L’Eglise Verte

le 17-2- 2019  « L’Eglise Verte »   Denis Heller

Jérémie 17 v 5 à 13

« Ainsi parle l’Éternel: Maudit soit l’homme qui se confie dans l’homme, Qui prend la chair pour son appui, Et qui détourne son coeur de l’Éternel!

6Il est comme un misérable dans le désert, Et il ne voit point arriver le bonheur; Il habite les lieux brûlés du désert, Une terre salée et sans habitants.

7Béni soit l’homme qui se confie dans l’Éternel, Et dont l’Éternel est l’espérance!

8Il est comme un arbre planté près des eaux, Et qui étend ses racines vers le courant; Il n’aperçoit point la chaleur quand elle vient, Et son feuillage reste vert; Dans l’année de la sécheresse, il n’a point de crainte, Et il ne cesse de porter du fruit.

9Le coeur est tortueux par-dessus tout, et il est méchant: Qui peut le connaître?

10Moi, l’Éternel, j’éprouve le coeur, je sonde les reins, Pour rendre à chacun selon ses voies, Selon le fruit de ses oeuvres.

11Comme une perdrix qui couve des oeufs qu’elle n’a point pondus, Tel est celui qui acquiert des richesses injustement; Au milieu de ses jours il doit les quitter, Et à la fin il n’est qu’un insensé.

12Il est un trône de gloire, élevé dès le commencement, C’est le lieu de notre sanctuaire.

13Toi qui es l’espérance d’Israël, ô Éternel! Tous ceux qui t’abandonnent seront confondus. -Ceux qui se détournent de moi seront inscrits sur la terre, Car ils abandonnent la source d’eau vive, l’Éternel »

Chers amis,

Je m’adresse à vous en ce début de prédication en vous posant une question, une question à laquelle tout le monde peut répondre : à quoi la couleur verte vous fait elle penser ? Qu’est ce qu’évoque pour vous le vert ? … la végétation, la forêt, la campagne, l’espérance,…

Et bien ce matin, je vais vous parler de l’Église verte, non pas d’une église dont tous les murs et les locaux seraient peints en vert. Non pas d’une Église qui prônerait en premier lieu la couleur verte car le vert serait symbole d’espérance, ce qu’il est, comme vous venez de le souligner.

D’ailleurs, les Églises qui suivent les couleurs des différents temps liturgiques de l’année, telles que l’Eglise catholique, les Églises luthériennes, et certaines Églises Réformées « Hight Church » ont pour le temps ordinaire, c’est à dire hors fêtes chrétiennes, la couleur verte, dans leurs habits liturgiques et dans la décoration de leurs édifices religieux ; cela pour souligner que l’Église est en fait, toujours portée par l’espérance.

On pourrait comprendre l’expression « Église Verte » dans un autre sens ; ce serait une Église qui contrairement à ce que l’on pense du christianisme, n’est pas une Église des interdits, ni des stops, ni des arrêts obligatoires comme on le fait au feu rouge. Une Église verte car une Église qui fait passer, met en mouvement, fait circuler la vie, permet le passage comme on le fait au feu vert !

Non, rien de tout cela ; une Église Verte car une Église sensibilisée à la question écologique, soucieuse que notre planète reste verte par la verdure de la création. Une Église Verte  car une Église  ayant une conscience écologique et du coup engagée en paroles et en actes pour que notre environnement plutôt  que d’être surexploité soit davantage respecté.

D’ailleurs, le thème du dernier festival chrétien du cinéma organisé en janvier à Bois Colombes, abordait aussi ce thème avec comme titre »Improbable avenir, un probable avenir ». Le visionnage de plusieurs films dont le premier « Demain » a permis de mesurer l’ampleur de la crise écologique et aussi de faire connaître des solutions déjà existantes ; cela par un changement de regards, d’attitudes et de rapports à la création et aux ressources qu’elle contient.

De même, le cycle des 3 tables rondes et débats, évoqué durant les annonces et organisé fin mars et début avril, sur 3 jeudis de suite, abordera aussi ces questions sous le titre « La planète et ses limites et nous dans tout çà ? : État des lieux, s’engager au nom de quoi ? quelles politiques ? Vous êtes tous attendus !

