Le Royaume n’est pas une haute montagne …

LECTURES BIBLIQUES :  Romains 8 / 31 – 39 ; Marc 9 / 2 – 10

« Le Royaume n’est pas une haute montagne qu’il te faudrait escalader ».

PRÉDICATION :

Lorsque l’on fait un voyage de pèlerinage en Israël – à la recherche des lieux que Jésus aurait traversé avec ses disciples – on est inévitablement invité de monter aussi sur le mont Tabor en Galilée où, selon la légende, Jésus serait monté avec ses disciples Pierre, Jaques et Jean. …

Or, là haut, il n’y a, évidemment, rien à voir qui pourrait nous prouver la présence, il y a presque deux mille ans, de Jésus, et encore moins que rien à voir de traces de sa mystérieuse « transfiguration » devant les yeux de ses disciples. … Quelle chance ils ont eu, ceux-là, d’avoir pu connaître, en vrai, en réalité, celui en qui nous ne pouvons que « croire ».

Est-ce vrai ? Était-ce plus facile pour eux de croire ? Eux,  qui ont connu et rencontré Jésus de son vivant….

En guise de réponse, j’aimerais vous présenter un livre – d’un écrivain allemand, Andreas Eschbach (encore un « Andreas »!) qui a été traduit en français sous le titre de « La Vidéo Jésus » :

C’est l’histoire d’un jeune Américain qui participe à des fouilles archéologiques en Israël, financés par un riche homme d’affaires.

Au cours de ces fouilles, il découvre, dans un tombeau vieille de 2000 ans à côté d’un squelette, un petit sac en lin du même age. Dans le petit sac se trouve la description et le mode d’emploi … d’un caméscope qui ne devrait arriver sur le marché que dans trois ans (nous sommes en 1998!)

Il n’y aurait alors qu’une seule explication – certes hallucinante – mais qui, de plus en plus, semble s’imposer :

Quelqu’un a dû essayer de filmer Jésus ; le cadavre dans la tombe a dû être un homme du futur qui aurait voyagé dans le passé – et quelque part, en Israël, son Caméscope attend dans une cachette sûr, d’être découvert – avec ses enregistrements. Commence alors une chasse effrénée pour trouver le caméscope dont les enregistrements devraient « prouver », une fois pour toutes, la Résurrection du Christ – ou bien la contredire ? …

Le Vatican qui craint qu’une découverte du « vraie Jésus » sur une cassette Vidéo puisse contredire la doctrine catholique cherche, à tout prix, de se saisir de cette vidéo – pour la détruire ; le jeune archéologue, américain et athée, cherche passionnément la vidéo pour la regarder – et lorsqu’il y arrive enfin et qu’il y voit apparaître un personnage dont il pense qu’il s’agit vraiment de Jésus, il s’opère en lui un profond changement de regard :

« Cet homme était habité par un tel amour qu’il débordait et transformait tout ce qui était proche de lui ; un amour qui n’avait pas besoin d’objet ; un amour de la vie, du ciel et de la terre, sans conditions, généreux, brûlant comme un feu qui rassasiait la faim dans son âme qu’il avait souffert toute sa vie, sans s’en rendre compte. … ».

Il vit, alors, une véritable conversion – tellement ce qu’il voit dans cette vidéo le bouleverse et le convainc de la vérité des paroles et des gestes de cet « homme de Nazareth ». …

Hélas, dirions-nous, il ne s’agit d’une histoire inventé, d’un roman science-fiction ;

Hélas, il n’y a pas de « vidéo sur le vrai Jésus » qui pourrait donner une fois pour toutes, toutes les preuves irréfutables de la vérité de notre foi. …

Hélas, dans le roman, un deuxième personnage voit encore la même vidéo sur Jésus – et s’en va après profondément déçu : pour lui, tout cela est ridicule et la production d’une secte – …

L’intrigue policière du roman va, bien sûr, empêcher la visualisation de cette vidéo au grand jour et en public, et, à la fin, elle sera détruite. Elle n’aura été vu que par deux personne, l’une est devenu croyante et l’autre pas. …

Mais, revenons à notre « roman » avec Pierre, Jaques et Jean, en compagnie de Jésus :

S’ils avaient pu amener en vrai un caméscope sur la haute montagne pour filmer la transfiguration de Jésus, la vidéo n’aurait rien pu faire voir d’autre que quatre hommes qui se promènent simplement dans la montagne !

Ce que Marc veut nous transmettre avec son récit de la transfiguration est tout autre chose qu’une preuve historique de la divinité de Jésus.

