Le message des Mages

Eglise Protestante Unie d’Asnières, Bois-Colombes, Colombes, Argenteuil

9 janvier 2022 – Pasteur Andreas Seyboldt

Lecture biblique : Matthieu 2, 1 à 12

Jésus était né à Bethlehem en Judée, sous le règne du roi Hérode. Or, des mages venant de l’Orient arrivèrent à Jérusalem. Ils demandaient : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile, et nous sommes venus lui rendre hommage.

Quand le roi Hérode apprit la nouvelle, il en fut profondément troublé, et tout Jérusalem avec lui. Il convoqua tous les chefs des prêtres et les spécialistes de la Loi que comptait son peuple et il leur demanda où devait naître le Messie.

– A Bethlehem en Judée, lui répondirent-ils, car voici ce que le prophète a écrit :

Et toi, Bethlehem, village de Juda, tu n’es certes pas le plus insignifiant des chefs-lieux de Juda, car c’est de toi que sortira le chef qui, comme un berger, conduira Israël mon peuple..

Là-dessus, Hérode fit appeler secrètement les mages et se fit préciser à quel moment l’étoile leur était apparue. Puis il les envoya à Bethlehem en disant : Allez là-bas et renseignez-vous avec précision sur cet enfant ; puis, quand vous l’aurez trouvé, venez me le faire savoir, pour que j’aille, moi aussi, lui rendre hommage.

Quand le roi leur eut donné ces instructions, les mages se mirent en route. Et voici : l’étoile qu’ils avaient vue se lever les précédait. Elle parvint au-dessus de l’endroit où se trouvait le petit enfant. Et là, elle s’arrêta. 10 En revoyant l’étoile, les mages furent remplis de joie. 11 Ils entrèrent dans la maison, virent l’enfant avec Marie, sa mère et, tombant à genoux, ils lui rendirent hommage. Puis ils ouvrirent leurs coffrets et lui offrirent en cadeau de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

12 Cependant, Dieu les avertit par un rêve de ne pas retourner auprès d’Hérode. Ils regagnèrent donc leur pays par un autre chemin.

Prédication :

En début d’année, il y a une double tradition, c’est de souhaiter aux autres beaucoup de bonnes choses (les vœux) et de prendre pour soi-même de bonnes résolutions.

Les vœux ont quelque chose à voir avec la bénédiction qu’on annonce en fin de culte, chaque dimanche. Il est important de se dire les uns aux autres le bien et le bon que Dieu veut pour chacun.

Les bonnes résolutions, c’est autre chose. Bien souvent, ce sont des vœux pieux, certes bien sympathiques, mais sans programme leur mise en œuvre est repoussée aux calendes grecques, c’est-à-dire jamais mis en œuvre.

Certains pourtant, vont mettre leur résolution en œuvre.

Voyez les mages de notre récit. Ils ont un plan d’action.

Ces curieux personnages ouvrent l’Évangile au monde entier.

Dans les contes qu’ils ont inspirés, ils vont partout, se perdent dans les contrées les plus lointaines, et même le cinéma les a égarés au XX° siècle, avec un certain talent[1].

Ils connaissent par cœur les étoiles, et pour cause, les étoiles, c’est leur job. Ne me demandez pas comment ils ont pu lire dans les étoiles « le roi des juifs vient de naître », mais bon, eux ils savent.

Guidés par l’étoile jusqu’à la terre du peuple de Dieu, ils vont trouver le lieu exact de la naissance du Sauveur d’Israël grâce aux indications données par les Écritures. …

ET, à la fin, c’est devant la faiblesse et la fragilité d’un enfant qu’on les retrouve agenouillés.

Mais au fait : ces personnages étranges – et étrangers – ne sont pas vraiment à leur place dans un récit annonçant la venue du Messie du peuple élu.

Car, le peuple d’Israël est, depuis toujours, hostile aux astrologues, alors que Dieu lui-même a fixé au ciel les astres pour en faire des lampadaires et pas autre chose, point barre !

Et pourtant, ces païens étrangers qui ignorent tout des saintes Écritures, qui ne connaissent pas le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, deviennent dans le récit de Matthieu, un modèle pour les croyants. J’y reviendrai…

Mais au fait, quel était exactement leur vœu dans cette histoire ?

Pourquoi la naissance de ce roi les a-t-elle mobilisés ?

Pourquoi sont-ils venus du Levant ?

Nous ne savons rien de leur désir.

N’avaient-ils pas leur propre roi, là où ils vivaient ?

Ou alors, peut-être que ces mages sont les représentants de l’humanité qui cherche, celle qui ne se contente pas de ce qu’elle connaît, celle qui voudrait du changement, du neuf dans un vieux monde assez mal en point ?

Car c’est bien l’humanité tout entière qui est invitée à formuler ses vœux au prisme de ce roi dépouillé et sans force, et à prendre son bâton de pèlerin, fixer un plan d’action, bref, se mettre en route pour chercher et trouver celui qui donne la plus grande joie.

Mais, c’est là où le plan d’action du roi Hérode intervient.

