Lève-toi, va vers Ninive …

Lectures JONAS 2, 1 – 11

Prédication :  

Comme dans toutes les bonnes séries, petit rappel de l’épisode précédent…

« Et il y eut la Parole de Jahwe à Jonas, fils d’Amitaï : « Lève-toi, va vers Ninive, la grande ville et crie sur elle… ! »  …

Et Jonas se lève en effet, mais non pas pour suivre l’appel que Dieu lui adresse : il part en direction opposée. Jonas se dérobe. Il prend la fuite.

Il n’hésite pas à dépenser une fortune pour s’embarquer dans une « croisière » à travers la Méditerranée jusqu’à son extrême occident, à Tarsis (aujourd’hui : Gibraltar). 

Cependant, Dieu aussi met les moyens pour empêcher sa fuite : Il ne veut pas lâcher Jonas si facilement !

La tempête qui se déclenche va en effet être un moyen efficace pour arrêter Jonas. Mais elle met aussi en péril sa vie … conséquence de son choix :

« Hissez-moi et lancez-moi à la mer ! » (Jonas1,12), demande-t-il aux marins du bateau qu’il avait affrété pour sa fuite. Et comme Jonas insiste, ils finissent par le jeter par-dessus bord. Mais là, Dieu intervient encore – car IL ne veut pas la mort de son prophète : IL envoie « un grand poisson pour engloutir Jonas ». …

Il existe des nombreux chants et et récits d’enfants qui représentent Jonas à l’intérieur d’une baleine. …

Sauf que, les baleines n’existent pas en méditerranée et qu’en plus leur gosier est beaucoup trop petit pour avaler un homme. Le « grand poisson » du récit biblique n’est pas identifiable à une espèce connue.

Il surgit dans le récit comme l’instrument anonyme que Dieu – non sans humour ! – se donne pour empêcher Jonas de lui échapper en se jetant dans la mort.

Le narrateur se soucie, en réalité, très peu du caractère invraisemblable de son récit : Ne vous préoccupez pas de la vérité historique de mon récit, semble vouloir nous dire l’auteur du récit de Jonas ! Cherchez-y d’avantage sa vérité existentielle ! …

Jonas a donc été englouti par ce « grand poisson » dans lequel il va rester enfermé « trois jours et trois nuits ». Sa fuite est arrêtée et le récit est suspendu. Il passe de la prose-narration d’un récit au poème-prière d’un Psaume.

Ainsi, les « trois jours et trois nuits » passés dans le ventre du poisson signifient pour Jonas un temps de « retour sur soi », de réflexion profonde et existentielle sur sa vie et comment Dieu y est présent.

Il me vient à l’esprit les paroles d’un autre Psaume : « O Dieu, regarde au fond de mon cœur ; examine mes pensées et vois mes soucis. Regarde si je suis sur un chemin dangereux, et conduis-moi sur ton chemin, ce chemin qui est sûr pour toujours » (Psaume 139, 23-24). … 

Comme dans la prière, ce « retour sur soi » ne se fait pas dans un monologue centré sur lui-même et qui enfermerait Jonas alors encore d’avantage dans ses ténèbres.

Il se fait, au contraire, dans un dialogue, enfin !

Et il semble bien que ce dialogue, cette prière, en fait, ait un effet positif et salutaire sur l’état intérieur de Jonas.

Sa situation, si désespérément « perdue » qu’elle parait extérieurement : il est englouti par le poisson et dit « être jeté dans le gouffre au cœur des mers… encerclé par le courant » (v.4), elle lui semble pourtant ne plus être sans issue … grâce à sa prière, qu’il vit comme un dialogue, un face-à-face avec Dieu, où il se sent « écouté » :

Ainsi, dès la première strophe de son psaume – prière, Jonas passe du « j’ai invoqué le Seigneur » au « tu m’as entendu ».

Au « pied du mur », dans le ventre du grand poisson, Jonas vit une descente dans l’abîme, jusqu’au « séjour des morts ». C’est de là qu’il appelle Dieu…

« Je suis chassé loin de tes yeux ! », lui crie-t-il, sans reconnaître que son attitude est la cause de cet éloignement ! … Jonas, dès ses premières paroles, exprime sa détresse et sa solitude au « séjour des mort » en même temps qu’il affirme que Dieu l’entend et lui a même déjà répondu.

Pourtant à aucun moment durant son séjour dans les ténèbres du ventre du poisson, Dieu ne lui parle ou ne lui répond explicitement. …

Mais à chaque image de mort correspond une expérience de vie, plus exactement de résurrection, de victoire de la vie sur la mort :

« Dans ma détresse, j’ai invoqué le Seigneur…

– et il m’a répondu« .

« Du sein du séjour des morts j’ai appelé au secours

– et tu m’as entendu ».

« Je suis chassé loin de tes yeux

– Mais je verrai encore ton temple sacré ».

« Les eaux m’ont enserré jusqu’à la gorge, l’abîme m’entoure (…)

– mais tu m’as fait remonter vivant de la fosse, Seigneur mon Dieu »

Il vit sa situation de « détresse… au séjour des morts » sous le regard de Dieu – et cela change son propre regard, comme l’exprime encore le Psaume 139 déjà cité plus haut :

« Je prends les ailes de l’aurore pour habiter au-delà des mers, là encore, ta main me conduit, ta droite me tient.