Et puis, sachez que notre Église sur le plan national, l’Église Protestante Unie de France a choisi comme thème synodal pour les années 2019-2020 »Écologie, quelle(s) conversion(s) ? »au singulier et au pluriel.

Toutes les Églises locales, les synodes régionaux, le synode national sont invités à travailler la question de l’urgence écologique,dans  ses liens avec les enjeux sociaux, économiques de notre pays et de notre planète.

Certains parlent de transition écologique. Notre Église sous forme de question ose parler de conversion, sous entendu conversion à la fois spirituelle, théologique mais aussi conversions autres , c’est à dire bibliquement, changements, de regard dans notre rapport à la création , à ses ressources, dans notre mode de production et de consommation, de vivre ensemble peut-être.

Ainsi le concept « Église Verte » proposé à toutes les Églises qu’elles soient catholiques, orthodoxes et protestantes nous invite à nous saisir de ces vastes questions qui peuvent sembler nous dépasser mais qui peuvent se traduire de manière concrète par des choix de vie dans notre quotidien ; car rien n’est anodin, rien n’est insignifiant.

Ainsi le Centre 72 en lien avec des membres de la paroisse, a déjà opté pour le principe « du jardin partagé », pour une recherche de non gaspillage d’énergie par une meilleure isolation, par une volonté de tri pour favoriser la récupération.

De même, l’Entraide par son énorme travail de tri de vêtements, contribue à réduire le gaspillage et à encourager la redistribution d’habits, encore en bon état.

Petites gouttes d’eau , me direz vous dans un désert d’indifférence  et dans un océan de pratiques destructrices et dévoreuses des richesses de la planète. Mais rien n’est anodin. Rien n’est insignifiant

au regard de l’Évangile ; c’est l’affaire de tous.

Le concept d’Église Verte a pour visée d’une certaine manière de faire des communautés chrétiennes des laboratoires d’expériences, des lieux de vie alternatifs d’une plus grande conscience écologique, cherchant à leur manière par des réflexions et des actions, à favoriser une transition écologique.

Le prophète Jérémie de notre passage biblique de ce jour, est bien loin , me direz vous,de toutes ces problématiques, lui qui vivait vers 600 ans avant Jésus Christ.

Une population mondiale beaucoup plus faible, des zones entières géographiques quasiment vierges, pas d’exploitation des énergies fossiles, ni de nucléaire. Des phénomènes de pollution extrêmement réduits, compte tenu du peu de population. Il ne pouvait pas être porteur du concept  d’Église Verte et pourtant par ses paroles, il n’est pas si éloigné, je pense, de notre problématique : le rapport que nous entretenons à la création, donnée par Dieu.

Sommes nous des consommateurs à tout va de cette création, de ses ressources et richesses, en nous disant après nous le déluge ? Sommes nous des bons gestionnaires, ou j’ose dire de bons jardiniers de ce qui nous a été confié ?

Jérémie dans la mission qui lui a été donnée n’a pas le beau rôle. « Tu vois aujourd’hui, je te charge d’une mission qui concerne les nations et les royaumes. Tu auras à déraciner et à renverser, à détruire et à démolir mais aussi à reconstruire et à replanter. » (Jérémie 1 v 10)

Paroles de mise en garde, de dénonciation, de jugements mais aussi paroles de relèvements, de perspectives et d ‘espérance.

Ces deux aspects sont présents dans le message qu’il délivre au peuple d’Israël.

Des paroles de condamnation tout d’abord.

Vous serez pareils au buisson chétif de la steppe, dans d’autres traductions, au genévrier dans la plaine aride, parmi les pierres du désert sur cette terre stérile que personne n’habite. Paysages de mort et de désolation. Des écologistes, voulant décrire des zones rudes, désertiques et infertiles à la suite des dégâts provoquées par la main des hommes et à cause du changement climatique, n’auraient pas mieux dit.

Je pense aux paysages du bassin méditerranéen, anciennement couverts de hautes forêts, devenus aujourd’hui des maquis et de la garrigue avec de la  bruyère, des genévriers et des arbustes rampants et piquants.

