Noël – Jésus vient loger chez nous

Église Protestante Unie d’Argenteuil, Asnières, Bois-Colombes et Colombes
Jour de Noël : Dimanche 25 décembre 2022 – Pasteur Emmanuelle Seyboldt

Jésus vient loger chez nous

Lecture biblique : Luc 1,26-45
26 Au sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, 27 auprès d’une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph. Le nom de la vierge était Marie. 28 L’ange entra chez elle, et dit : Je te salue, toi à qui une grâce a été faite ; le Seigneur est avec toi. 29 Troublée par cette parole, Marie se demandait ce que pouvait signifier une telle salutation. 30 L’ange lui dit : Ne crains point, Marie ; car tu as trouvé grâce devant Dieu. 31 Et voici, tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. 32 Il sera grand et sera appelé Fils du Très Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. 33 Il règnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n’aura point de fin. 34 Marie dit à l’ange : Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ? 35 L’ange lui répondit : Le Saint Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu. 36 Voici, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils en sa vieillesse, et celle qui était appelée stérile est dans son sixième mois. 37 Car rien n’est impossible à Dieu. 38 Marie dit : Je suis la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole ! Et l’ange la quitta. 39 Dans ce même temps, Marie se leva, et s’en alla en hâte vers les montagnes, dans une ville de Juda. 40 Elle entra dans la maison de Zacharie, et salua Élisabeth. 41 Dès qu’Élisabeth entendit la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son sein, et elle fut remplie du Saint Esprit. 42 Elle s’écria d’une voix forte : Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de ton sein est béni. 43 Comment m’est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne auprès de moi ? 44 Car voici, aussitôt que la voix de ta salutation a frappé mon oreille, l’enfant a tressailli d’allégresse dans mon sein. 45 Heureuse celle qui a cru, parce que les choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur auront leur accomplissement.

Prédication
Noël mêle tout un tas de choses à ce qui fait le cœur de la fête pour les chrétiens : la naissance de Jésus. Cadeaux, repas, décorations… Si tout cela est mêlé à Noël, c’est à cause de nos ancêtres…Les premiers chrétiens, au quatrième siècle, ont pris la décision de fixer Noël sur une fête païenne, la fête de la lumière qui renaît. Ce sont eux qui ont mêlé la joie de la naissance du Sauveur du monde aux rites plus prosaïques liés aux cycles de la nature.

Il n’est donc pas étonnant qu’aujourd’hui encore, à Noël, des traditions de haute spiritualité se mêlent à des traditions païennes, voire commerciales.

Je ne vais pas m’en offusquer. Dieu n’est pas né dans une église ni dans un monastère : il est né dans une étable, avec les moyens du bord ; il est né sans faire de manières sur la paille d’une mangeoire, et peut-être que cette nuit-là, les bergers venus adorer avaient bu un peu plus que de coutume… Joie pas très chrétienne, peut-être, mais très humaine pour fêter la venue d’un fils premier-né. D’ailleurs, à en croire les évangiles, ce fils devenu grand ne dénigrera pas les plaisirs de la table ! Jésus s’est mêlé au monde, il n’a jamais vécu hors du monde, à l’abri de sa prétendue impureté.

Dietrich Bonhoeffer a passé les deux dernières années de sa vie en prison dans l’attente de son procès. En date du 17 décembre 1943, voici ce qu’il écrit à ses parents : « Je n’ai pas besoin de vous dire combien grande est ma nostalgie de la liberté et de vous tous. Mais vous nous avez préparé des fêtes de Noël si incomparablement belles, que le souvenir reconnaissant en est assez fort pour éclairer un Noël plus sombre ». Voilà ce qui le porte dans le temps de solitude et de détresse qu’il traverse : le souvenir magnifique de Noëls fastueusement fêtés.

Il ne fait guère de doute que la joie de Marie est une joie mêlée, elle aussi. Les peintres ont tort de la représenter toujours, de même qu’Elisabeth, dans des postures extatiques de saintes : mains jointes, regard au ciel, visage lisse et auréole au-dessus de la tête. Marie et Elizabeth sont des femmes comme toutes les autres : elles courent, elles poussent des cris, elles bousculent leurs (vieux) maris !

