Naître de nouveau … mais comment et pourquoi ? (25 septembre 2016)

Texte biblique : Jean 3, 1-19

« A moins de naître d’en haut – de nouveau, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. »

« Il vous faut naître d’en haut – de nouveau »

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Aujourd’hui, à l’occasion de ce baptême, nous avons bien des motifs d’être dans la joie : après Valentine et Joséphine, Auguste rejoint la grande famille des baptisés.

Nous sommes heureux avec la famille de cette naissance, de la richesse des relations à venir entre frères et sœurs, de tout ce que vous allez vivre ensemble.

Surtout, le baptême des enfants est, en soi, une bonne nouvelle  : si nous baptisons des « petits » qui n’ont rien demandé ni rien mérité, c’est parce que nous sommes paisiblement convaincus que Dieu nous a aimés le premier ; quel que soit notre âge, quel que notre parcours.

Il aime Valentine et Joséphine.

Il t’aime Auguste 

Il aime pareillement chacun de nous.

Et parce qu’il nous aime, parce qu’il s’est faire connaître en Jésus-Christ, parce que la Bible en rend témoignage, parce qu’il vient à nous dans la prière, parce que nous ne sommes pas seuls à croire mais que des compagnons de foi nous sont donnés, alors il nous est possible, nous dit Jésus, d’entrer dans le Royaume de Dieu.

Mais qu’est-ce que cela signifie ? Et comment faire ?


Jésus nous met sur la piste, à l’occasion de sa rencontre avec Nicodème.

Nicodème est un « homme de bonne volonté ».

Ce pharisien, membre du Sanhédrin – le Conseil des anciens – est un homme instruit, au point d’être considéré en Israël comme un « maître ».

Il ne renonce ni à la foi ni à l’intelligence.

Les miracles de Jésus l’ont convaincu que le « Nazaréen » était un envoyé de Dieu.

Alors, il vient trouver Jésus, de nuit, en toute discrétion.

Il veut savoir qui il est et d’où lui vient son autorité.

Habilement, Nicodème le questionne en émettant une hypothèse sur son identité : « Nous savons que tu es un maître qui vient de la part de Dieu », ce qui est une façon détournée de lui demander : « Qui es-tu ? »

Jésus ne va pas répondre, du moins pas tout de suite.

Comme souvent, il déplace la question.

Nicodème veut savoir qui est Jésus.

Jésus le conduit à s’interroger sur lui-même, sur sa propre foi, sur sa propre vie.

Car la foi n’est pas un simple objet de connaissance ; c’est d’abord une démarche existentielle, qui concerne notre existence.

La question n’est donc plus seulement : « Qui est Jésus selon la théologie juive ou chrétienne ? » mais aussi « Comment est-ce que je peux suivre Jésus-Christ, vivre au plus près de ce que je crois ? »

D’emblée, Jésus met Nicodème en garde .

Pour entrer dans le Royaume, pour vivre selon la volonté de Dieu, Nicodème comptait sur son intelligence et sur son respect des lois divines.

Aujourd’hui, pour bien piloter notre vie, nous comptons toujours sur notre intelligence mais nous avons remplacé la Loi de Dieu par une morale universelle à respecter.

Jésus nous avertit : l’intelligence, le respect des lois religieuse, la morale peuvent nous aider à mieux vivre les uns avec les autres et à bien nous en sortir.

Mais ils ne nous font pas entrer dans le Royaume de Dieu.

Ils ne donnent pas un sens à notre vie.

Ils ne nous sauvent pas.

Pour entrer dans le Royaume de Dieu, avertit Jésus, il nous faut « naître de nouveau ».

Par « nouvelle naissance », Jésus pense à la naissance spirituelle.

Bien sûr, nous naissons avec un bagage génétique.

Bien sûr, nous sommes le produit d’une éducation.

Bien sûr, nous sommes marqués par notre histoire personnelle, par notre milieu social, amical, culturel, national, religieux.

Mais nous ne sommes pas que cela ; une dimension de notre être est spirituelle. Et elle agit sur toutes les autres dimensions .

Pour nourrir cette croissance spirituelle, il nous fait naître « d’eau et d’Esprit »

Jésus fait d’abord référence au baptême d’eau, celui qu’il a reçu de Jean-Baptiste, le baptême de repentance.

« Naître d’eau » consiste donc à reconnaître la distance entre ce que nous vivons et ce que nous sommes appelés à vivre, à admettre que notre vie est dans une impasse spirituelle et – par suite – existentielle.

« Naître d’eau » consiste à devenir lucide sur soi.

Alors, il devient possible de « naître d’Esprit », en étant animé par le souffle de Dieu, la présence de Dieu en soi, semblable au vent qui nous pousse en avant, dont on ressent les effets bienfaisants et qu’on ne maîtrise pas.

Cette naissance spirituelle n’est pas réservée à un club « d’initiés spirituels » ou à des « surdoués de la religion ».

Dieu la propose à chacun de nous : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a offert son Fils afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais qu’il ait la vie éternelle ».

