Le Seigneur est ma force et ma louange. Il est mon libérateur

Veillée de la Semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens (Église St Maurice de Bécon Courbevoie)           le 19-1-18

Exode 15 v 1 à 21    Marc 5 v 21 à 43

 « Le Seigneur est ma force et ma louange. Il est mon libérateur »Voilà le verset biblique tiré du livre de l’Exode que les Églises des Caraïbes proposent à notre méditation en cette semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens, 2018. Un verset qui connaît d’autres traductions . La TOB par exemple, Traduction œcuménique de la Bible , en cette soirée œcuménique « Ma force et mon chant, c’est le Seigneur. Il a été pour moi le salut » ou Segond, version protestante classique »L’Éternel est ma force et le sujet de mes louanges. C’est lui qui m’a sauvé »

Un passage biblique qui en fait est le début d’un chant appelé Cantique de Moïse et qui , peut-on penser, a été un chant liturgique repris tout au long de l’histoire du peuple d’Israël . Vous l’aurez remarqué ; dans le livre de l’Exode, il est très étroitement associé à un événement précis de l’histoire du peuple Hébreu, associé à un événement fondateur de l’identité et de la réalité du peuple de l’alliance ; celui de la traversée de la mer des Joncs, appelée aussi Mer Rouge.

Le chant de Moïse ne rappelle pas simplement le passage à sec d’une mer qui en tant que tel n’aurait rien de significatif . Avec forces détails souvent violents, voire choquants pour un lecteur du 21 ième siècle, le chant vient rappeler que cette traversée constitue pour le peuple un véritable passage de la mort à la vie, de l’esclavage à la liberté, de la désespérance au salut.

Ils laissent derrière eux le pays de l’esclavage, l’Égypte où le Pharaon les traitait durement, où ils étaient pieds et poings liés au pouvoir Égyptien, soumis à de rudes conditions de travail.

Ils laissent derrière eux la mort et toutes les puissances mortifères qui voulaient les écraser, les annihiler. Ils n’auront plus à craindre, ni à subir les assauts de l’armée du Pharaon partie à leur trousse. La violence de ce récit renvoie à la violence de leur condition d’esclave, à cette violence de la mort qui régnait sur eux et qui les pourchassait et face à laquelle les forces de la vie de Dieu ont triomphé ; elle renvoie à la force aussi de libération dont ils ont bénéficiaires.

Événement fondateur, événement du passé, événement de libération où le peuple tout entier, Moïse en tête fait l »expérience d’un Dieu libérateur, d’un Dieu Sauveur.« Le Seigneur est ma force et ma louange. Il est mon libérateur » exaltation et chant de tout un peuple dont il nous manque seulement les notes de musique et la mélodie, par lesquels il dit , il clame sa joie et sa reconnaissance envers son Dieu.

Ce passage de la Mer Rouge est identifié à la libération que le Seigneur leur donne de vivre. Désormais ils pourront vivre libérés, libérés de l’esclavage pour être guidés, conduits par la Parole de Dieu et apprendre la liberté.

Un événement de salut, un événement du passé sans cesse repris et rappelé tout au long de l’histoire du peuple d’Israël ; « Je suis l’Éternel ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude » Parole introductive du décalogue, des dix commandements.

Événement du passé sans cesse réactualisé à travers le repas de la Pâque juive: le Dieu libérateur l’a été par le passé mais il l’est encore aujourd’hui et le sera demain. D’où ce chant de Moïse réinterprété qui évoque déjà l’arrivée en terre promise, assurément repris aussi au moment du retour de l’exil. Dans la piété juive, dans le livre des Psaumes, ce passage de la Mer rouge devient l’image même de la libération et du salut.

On peut comprendre que pour les chrétiens des Caraïbes , ce récit fasse écho directement à leur situation, eux qui ont dû endurer pendant de nombreux siècles les affres du colonialisme et de l’esclavage. Des systèmes violents, fondés sur le commerce des êtres humains et les travaux forcés, bafouant la dignité de l’être humain créé à l’image de Dieu. Des êtres humains considérés comme de simples marchandises. On peut comprendre  qu’ils se soient identifiés à ce peuple d’esclaves, libérés alors par la Parole de Dieu, libérés alors par l’Évangile ; ce qui leur permettait de relever la tête en recevant une dignité nouvelle d’enfants de Dieu.