Porter un enfant au creux du ventre, sentir au fond de soi la vie bondir, on sait bien que ce n’est pas toujours drôle, qu’il y a des effets secondaires indésirables ; mais cela demeure l’un des plus grands miracles qu’il soit donné de vivre. En même temps, leur joie ne serait pas complète si ne venait se mêler à cette joie très humaine de donner bientôt la vie, une joie plus mystérieuse, plus profonde : la joie de porter une parole au fond du cœur. La parole de l’ange qui les a visitées.

En elles cohabitent un enfant et une parole. Ou pour être plus précis encore : c’est la parole qu’elles portent au fond du cœur qui leur permet de porter leur enfant au fond du ventre avec une grâce, une joie incomparable.

L’ange n’a pas parlé à Elisabeth. Il a respecté les convenances : il s’est adressé à Zacharie, son mari, un homme juste et pieux qui suivait, nous dit le texte, « tous les commandements et observances du Seigneur d’une manière irréprochable ». Zacharie était prêtre et, là encore, l’ange a respecté les usages : il ne lui est pas apparu pendant qu’il faisait sa toilette du matin, mais dans le temple, pendant qu’il célébrait l’office divin.

L’ange a ainsi choisi l’homme et l’endroit par excellence où il aurait dû être reçu : au cœur du temple, dans le cœur d’un homme de Dieu.

Mais Zacharie n’attendait plus de voir sa prière exaucée ; il avait cessé de l’espérer, il n’était plus habité par l’attente. Et un homme qui n’y croit pas, qui n’y croit plus, qu’a-t-il encore à dire ? Réduit au silence, il ne pourra pas même annoncer à Elisabeth la bonne nouvelle…

Avec Marie, l’ange a compris la leçon que lui a donnée involontairement Zacharie.

Finis, les hommes justes et pieux qui font des prières sans croire à leur exaucement ; finies, les liturgies psalmodiées mécaniquement sans ouverture à l’inattendu de Dieu ; fini, le tralala sacerdotal bien réglé de la Judée !

L’ange va donc se rendre directement en Galilée, cette « Galilée des nations » où se mêlent les peuples, les cultures, les religions, – terre païenne méprisée comme impure. Il se rend, non pas à Jérusalem, mais à Nazareth, une ville insignifiante. Il se rend, non pas au Temple, mais en ville, et il n’y cherche pas le chef, le prêtre, l’homme important : il va vers une jeune fille, pas encore mariée et lui dit « sois joyeuse : ». Elle va l’écouter et même le croire sur parole. Il lui dira donc simplement : « Sois heureuse, toi as qui une grâce a été faite : le Seigneur est avec toi ».

C’est bien cette parole que Marie porte dans son cœur : le Seigneur est avec elle. A la joie de donner la vie se mêle la joie de sentir le Seigneur présent dans son existence.

La situation de Marie n’est pourtant pas facile : elle se retrouve enceinte dans son extrême jeunesse, sa vie va être bouleversée par ce qui lui arrive. Mais voici : elle porte en elle la parole de l’ange, elle porte en elle le don de Dieu, et ça change toute son existence.

La question qui se pose à nous, aujourd’hui, dans notre existence, dans la vie qui est la nôtre, avec ses joies et ses peines, ses rires et ses larmes, c’est de savoir si, comme Marie, nous sommes habités par la joie de porter une parole au fond du cœur.
Sommes-nous habités par la joie des promesses exaucées ?
Sommes-nous habités par la joie de savoir le Seigneur avec nous ?

Aujourd’hui, ce qui menace notre Noël, ce n’est pas le manque de bonne volonté pour donner à cette fête tout le lustre qui lui revient : c’est de ne pas croire à la parole du Dieu avec nous, de ce Dieu qui vient se mêler à nous.

Ce qui nous menace, c’est que nos fêtes ne soient pas habitées par la conviction profonde que Dieu vient habiter en nous, comme il a habité dans le ventre de Marie, qu’il vient loger chez nous comme Jésus a logé chez Zachée, qu’il vient manger avec nous comme Jésus a mangé avec ses disciples et tous les gens qui l’invitaient.

Aujourd’hui, accueillons cet enfant qui vient de naître chez nous, accueillons-le en nous, comme promesse de vie toujours renouvelée. Il est la Vie.

Amen