Ces paroles de condamnation de Jérémie, décrivant une végétation squelettique et un sol stérile, en un mot une terre de désolation, s’adressent à un peuple d’Israël oublieux de la présence de  Dieu et se confiant dans ses seules forces , pris d’orgueil, à la recherche de toujours plus de pouvoir, de puissance, de possessions matérielles, se croyant seul maître du monde.

Au contraire, dans une  deuxième temps, Jérémie a des paroles de relèvement et d’espérance. Vous serez pareils à un arbre planté prés de l’eau dont les racines s’étendent à proximité du ruisseau. Il n’a rien à redouter quand vient la chaleur et son feuillage reste vert. Il ne cesse de porter des fruits. Paysage de vie et d’espérance, au contraire du genévrier rabougri : un arbre au feuillage vert, nous dit-on, produisant du fruit, porteur de vie. Ces paroles d’espérance, en forme de promesses que prononce Jérémie, décrivent une végétation verdoyante, foisonnante, fructueuse,sur un sol riche, imprégné d’eau ; une terre de de la biodiversité . Elles s’adressent à un peuple d’Israël, vivant de la présence de  Dieu, se confiant en LUI, conscient de sa fragilité et de la fragilité de la création  environnante, à la recherche d’harmonie, de justice et de paix entre les êtres humains, conscient de la dépendance qui le lie au monde vivant.

Comme souvent avec les prophètes, leur message se  doit d’être bousculant, fort, se doit de faire choc, pour qu’il y ait prise de conscience, réaction, voire conversion et changement. Les situations sont présentées de manière claire,, simple , binaire. Deux chemins, deux arbres différents, deux manières d’être face à Dieu, face aux autres, face à la création, face à soi-même. D’un côté, la mort et la désolation ; de l’autre, la vie, l’espérance , la conversion, c’est à dire un changement de regard et d’attitude.

Aujourd’hui, la situation est peut être plus complexe, moins tranchée. Nous ne sommes pas sur une terre devenue en totalité ,désert et steppe. Et pourtant, dans bien des lieux, la surconsommation, la sur exploitation,la surpopulation font des ravages et laissent des terres et des eaux de désolation.

Jérémie osait le faire. IL interrogeait ses contemporains, sur ce que les habitait au plus profond d’eux mêmes, sur leurs préoccupation ultimes, sur leurs visées ultimes, sur ce qui leur semblait premier, prioritaire.

Leur pouvoir ? leur puissance ? leur « hybris » ? leur force ? ou l’ouverture à Dieu ? Et la conscience du coup d’être créature dans un monde créé inter dépendant, fragile, d’où la nécessaire recherche de justice, de paix, dit, autrement ,d’un équilibre et d’harmonie.

Jérémie après la métaphore des deux arbres, l’un petit et rabougri et l’autre grand et vert , souligne que le cœur humain est trompeur et tortueux. Il cite encore un autre exemple ; celui d’une poule qui a couvé des œufs de canard ! «  Tel est celui qui s’est enrichi en violant les lois, au milieu de sa vie ses biens l’abandonnent » Il a cru que ses œufs de canard lui appartenaient, étaient sa richesse. Mais étant poule, il se retrouve tout bête ! car les œufs de canard deviennent canard et sa prétendue richesse disparaît.

N’avons nous pas à interroger notre société et à nous interroger nous mêmes sur ce qui est considéré comme premier. ? Cette surconsommation ?, cette surexploitation ?, ce matérialisme outrancier ?; cette prétendue richesse  que notre société couve mais qui en fait ne lui appartient  pas tels les œufs de canard.

 Un autre rapport à la création confié par Dieu serait il possible pour un mode de vie plus simple , plus sobre, mois énergivore,plus humain, moins destructeur de la planète , plus à l’échelle humaine, plus respectueux de cette végétation verte que Dieu nous donne pour notre bonheur ?

Que Dieu nous inspire dans cette recherche et ces conversions à vivre.

 Savez vous que nous allons remplacer les arbres devant le Centre 72 ? Ils sont malades.

J’espère que nous allons planter non pas des genévriers mais plutôt des beaux arbres, bien verts !