L’Eternel est mon berger (24 janvier 2016)

Eternel_Berger

Chers Julien et Raphaëlle, en baptisant Timothée, 3 ans après Augustin, vous l’inscrivez dans cette belle dynamique de l’Evangile.

Je sais que vous allez lui permettre, peu à peu de grandir, explorer, découvrir, se questionner sur le monde, les relations humaines, les arts, la spiritualité et, plus généralement, la vie qu’il entend mener : « Qu’est-ce qui me fait vivre vraiment ? » ; « A quoi ai-je envie de consacrer mon existence ? »

A un moment ou à autre de son développement, ces questions prendront probablement une tournure plus existentielle encore : « Qui suis-je, au-delà de ce que les autres renvoient de moi ? Quel est le noyau irréductible de ma personnalité ? »

Vous pourrez alors lui transmettre la réponse de Jésus.

Dans le « Sermon sur la montagne », Jésus dit en effet à ceux qui sont venus l’écouter : « Vous êtes le sel de la terre », « vous êtes la lumière du monde ».

Il ne leur dit pas de le devenir, encore moins de le mériter ; il leur dit qu’ils le sont.

Les auditeurs de Jésus sont « sel » et « lumière », parce que Dieu le veut, parce que le Christ est là, parce que telle est leur vocation.

Aujourd’hui, cette même parole vous est adressée, à toi Augustin, à toi, Timothée, à vous, Julien, Raphaëlle, à nous tous : « Vous êtes le sel de la terre », « vous êtes la lumière du monde ».

Remarquez combien Jésus renverse les perspectives.

Habituellement, l’homme est à la recherche de son identité ; il veut d’abord savoir qui il est.

« Connais-toi toi-même » disait Aristote, il y a 24 siècles.

Aujourd’hui, plus que jamais, cette connaissance de soi mobilise les énergies. Nous voulons partir à la rencontre de notre identité, percer ce secret existentiel.

Pour cela, nous entamons des démarches mystiques, philosophiques, thérapeutiques.

Pour certains, ce voyage intérieur est même le seul qui vaille.

Jésus, lui, nous dit d’emblée qui nous sommes et quelle est notre vocation.

Nous sommes les enfants aimés du Père et notre vocation est de vivre en « sel de la terre » et « lumière du monde ».

Ici et maintenant.

Bien sûr, au fil des ans, je peux apprendre certaines choses sur moi, découvrir des fragilités ou des capacités jusque-là insoupçonnées.

Mais pour l’essentiel, mon identité profonde et ma vocation me sont données : je suis « sel de la terre », « lumière du monde ».

Je suis donc libéré du poids des images que les autres me renvoient ; je ne suis plus une juxtaposition de projections ; je sais qui je suis : une perle de grand prix, un enfant de Dieu, le « sel de la terre », la « lumière du monde ».

Ainsi, le véritable enjeu de ma vie consiste désormais à vivre ce que je suis, notamment en « sel de la terre » et en « lumière du monde ».

Mais que signifient ces images ?

A l’époque de Jésus, le sel a une double utilité.

D’abord, il conserve les aliments, il les protège de la putréfaction.

Dire « vous êtes le sel de la terre », c’est pour Jésus une façon imagée de vous dire : «Votre existence a une valeur infinie auprès de Dieu.

L’Eternel conserve votre vie comme le sel conserve la nourriture. Il vous protège de ce qui vous menace et risque de vous détruire.

Alors, à votre tour, protégez la vie.

Protégez la vôtre en vous gardant de ce qui vous amoindrit et recroqueville. 

Protégez la vie des autres en veillant sur eux, en faisant œuvre de paix, en refusant que le bien-être du groupe passe par l’exclusion de certains. »  

Et apprenez à Timothée à entrer dans cette dynamique de protection, de bienveillance, d’empathie.

Bien sûr, le sel sert également à donner du goût, à renforcer la saveur.

Dieu donne de la saveur à notre vie, parce qu’il nous aime, parce qu’il met de l’énergie en nous, parce qu’il nous réveille, nous appelle et nous envoie.

Nous pouvons à notre tour, devenir des éveilleurs de vie.

Par le rire, le chant, la danse, joie de vivre, l’espérance, la prière, l’amour, nous donnons du goût et de la saveur à notre vie comme à celle des autres.

Auprès de nos enfants et je ne fais pas de souci pour Timothée.

Auprès de nos parents car il n’est jamais trop tard pour continuer à s’éveiller à la vie.

Auprès de tous ceux qui nous entourent.

Vous êtes le « sel de la terre »; vous êtes également « lumière ».

Pour la foule qui écoute Jésus, nourrie de l’enseignement de la première alliance, le sens de cette expression est évidente. La lumière, c’est la Parole de Dieu.

Ainsi, Israël est qualifiée de « lumière des nations », non en vertu d’une quelconque supériorité mais en tant que messager de la Parole.

Dans notre texte, Jésus nous dit ainsi : « La lumière, c’est vous. Je vous ai donné l’Evangile, je vous ai fait connaître le visage de Dieu.

Par l’Esprit, Dieu continuera à vous instruire.

Il vous revient maintenant de diffuser l’Evangile, par vos paroles mais plus largement, par l’ensemble de votre vie. Ne la confisquez pas, comme le font les scribes et les pharisiens car elle est « bonne nouvelle » pour tous les humains ».

Vous vous êtes engagés à faire connaître Jésus-Christ à Augustin et Timothée.

Il sera de leur responsabilité de suivre ou pas ce chemin. Mais il est de votre devoir de le leur faire connaître, par la vie en Eglise, mais aussi par votre témoignage.

Il est aussi absurde de penser qu’un enfant va s’éveiller à la foi, tout seul, que de penser qu’il deviendra sociable ou s’initiera tout seul à l’infinie joie des mathématiques.

Vivre en sel de la terre et lumière du monde, c’est donc préserver la vie, lui donner du goût, partager la Parole de Dieu.

Dans la suite du sermon sur la montagne, Jésus donnera des exemples : être sel et lumière, c’est aimer son ennemi, se réconcilier avec lui, prier simplement Dieu etc.

Mais les paroles de Jésus ne s’adressent pas seulement aux individus ; elles concernent également notre vie d’Eglise.

Souvent, nous nous lamentons devant la faiblesse numérique de nos communautés, nous nous interrogeons sur le sens de leur action.

Or, la vocation de l ‘Eglise est d’être « sel » et « lumière ».

Au lieu de se demander à quoi elles servent dans un monde post-moderne, nos Eglises peuvent plutôt s’efforcer de vivre, concrètement, en sel de la terre et lumière du monde.

Un sel qui ne sale pas est bon à être jeté.

Une Eglise qui ne soutient pas les plus fragiles, une Eglise qui n’éveille pas à la vie, une Eglise qui n’aide pas chacun à grandir et à s’épanouir, ne sert à rien.

Et quelle est la pertinence d’une lumière qui reste cachée ?

Etre lumière, c’est transmettre l’Evangile sans le dissimuler derrière une sagesse consensuelle ou de prétendues valeurs judéo-chrétiennes.

Etre lumière en favorisant la rencontre avec Jésus-Christ.

Etre lumière aussi par notre vie communautaire : en respectant sans juger, en aidant, en pardonnant, en gérant les conflits différemment des autres groupes humains.

« Vous êtes sel de la terre »; « Vous êtes lumière du monde »

Vivez ce que vous êtes.

Amen !