Le Christ et la croix (dimanche 11 janvier 2015)

Texte biblique : Luc 9,20-22

Après le drame de mercredi, le thème de la prédication paraît bien décalé : « pourquoi Jésus devait-il mourir sur la croix ? ». Pourtant, la réponse à cette question n’est pas sans résonance avec notre actualité immédiate.

Soyons honnêtes : le « scandale de la croix » ne se laisse pas facilement apprivoiser.

Nous pourrions aisément expliquer pourquoi Jésus a été condamné à mort.

Nous pourrions décrire les intérêts qu’il menaçait, les puissances religieuses et politiques qui se méfiaient de lui, la déception du peuple qui attendait un roi libérateur.

Nous pourrions peindre un homme convaincu et idéaliste, prêt à mourir au nom de sa foi et de ses idéaux, tels un Martin Luther King, un résistant de la France libre.

Nous pourrions donc répondre aisément à la question suivante : « Pourquoi Jésus est-il mort ? »

Mais en quoi serait-ce une bonne nouvelle pour nous ?

De plus, nous passerions à côté du « scandale de la croix », qu’un verbe résume : « devoir »

Car la vraie question n’est pas « pourquoi Jésus est mort sur la croix ? » mais « pourquoi devait-il y mourir ? » 

Cette question est d’autant plus cruciale que Jésus, lui-même, l’affirme : « Il faut que le fils de l’homme souffre beaucoup et soit mis à mort ».

Alors, pourquoi la croix ?

Je ne prétends évidemment pas donner une réponse définitive à cette question.

Par contre, je crois que la mort de Jésus sur la croix nous apporte cinq bienfaits.

Premier bienfait : en mourant sur la croix, Jésus dévoile qui il est.

Il n’est pas un roi glorieux qui fera respecter la volonté de Dieu, de gré ou de force.

Il n’invite ni aux croisades ni au jihad.

Il n’est pas davantage venu pour ouvrir les portes d’un monde céleste, seulement accessible aux morts ou aux initiés.

Il nous révèle une autre réalité de vie.

Par la croix, il révèle son amour pour tous les humains, y compris pour ceux qui le persécutent.

Il révèle que le pardon est l’arme la plus puissante donnée par Dieu au croyant.

Il révèle que la vie nouvelle naîtra d’une conversion, d’un retournement, d’un changement de logique de foi et de vie, fondée désormais sur la réconciliation, le pardon, la foi.

Ce changement n’est pas exilé au ciel ; il peut se vivre dès maintenant.

Il n’est pas réservé à une élite ; il t’est proposé.

Et dans une France marquée au fer rouge par un islamiste meurtrier, une France traversée par de forces tensions et qui entend résister aux désirs de vengeance, cette force intérieure nous est plus indispensable que jamais. Pour tendre la main sans renoncer à ce qui nous constitue. Pour combattre le fanatisme sans y céder nous-mêmes.

Deuxième piste : sur la croix, Christ devient notre compagnon de souffrance.

La résurrection n’est pas un « happy end ».

Sur la croix, Jésus a réellement souffert.

Il a souffert physiquement, pendant de longues heures d’agonie.

Il a souffert moralement, lorsqu’il a compris que son offre d’une alliance nouvelle était rejetée.

Il a souffert spirituellement en se croyant abandonné de Dieu.

Le Symbole des apôtres le résume poétiquement en disant que Jésus « est descendu aux enfers ».

Il n’y a plus de lieu de souffrance qu’il n’ait « visité ».

Désormais, toutes nos souffrances sont accompagnées.

Nous pouvons donc les traverser, en sachant que nous ne sommes pas seuls.

Nous pouvons même devenir disciples du Christ, en accompagnant ceux qui souffrent.

Tous ceux qui souffrent.

Quelles que soient leurs idées, leur couleur de peau, leur nationalité.

Troisième bienfait : nous savons désormais que la victime n’est pas coupable.

Nous pensons spontanément que Dieu punit ceux qui ne respectent pas les bons rites ou se conduisent mal.

Ce postulat est contraire à l’Evangile.

Malheureusement, les humains ont fait pire encore en inversant la proposition.

Ce n’est plus seulement le coupable qui est punit et en souffre, c’est celui qui souffre qui devient coupable.

Dans le livre de Job, ce dernier a perdu sa femme, ses enfants, ses possessions, sa santé.

Pour avoir tant souffert, estiment ses amis, il doit avoir beaucoup péché !

De même, lorsque Jésus rencontre un lépreux, chacun se demande gravement si c’est lui qui a péché ou ses parents.

Ne croyez pas que cette logique soit limitée au monde biblique !

Dans notre France laïcisée, les malades sont soupçonnés de ne pas avoir fait suffisamment attention à eux, les chômeurs d’être des fainéants, les dépressifs de trop s’écouter, les femmes violées de l’avoir cherché et des journalistes d’avoir été trop impertinents.

La victime est soupçonnée d’être coupable.

En mourant sur la croix, Jésus démonte ce raisonnement.

Lui, l’innocent, totalement inspiré par Dieu, vivant l’Evangile sans compromission, souffre et meurt sur la croix.

Sur la croix, la victime est innocente.

Depuis, ceux qui souffrent n’ont pas à porter, en plus, la croix de leur prétendue culpabilité.

Quatrième bienfait : en finir avec la logique du sacrifice

Je suis soumis à cette logique lorsque je crois que l’amour de Dieu se mérite, se paie, par un sacrifice.

Je veux obtenir quelque chose de mon dieu : le pardon de mes fautes, le salut, la santé ou la prospérité. Pour cela, je « paie » en offrant un sacrifice : le sacrifice de mes richesses, de mes envies, de mes désirs, de ma vie.

En échange, dieu me donnera ce que je désire … du moins en principe.

Parce qu’ils refusait d’envisager une autre voie, juifs et non juifs, croyants et incroyants se sont rassemblés pour mettre à mort Jésus. .

En mourant sur la croix, Jésus nous force à constater que cette logique est mortifère et absurde.

Mortifère car elle a conduit à sa mise à mort.

Absurde car Dieu n’agit pas selon une logique du sacrifice mais du pardon.

Il n’avait pas besoin que Jésus meure pour nous aimer.

Il ne désire pas que tu lui offres ta souffrance mais ta foi et ton amour.

Tu es donc libre.

Libre de rendre un culte à ton Dieu parce que tu l’aimes.

Libre de servir ton prochain sans régler par là une dette.

Libre d’aimer tes enfants sans les rendre débiteurs.

Libre de te donner gratuitement

Dernière piste : Jésus meurt … pour ressusciter.

Au matin de Pâques, le tombeau est vide.

Christ est ressuscité.

Parce que Dieu nous aime, il refuse que la mort nous sépare définitivement de lui.

Désormais, nous le savons.

Désormais, nous savons que nous ressusciterons à notre tour.

Désormais, nous savons que rien n’est définitivement mort en nous.

Individuellement, nous pourrons vivre ou revivre l’amour, la confiance, l’espérance, la joie, la paix, le courage d’être.

Collectivement, nous pourrons nous projeter dans un avenir qui ne soit plus dominé par des peurs, des crispations, des rejets, des nostalgies ou des lâchetés.

Alors, centrons, concentrons notre foi sur Jésus-Christ et sur ce que cette mort annonce, permet, promet.

Parce qu’il est mort, nous pouvons vivre.

Amen !