Évidemment, le monde serait depuis longtemps celui rêvé par le prophète Ésaïe, s’il n’était pas rempli d’Hérode…

Son vœu le plus cher, à Hérode, c’est de rester roi et de ne pas se laisser prendre sa place. Il n’aime rien plus que son pouvoir et tout ce qui pourrait l’amoindrir est dangereux. Il met en œuvre son propre plan :

Premièrement, il cherche au bon endroit, c’est-à-dire qu’il fait travailler ceux qui savent, les grands prêtres et les scribes.

Ils connaissent les Écritures et savent bien ce qui a été annoncé par les prophètes. Le Messie doit naître à Bethléem. Hérode poursuit son plan.

Deuxièmement, pour continuer à régner : diviser. Hérode parle en secret aux mages, sans que les scribes soient au courant.

Troisièmement, Il donne des ordres : allez et revenez. Il a l’habitude d’être obéi. Il n’imagine pas que la désobéissance puisse venir gripper son plan. Vous connaissez la suite du récit et le résultat de la colère terrible d’Hérode quand il comprend que les mages l’ont doublé.

Mais restons ce matin dans les limites de notre texte.

Hérode nous apprend quelque chose. Oui, même lui nous apprend !

Son comportement nous apprend que quand on veut quelque chose, il faut le faire par soi-même.

Quand on a un désir profond, on ne peut pas le vivre par procuration, on ne peut pas vouloir s’emparer du fruit de la recherche des autres :

Il ne sert pas à grand-chose d’avoir la réponse des autres – même quand il s’agit de la bonne réponse.

À quoi cela sert-il à Hérode qu’on lui dise que le Messie doit naître à Bethléem, quand cette bonne réponse n’entraîne pas, chez lui, une mise en route.

Il ne se met pas en mouvement.

Il fait encore travailler les autres.

Et il est trahi, à notre grand soulagement.

La quête personnelle des mages les conduit à la joie, les consultations d’Hérode le conduisent à la colère et à la violence. Pourtant, tous ont découvert la même chose :

Le Messie né à Bethléem !

L’envoyé de Dieu qui annonce son Règne de Paix, de Justice et d’Amour pour tous les hommes.

Cependant, ce Règne n’est pas celui des puissants de ce monde : les Césars, les chefs de guerre, les dictateurs, les tyrans qui assassinent leur peuple, les fanatiques, qu’ils soient religieux ou politiques.

Ce Règne vient dans le monde, mais Il n’est pas du monde, comme dira Jésus à Pilate lors de son procès.

Ce Règne devient « chair », s’enracine dans la vie des hommes, mais IL ne s’impose pas, ni par la contrainte, ni par la violence, ni par la peur.

Car c’est le Règne de la non-violence… comme Jésus l’annonce à ses disciples et à la foule quelques chapitres plus loin de ce même évangile de Matthieu :

« Heureux les doux : ils auront la terre en partage. … Heureux ceux qui font œuvre de paix, ils seront appelés fils de Dieu » (Matth5/4-9).

Le message qu’IL nous demande d’annoncer n’est pas une quelconque doctrine religieuse, mais l’Évangile, la Bonne Nouvelle d’un Amour inconditionnelle et radical qui n’exclut personne, même pas nos ennemis, ceux qui nous menacent, qui nous persécutent, qui nous font peur, qui nous méprisent…

De tout cela, Hérode était bien loin. De tout cela les intégristes et fanatiques, hélas, présents dans toutes les religions, dans tous les peuples, tous les pays, toutes les époques de l’histoire humaine, sont bien loin ! Et le récit de Noël ne le tait pas. Les victimes de la folie meurtrière des fanatiques et des tyrans sont bien réelles.

Mais, en même temps, secrètement, mais efficacement, le plan de Dieu se met en œuvre. Son Messie, son Évangile reste vivant à l’œuvre dans l’histoire humaine comme dans notre histoire à chacun ! …

Les Mages nous apprennent que depuis la venue de Jésus, Dieu se laisse trouver.

Chacun peut se mettre en route pour aller à la rencontre de Dieu, il est venu lui-même habiter chez nous !

Et la rencontre provoque immanquablement une grande joie. Pourtant, les signes de la présence de Dieu ne sont pas contraignants.

Libre à chacun de suivre l’étoile, libre à chacun de lire les textes ou d’interroger un ami…

Libre à chacun de se mettre en marche.

Libre à chacun de reconnaître dans un enfant démuni la présence du Dieu d’amour et de vérité.

Libre à chacun de résister aux sirènes du pouvoir.

Libre à chacun d’entendre dans le murmure du sommeil les conseils du Très-Haut. …

Mais si votre vœu pour cette année est d’accueillir dans votre vie la joie immense de sa présence, alors il n’y a pas à hésiter.

Et si ce vœu devient résolution, alors il faut mettre en œuvre un plan d’action sérieux, remonter ses manches, prendre son bâton de marche, bref chacun doit se mettre en marche avec son propre GPS, et la promesse qu’au bout de la quête, Dieu se laisse trouver.

Je vous souhaite à tous une année de quête dans la joie !

Amen !


[1]« Les Rois Mages » des Inconnus, sorti au cinéma en 2001.