Ce que Pierre, Jaques et Jean ont « vu » sur cette montagne nul autre qu’eux seul aurait pu le voir – à l’exception peut-être des neuf autres disciples, … s’ils étaient croyants comme eux, car, parmi eux aussi, « quelques-uns eurent des doutes », comme le précisent les récits de rencontre avec le Ressuscité (cf. Matth.28,17) ! …

Ce qu’ont, donc, « vu » Pierre, Jacques et Jean ce jour-là sur la montagne, seul le regard du « croyant » a pu le voir !

Il ne s’agit donc pas ici d’un récit qui voudrait prouver l’identité divine de Jésus – mais qui en donne la certitude à ceux qui y croient déjà.

Ce que Pierre, Jaques et Jean « voient » – en tant que représentants de tous les disciples du Christ, jadis comme aujourd’hui – ici à l’écart, sur une haute montagne, ce n’est rien d’autre qu’une vision, invisible aux yeux des humains et au plus performant des caméscopes.

La vision s’apparente au rêve, au songe – et que d’autres qualifieront peut-être de mensonge ou, pour le moins, d’hallucination issu de l’imaginaire, du désir de « croire » en quelque chose. …

Vision, hallucination dans laquelle Pierre se trouve tellement « bien » qu’il désir planter des tentes pour y rester : sur cette « haute montagne », à l’écart des foules et des souffrances du monde… .

 

Cependant, Marc ne parle, dans son récit, pas seulement de cette vision de transfiguration mystérieuse de Jésus.

Son récit ne s’arrête pas dans la contemplation de cette vision par les trois disciples, où, par ailleurs la jouissance de Pierre est mêlée à une certaine « crainte » devant l’apparition du divin. Mais le récit ne s’arrête pas là :

Aussitôt après son apparition, la vision s’efface pour faire place à une « nuée » du milieu de laquelle une voix retentit.

La nuée avait jadis déjà enveloppé Moïse lorsqu’il est monté, lui aussi, sur une montagne pour y rencontrer Dieu. Cependant, il ne peut pas le voir, car « tout homme qui voit Dieu doit mourir ». D’où la crainte évoqué plus haut… D’où l’importance de la nuée : elle est, en effet, signe de la présence réelle de Dieu.

En enveloppant les disciples elle les assure de la présence de Dieu et, en même temps, elle les protége d’une vision trop directe et aveuglante de sa lumière qui risquerait même de les brûler – comme la contemplation directe du soleil risque de brûler nos yeux. …

… Mais c’est comme jadis sur le mont Sinaï : l’essentiel dans cette apparition de Dieu n’est pas dans sa vision – mais dans Sa voix qui se fait entendre du milieu de la nuée.

Cette voix de Dieu qui, au Sinaï déjà, annonçait – sous forme de « Dix Paroles » – Sa volonté, le fait ici de nouveau – en répétant la parole qui s’est fait entendre déjà lors du baptême de Jésus :

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé » – et en rajoutant : « Écoutez-le ! »

Pourquoi ce rajout ?

En plus, Jésus, jusqu’alors dans ce récit n’a encore rien dit. Et lorsqu’il parle – en descendant de la montagne – c’est pour dire qu’il ne faut rien dire !

Rien dire – « jusqu’à ce que le Fils de l’homme ressuscite d’entre les morts » (v9). …

C’est ici, dans cet ordre de garder le silence, que la vision de la transfiguration glorieuse et mystérieuse de Jésus – qui le présente comme vrai « Fils de Dieu » – trouve une correction, une mise en perspective indispensable pour comprendre de quelle manière Jésus est Messie, Christ, Fils de Dieu :

D’abord et surtout Il l’est en étant lui-même pleinement « Fils de l’homme », humain avec les humains qui partage entièrement leurs existences jusqu’aux souffrances les plus terribles, jusqu’à cette mort violente à une potence d’exécution à laquelle il se trouvera cloué, abandonné par tous.

« Incompris, abandonné, insulté, meurtri, il assume jusqu’au bout notre propre solitude, toutes nos solitudes. Dans la vie et la mort de Jésus, Dieu est, pour toujours, venu les partager », dit Michel Bertrand à propos d’une de ses prédications de Carême 1997.

Nous ne pouvons pas confesser le Christ, adresser en son nom nos prières à Dieu, au culte et dans nos vies, sans nous soucier du frère, de la sœur qui souffre près de nous. Que ce soit dans notre pays, où dans d’autre pays, comme actuellement en Syrie …

« Car », comme le dit encore le pasteur Bertrand, « une piété, une prière, un culte qui éloigneraient des réalités de ce monde, célébreraient un autre Dieu que celui de Jésus-Christ qui s’est lié pour toujours à nos bonheurs et à nos malheurs. » (pp. 22 et 29 dans : « Devant Dieu ». Les Bergers et les Mages, Lyon 2002).

Pasteur Andréas Seyboldt