Dans la tradition chrétienne, le passage de la Mer rouge qui fait passer de l’esclavage à la liberté, sera l’image même du baptême qui fait aussi passer par les eaux. L’apôtre Paul déjà dans son Épître aux Corinthiens reprend à son compte cette figure, cette image lorsqu’il s’adresse à eux en leur disant : « Frères , je en veux pas que vous ignoriez que nos pères ont tous été sous la nuée et qu’ils ont tous passé au travers de la mer, qu’ils ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer »

Durant la vigile pascale , dans la nuit de Pâques telle qu’elle peut être célébrée dans l’Église Catholique pour préparer aux baptêmes les catéchumènes , ce récit de la libération d’Israël par le passage de la Mer Rouge est lu. De même dans certaines traditions orthodoxes, au moment du Carême, dans la perspective de ce grand passage qu’est la résurrection du Christ , passage de la mort  à la vie, le cantique de Moïse est chanté ou psalmodié en son entier.

Dans le cadre de notre célébration œcuménique, ayant mentionné la tradition catholique, puis la tradition orthodoxe, il me reste à mentionner la tradition protestante !! ; celle-ci, vous vous en doutez est moins instituée , moins balisée. Mais ce récit de l’Exode marqué par la période de l’esclavage puis par la traversée des eaux de la Mer Rouge, suivie d’un parcours dans le désert qui est le lieu de l’apprentissage de la liberté à l’écoute de la Parole de Dieu et en particulier de ses commandements ; oui ce récit est souvent repris comme l’illustration même de la vie chrétienne, de la vie du chrétien. Dans certains courants du protestantisme , c’est la figure même de la conversion qui fait passer d’une vie ancienne à une vie nouvelle.

Et c’est bien aussi ce que vit la fille de Jaïrus, laissée pour morte au plus grand désespoir de son père et de son entourage . L’intervention de Jésus , sa présence, sa parole, son amour vont la ramener à la vie. Jeune fille , réveille-toi, lève-toi. Elle vit dans son corps et dans son cœur l’expérience d’un Dieu libérateur, d’un Dieu sauveur. Elle même aurait pu reprendre à son compte le chant de Moïse , mieux ! chanter et danser comme nous le dit le livre de l’Exode, avec Myriam, sœur d’Aaron et avec toutes les femmes au son du tambourin. « Le Seigneur est ma force et ma louange. Il est mon libérateur »

 

Et nous faisons nous ou avons nous fait l’expérience de ce Dieu libérateur, de ce Dieu sauveur ?

Il vient en Jésus-Christ nous libérer du péché, c’est à dire de tout ce qui nous éloigne de Dieu et des autres.

Par son amour et par son pardon, il vient nous délier de tout ce qui nous emprisonne, de tout ce qui nous retient et dont nous sommes esclaves et qui nous empêche d’aimer et de le suivre sur les chemins du Royaume. Les eaux du baptême, de la Mer Rouge en quelque sorte par lesquelles nous sommes passés, nous assurent de ce travail intérieur que le St Esprit, l’Esprit de Dieu fait en nous et auquel dans la foi il nous faut nous rendre disponible. Il met à mort à la croix toutes ces puissances mortifères qui nous font esclaves de l’égoïsme, du pouvoir de l’argent, de la volonté de dominer sur l’autre.

Dans son amour et sa grâce, il nous fait passer de la mort à la vie . Libération personnelle, intérieure, spirituelle promise en Jésus-Christ que toutes les Églises chrétiennes sont appelés à prêcher, en annonçant l’Évangile . Une bonne nouvelle qui dit la profonde dignité de chaque être humain, appelé à la liberté, à la liberté d’aimer. Une bonne nouvelle à faire entendre à nos contemporains en soif de spiritualité.

Libération intérieure mais aussi libération à dimension plus collective et sociale.

Ne sommes-nous pas encore en Égypte ? , dans ce lieu symbole où l’être humain est regardé trop souvent comme un pion, comme de la marchandise, esclave d’une société de consommation et du matérialisme, dans laquelle il est identifié à son compte en banque et à sa valeur marchande , sans parler même du risque prochain de marchandisation du corps humain.

Nous sommes encore dans une société d’esclaves, d’esclavage, en incapacité de vivre en frères et sœurs les uns avec les autres, dans la justice et la paix.

Nous Églises, nous chrétiens , nous sommes appelés à participer à des actions de libération qui rendent la dignité d’enfants de Dieu aux prochains que nous côtoyons.

A l’appel de Dieu, dans cette promesse de libération qu’il a déployée l’égard du peuple d’Israël et en Jésus-Christ, soyons par son souffle des artisans de libération, des acteurs de fraternité, des chercheurs de justice et de paix.

Martin Luther King, pasteur baptiste noir décédé il y a 50 ans qui a œuvré pour les droits civiques des Noirs américains déclarait : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots ».

Un appel à vivre l’expérience du Dieu libérateur de manière personnelle et collective.

Amen

Pasteur Denis Heller