Chacun d’entre nous peut naître à la foi : quels que soit son passé, ses failles ou son caractère.

Il suffit de le demander.

Il suffit de le désirer.

Il suffit de se tourner vers Jésus-Christ.

Il suffit d’être réceptif à l’Esprit qui, selon la belle expression d’une catéchumène : « est ce vent qui souffle dans le monde et dont le sifflement devient cette musique qui inspire la paix, la joie, l’espérance et l’amour » 

Par contre, une fois que je suis « né dans l’Esprit », il me faut réorganiser ma vie autour de cette foi naissante, afin qu’elle grandisse en moi.

Ma femme, Corinne, a une lubie, qui se manifeste régulièrement : elle réaménage notre intérieur, en changeant les meubles de place, suivant ses priorités du moment.

Il nous faut faire la même chose concernant notre vie : « nés d’Esprit », nous avons à réaménager notre existence, en faisant passer notre relation à Dieu, de la périphérie au centre.

Pour nous y aider, pour grandir dans cette vie nouvelle, des outils nous sont donnés : la Bible – qui sans cesse nous ramène à Jésus-Christ-, la prière – qui nous recentre sur Dieu-, le culte et la vie communautaire.

Si nous prenons soin de notre être intérieur, alors, peu à peu, la foi éclairera l’ensemble de notre être, et modifiera profondément notre existence.

Voici quelques exemples d’une vie éclairée par la foi.

  • Si ma vie est éclairée par la foi, ja sais que j’existe indépendamment de ce que je réalise, que je suis aimé indépendamment du regard que les autres portent sur moi, que j’ai de la valeur indépendamment des critères habituels de réussite ou d’échec.

Comme le proclamaient les esclaves noirs : « Je sais que je suis fils de Roi ».

– Si ma vie est éclairée par la foi, je sais que Dieu me pardonne mes erreurs ou mes fautes, et que je reçois de lui le pouvoir de pardonner.

Je peux ainsi – quel que soit mon âge ou mon passé – tourner la page, apaiser des blessures, retisser des liens.

– Si ma vie est éclairée par la foi, j’espère

Aujourd’hui, beaucoup de Français sont convaincus que la vie de leurs enfants sera moins bonne que la leur. Et cette angoisse nous tire vers le bas, nous replie.

Pourtant, les chrétiens sont portés par une espérance : notre monde n’est pas abandonné par Dieu. Au nom de cette espérance, des chrétiens ont combattu l’esclavage, soigné les blessés de guerre, combattu le nazisme, participé à l’abolition de l’apartheid.

Ils paraissaient naïfs ou idéalistes, et, pourtant, ils ont eu raison et ont gagné.

Aujourd’hui, ceux qui croient en la possibilité d’une coopération des grandes religions, en l’éradication de la lèpre ou en un meilleur accès de tous à l’eau potable passent pour des naïfs. Et pourtant, ils sont les seuls à mener un combat réaliste car porteur d’avenir.

– Si ma vie est éclairée par la foi, alors je peux servir et demander de l’aide.

Habituellement, celui qui grandit, par exemple dans la hiérarchie sociale, apprend à se faire servir.

Naître à la foi consiste à se faire serviteur d’autrui.

C’est l’exemple donné par Jésus lorsqu’il lave les pieds de ses disciples.

Celui qui sert librement, dit en substance Jésus, est le plus grand de tous, car il a réglé la question du pouvoir et donc de la reconnaissance.

– Si ma vie est éclairée par la foi, j’ose être différent.

Il y a 2000 ans, Paul écrivait déjà : « Ne vous conformez pas au monde présent », littéralement « ne laissez pas le monde vous presser dans son moule ».

Et ce n’est pas toujours facile !

La pression du groupe est très forte.

Et comme chacun de nous, Auguste devra beaucoup combattre pour se libérer de l’emprise de l’opinion dominante.

Durant mon année de stage, juste avant d’être pasteur, j’ai passé plusieurs semaines à Brest.

Me trouvant très sûr de mes convictions, les conseillers de cette communauté avait décidé de me mettre à l’épreuve.

Pendant une soirée, ils ont essayé de me convaincre de bénir un bateau et avaient parié une bouteille de Calvados qu’ils y arriveraient.

Tout y est passé : la pression du groupe, la référence à la Bible – ils avaient cité la bénédiction du temple de Jérusalem par Salomon – et même l’argument d’autorité avec un coup de téléphone du président de région qui avait été mis dans le coup.

Alors que j’étais théologiquement assuré de ma position, j’ai eu beaucoup de mal à ne pas vaciller.

Il est difficile de tenir à ce qu’on croit lorsque le courant dominant est contraire !

Et pourtant, lorsque les courants dominants nous poussent à l’égoïsme social ou à un athéisme inculte, il est essentiel que certains résistent.

Puisse Auguste être l’un d’entre eux.

Vous le mesurez, la vie nouvelle dont parle Jésus rend notre existence infiniment fructueuse.

Alors, aspirons à naître de nouveau, pour vivre, pleinement !

Amen !