

Comme l’écrit Calvin : « la connaissance de soi et la connaissance de Dieu sont si intimement liées qu’on ne saurait dire lequel conduit à l’autre« .

Quatrième étape vers la lumière : la colère.

« Dieu, si tu voulais massacrer l’infidèle ! » demande David.

Ces quelques versets nous gênent terriblement, ils font « tâche » dans un si beau psaume.

Alors, souvent, nous les mettons de côté.

Pourtant, si les textes bibliques interdisent la vengeance, beaucoup laissent libre cours à la colère des victimes, de ceux qu’on a injustement accusés ou maltraités.

La colère est parfois un refus de l’inacceptable.

Saint-Augustin écrit à ce sujet : « L’espérance a deux beaux enfants : la colère et le courage. La colère face aux choses telles qu’elles sont, et le courage pour les changer. » 

Ici, pour l’auteur du psaume, la colère est le passage obligé pour se reconstruire.

Je n’accepte pas ce qu’on a fait de moi.

Je vaux mieux que cela !

Dire à Dieu sa colère, dire à Dieu ses désirs de vengeance, permet de se décharger de ce qui nous pèse; Dieu peut alors insuffler sa paix en nous.

Alors, avec David, nous pouvons monter la dernière marche : laisser Dieu agir en nous.

« Guide-moi, conduis-moi sur le chemin » demande David

Dieu veut notre bien, il veut que nous grandissions.

Alors, il nous aide à trier, à discerner, à trouver le juste cap.

A la différence de David, c’est là, sur cette marche, que nous trébuchons bien souvent.

Nous ne permettons pas à Dieu nous guider car nous ne vivons pas le temps de l’écoute, de la prière, de la disponibilité à Dieu.

Nous ressemblons à un artiste qui a le nez collé sur son tableau et ne sait plus comment l’achever.

Il en est de même dans notre vie : nous avons besoin de prendre du champ, du recul, en laissant Dieu nous guider, nous dire ce qui est bon, ce qui va dans le sens de la vie.

Avant de prendre une décision importante, Jésus partait dans le désert ou montait sur une barque pour s’isoler et entrer en communion avec son Père.

Nous aussi, nous avons besoin de temps et de lieux particuliers pour la prière, mis de côté.

Si nous voulons grandir, il est essentiel de lui réserver un temps spécifique.

Comme l’écrit Bonhoëffer : « la prière n’est pas l’épanchement accidentel du coeur humain plongé dans la détresse ou dans la joie, mais le fait de s’approprier, d’imprimer dans sa mémoire, d’une façon durable, la volonté de Dieu en Jésus-Christ »

Ce temps, nous devons l’organiser car nous savons bien que, pour chaque moment de la journée, nous avons des occupations plus importantes que la prière.

Un jour, un homme va voir un sage et lui dit : « Vous avez de la chance de passer votre temps à prier. Moi, avec toutes mes occupations, je ne peux prier que lorsque je viens vous voir ».

Le sage lui répondit : « Tu es comme un homme qui s’avance dans la forêt avec un bandeau sur les yeux et qui est tellement occupe a chercher son chemin dans le noir qu’il ne prend pas le temps de l’enlever Tu es comme un bûcheron qui s’épuise a couper un arbre avec une hache émoussée et qui ne prends pas le temps de s’arrêter pour l’aiguiser. Tu es comme un marcheur qui se blesse au pied et qui boîte parce qu’il ne prend pas le temps de retirer le caillou qu ‘il a dans la chaussure« .

David est peu à peu remonté à la surface.

Il a pris appui sur Dieu.

Parce qu’il sait que Dieu l’a créé, que Dieu le connaît, l’accompagne, entend sa colère, le guide, sa vie peut repartir.

Il sait qu’il ne correspond pas à l’image que ses accusateurs ont de lui.

Surtout, il sait que ce n’est pas aux autres de le définir, que ce n’est même pas à lui de le faire, mais que Dieu seul sait qui il est, ce qu’il vaut et ce qu’il peut devenir.

En fondant notre vie sur notre Créateur, nous pourrons pareillement retourner à la lumière.

Béni soit notre Père !

Amen !