Prédication culte du 18 mars 2012

 

Texte biblique : Jean 5,1-10

 

La piscine de Bethséda est un endroit célèbre pour ses eaux miraculeuses.

Dès que la surface de l’eau s’agite, dès que les eaux commencent à bouillonner, les infirmes et les boiteux se jettent dans l’eau. Car le premier qui y entre sera guéri.

C’est du moins ce que dit la légende !

A Bethséda, un homme est là, près de l’eau, sans espoir de guérison.

Il est en effet malade depuis 38 ans. Et comment pourrait-il espérer se jeter le premier dans l’eau alors qu’il est seul et que ses jambes ne le portent plus ?

Quelle libération peut-il attendre, en ce jour de Sabbat ?

Pourtant, vous le savez, Jésus s’approche de cet homme, il lui ordonne de se lever et de porter sa civière. Aussitôt, l’homme se met debout et il marche, sa civière sous le bras. Il est guéri.

Jésus ne s’arrête pas là. Il veut guérir cet homme de ses infimités physiques mais aussi sociales, psychiques, spirituelles. Parce qu’il pose sur chaque humain le regard de Dieu, Jésus considère tout homme dans sa globalité. Pour lui, l’être humain forme un tout.

Alors, à quoi servirait-il de libérer un corps de ses entraves si le reste de la personne restait esclave ?

C’est pourquoi Jésus s’attaque aux autres formes de captivité.

Il commence par libérer l’homme d’une des prisons les plus profondes : la désespérance, le sentiment qu’il sert à rien de mobiliser son énergie car on ne peut rien changer.

Jésus entrouvre la porte en posant à l’infirme une question : « Veux-tu guérir ? »

Car il suggère ainsi, non seulement que la guérison est possible, mais aussi que l’homme est acteur de sa guérison, que sa volonté de s’en sortir a de l’importance, qu’il peur sortir du cercle infernal de la plainte.

Jésus développe la capacité de son interlocuteur à devenir sujet.

 

Enfin, parce qu’une guérison personnelle est aussi une guérison spirituelle, Jésus annonce implicitement à cet homme le pardon des péchés.

En le guérissant, en le purifiant, il le rétablit dans sa relation à Dieu.

 

La guérison est complète, le changement radical.

D’un homme infirme et dépendant, Jésus fait advenir un être debout physiquement, moralement et spirituellement, un être réintégré, dans la communion avec Dieu, dans les relations sociales.

Ce n’est pas par hasard si Jean emploie ici le même terme que pour la résurrection de Jésus.

Le « lève-toi !» résonne comme une résurrection, comme une vie nouvelle.

 

La guérison de l’infirme présente deux autres caractéristiques : elle est urgente et offerte à tous.

 

– D’abord l’urgence. Le paralytique est malade depuis 38 ans. Il pourrait donc encore attendre un peu, par exemple la fin du sabbat. D’ailleurs, la tradition juive stipule que tout travail, même médical, est à proscrire le jour du sabbat, sauf en cas d’urgence.

Mais justement, pour Jésus, tout ce qui soulage la souffrance d’un homme est urgent, même si l’homme en question souffre depuis longtemps, surtout s’il souffre depuis longtemps.

 

– Seconde caractéristique : cette guérison est offerte à tous.

Jésus ne trie pas : il agit au bénéfice des exclus comme des notables, des pécheurs comme de ceux qui se croient justes, des immigrés comme des enfants d’Israël.

A Zachée comme à la femme adultère, au jeune homme riche comme à la veuve, au centurion romain comme au brigand sur la croix, il propose la guérison des blessures, blessures physiques, morales, sociales, psychiques ou spirituelles.

 

Jésus n’exige même pas la volonté de s’en sortir.

Bien sûr, comme avec le paralytique de Bethséda, Jésus s’efforce de stimuler la volonté de celui qui lui fait face, il tente de développer ses ressources internes ou, pour employer le jargon à la mode, sa résilience.

Mais Jésus sait que certains êtres sont à ce point brisés par la vie, à ce point perdus qu’ils ne peuvent, au moins dans un premier temps, qu’être portés, comme la brebis perdue que le berger met sur ses épaules et ramène au bercail.

Jésus ne fait pas passer de test de motivation à celui qu’il vient soulager !

 

2000 ans après, alors que nous nous réunissons en Assemblée Générale, cette approche de Jésus nous concerne doublement.

Elle est d’abord une bonne nouvelle pour nous.

En effet, cette guérison n’est pas qu’un fait ponctuel ; elle est aussi un signe : le signe de l’amour de Dieu pour tous les humains, le signe qu’en Christ, Dieu vient nous guérir, nous soulager de nos blessures et infirmités, physiques, psychiques, sociales parfois, spirituelles toujours.

Oui, en Christ, Dieu vient nous remettre debout.

 

L’approche de Jésus est aussi un envoi.

Selon la belle expression de Luther, chacun de nous doit être « un Christ pour son prochain », en calquant son approche sur celle de Jésus.

 

Quelles en sont les conséquences pour notre Entraide ?

– D’abord, l’Entraide n’est pas une œuvre sociale comme les autres; elle témoigne aussi, par ses actes, de l’amour de Dieu pour tous les hommes. Elle n’agit pas en son nom propre seulement mais également au nom de Celui qui l’envoie.

– Ensuite, pour être fidèle à Jésus, l’Entraide doit s’interdire de trier entre ceux qui mériteraient d’être aidés et les autres. Autant nous devons manifester de la rigueur et du discernement dans l’analyse des situations, autant nous devons considérer tout humain comme digne d’être aidé, toute souffrance comme digne d’être soulagée.

– Enfin, l’Entraide centre son action sur l’aide matérielle : argent, logement, assistance administrative. Mais une approche authentiquement diaconale ne peut faire l’impasse sur les autres dimensions de la personne : le psychique, le social, le spirituel. Dans une perspective chrétienne, l’autre est un sujet, jamais un cas

 

Vous l’avez compris, et ce sera ma conclusion, la responsabilité diaconale dépasse largement le cadre de notre Association. Elle ne peut être portée que par l’ensemble de l’Eglise, c’est-à-dire, par nous tous.