J’ai dit : « Au moins que les ténèbres m’engloutissent, que la lumière autour de moi soit la nuit ! »

Même les ténèbres ne sont pas ténébreuses pour toi, et la nuit devient lumineuse comme le jour : les ténèbres sont comme la lumière ! »

(Psaume 139, 9 – 12).

Et il finit « déclarant sa reconnaissance » et l’affirmation que le salut appartient au SEIGNEUR ! Jonas est passé de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière, de la fuite loin de DIEU au retour vers le SEIGNEUR de la Vie. Jonas va se retrouver de nouveau sur la terre ferme des vivants pour une existence pleine de promesses ! …

La vie du croyant est riche de telles expériences. …

Nous pensions que tout était perdu et voilà qu’au mépris de toute logique, de tout calcul, nous avons été relevés. Les épreuves souvent nous conduisent à éprouver la présence de Dieu et son amour, plus fort que la mort. ….

Lecture Jonas 3, 1 – 10

Cette fois, c’est bon :

Jonas se lève à l’appel du SEIGNEUR (le deuxième appel) pour partir à Ninive, accomplir la mission que Dieu lui confie…

C’est, d’ailleurs, une de ces journées au bout de laquelle on dit habituellement : « C’était une bonne journée ! « 

Tout s’est bien passé, comme sur des roulettes. Mission accomplie, donc, avec un succès phénoménal, à tel point que l’on dirait spontanément : « Trop beau pour être vrai ! »

Les Ninivites « mirent leur foi en Dieu » dès le premier jour de l’annonce du jugement de Dieu par Jonas. Il n’a pas fallu 40 jours pour se convertir (même si, en réalité, selon le récit, il fallait trois jours pour traverser Ninive, puisque c’était « une grande ville devant Dieu », v.3).

Et comme si les premiers signes de pénitence des Ninivites ne suffisaient pas, le décret royal vient les officialiser et les compléter en y associant le règne animal. L’exemplarité et la radicalité de la démarche pénitentielle des Ninivites et de leurs dirigeants (« le roi et ses grands ») forcent l’admiration et renforcent le contraste avec le comportement récalcitrant du prophète Jonas. …

On imagine, même si le récit ne le précise pas, le grand roi assyrien, Sargon II qui détruisait le Royaume du Nord, Israël, et déportait, ensuite, la population.

Ou bien, pire encore – Nabuchodonosor le Grand, « Il terrible », roi de l’empire babylonien, qui fit de même avec le royaume du Sud, Juda, à peine un siècle et demi plus tard ! …

Ou pour comparer à des personnages historiques plus récents, voir même actuels, et, donc, plus faciles à imaginer comme les présidents des grands empires actuels : Vous imaginez un Donald Trump se convertir, en décrétant un « jeûne pour le climat » ?

Comment imaginer une telle conversion spectaculaire et de masse de toute une ville païenne et complètement ignorante de la Parole de Dieu, suite aux paroles pour le moins peu charismatiques d’un prophète récalcitrant ? : « Encore 40 jours et Ninive est détruite ! » Pas d’explication, pas d’argumentation.

Pour rendre le récit un peu plus plausible, il aurait fallu mettre en scène un prophète un peu plus convaincant, du genre Élie qui remporte le concours, haut la main, contre les prophètes du Baal (1Rois18) ou, plus actuel, là encore :

Il faudrait pour une mission d’une telle taille, au moins, envoyer un Billy Graham – ou autre télé-évangéliste – et non pas un « petit prophète récalcitrant » qui ouvre à peine sa bouche pour prononcer en tout et pour tout sept mots, selon la NBS – cinq selon le texte hébreu ! …

Et pourtant, qui d’entre nous n’a pas, au moins une fois, fait l’expérience de l’efficacité inattendu, surprenante et salutaire de la « Parole de Dieu » ?

Celle dont la Bible nous dit, par ailleurs, qu’elle est créatrice de vie (dans le récit de la création, Genèse 1), qu’elle « subsistera toujours » (Esaïe 40,8) et qu’elle est « comme le feu… et comme un marteau qui fait éclater le roc » (Jérémie 23,29).

Et, surtout, qu’elle est « comme la pluie et la neige qui descendent du ciel et n’y reviennent pas sans avoir abreuvé la terre… sans avoir réalisé ce pour quoi je l’ai envoyé » – déclaration du SEIGNEUR selon le prophète Esaïe (55,10-11).

Dans la suite des prophètes bibliques, nous sommes des instruments au service de cette parole – parfois, et même souvent, à notre insu – et c’est tant mieux, car il ne s’agit en aucun cas de la maîtriser, de la contrôler au point de la manipuler ! …

Ce n’est pas nous qui convertissons les gens, c’est la parole de Dieu qui peut agir par notre intermédiaire, à notre insu et parfois même contre notre volonté, comme avec Jonas !

La suite au prochain épisode… !

 Amen !

Pasteur Andréas Seyboldt