Le bon combat

Église Protestante Unie d’Argenteuil, Asnières, Bois-Colombes, Colombes
Culte du 25 septembre 2022 – Pasteur Denis Heller

Lecture biblique : 1 Timothée 6 V 11 à 16
11 « Pour toi, homme de Dieu, fuis ces choses, et recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la patience, la douceur.
12 Combats le bon combat de la foi, saisis la vie éternelle, à laquelle tu as été appelé, et pour laquelle tu as fait une belle confession en présence d’un grand nombre de témoins.
13 Je te recommande, devant Dieu qui donne la vie à toutes choses, et devant Jésus Christ, qui fit une belle confession devant Ponce Pilate, de garder le commandement,
14 et de vivre sans tache, sans reproche, jusqu’à l’apparition de notre Seigneur Jésus Christ,
15 que manifestera en son temps le bienheureux et seul souverain, le roi des rois, et le Seigneur des seigneurs,
16 qui seul possède l’immortalité, qui habite une lumière inaccessible, que nul homme n’a vu ni ne peut voir, à qui appartiennent l’honneur et la puissance éternelle. Amen »

Prédication
« Combats le bon combat » telle est l’exhortation que Paul adresse à son fidèle compagnon, son fidèle collaborateur, plus jeune que lui du nom de Timothée. Une exhortation donnée par Paul à Timothée à l’image des 2 lettres, des 2 Épîtres qu’il lui adresse et qui contiennent tout un ensemble de recommandations et de conseils sur la conduite à avoir envers les communautés chrétiennes.

Des conseils pastoraux sur la manière d’accompagner ces premières communautés chrétiennes et d’exercer le ministère.
« Combats le bon combat », une recommandation qui peut nous surprendre car elle laisse entendre que la vie chrétienne est un combat à tenir, une lutte à mener, un va-t-en-guerre à prôner.

Nous étions habitués à ce type de propos dans les récits du 1er testament : violences, guerres, massacres sont souvent relatés au fil des pages, tout au long de l’histoire d’Israël, de sa conquête de la terre promise, de sa défense de cette terre face aux pays environnants ennemis.
Oui le mot est lâché ! celui d’ennemi. Puissances, royaumes, armées, ennemis bien réels face auxquels le peuple d’Israël doit se défendre et à s’armer. D’où cette violence dans la Bible, cette violence de la Bible qui ne fait que refléter la violence de l’histoire humaine de toujours. Cette violence de la guerre que vient nous rappeler avec force le conflit en Ukraine avec ses horreurs et ses atrocités.

Nous pouvions penser que dans le nouveau Testament après et avec la venue de Jésus et son message de paix et d’amour, d’amour même des ennemis !!  il n’était plus question  de combats et de luttes. Et pourtant l’apôtre Paul va reprendre fréquemment cette image du combat, de la lutte pour évoquer la vie chrétienne que ce soit celle d’un responsable de communauté comme Timothée où celle de tout membre d’Église. Dans sa lettre aux Éphésiens, voilà comment il s’adresse à eux ; » Saisissez donc l’armure de Dieu afin qu’au jour mauvais vous puissiez résister et demeurer debout, ayant tout mis en œuvre. Debout donc. « Et de citer alors la parfaite panoplie et armure du chrétien : la cuirasse, les chaussures aux pieds, le bouclier, le casque et le glaive. Déjà dans cette même lettre à Timothée par deux fois, il utilise cette même image : « Voilà l’instruction que je te confie Timothée mon enfant, conformément aux prophéties prononcées jadis sur toi afin que fortifié par elle, tu combattes le bon combat avec foi et bonne conscience » Et ailleurs il dira s’adressant aux chrétiens : «  Nous travaillons en effet , nous combattons parce que nous mettons notre espérance dans le Dieu vivant »

Quel est donc ce combat à mener qui serait au cœur de la vie chrétienne ? Est-ce un passage qui justifierait le temps des Croisades et toutes les atrocités commises durant l’histoire de l’Église au nom de Dieu ? Serions-nous invités à partir en guerre comme les djihadistes au nom de notre foi en faisant usage de la violence ? Quelle est la nature de ce combat ? Quelles sont les armes à prendre ? Quels sont les ennemis à combattre ? Quelle force est en mouvement, en action ?

Est-ce cette forme d’agressivité de plus en plus fréquente dans nos démocraties modernes pourtant invitées au débat qui consisterait à piétiner, à écraser celui qui a des opinions différentes de la mienne. Oui la liberté d’opinions, d’avis et de pensées existe mais on tolère, on accepte de moins en moins celui qui pense différemment de soi. Et cela dans les débats politiques télévisés, comme dans la société en général, comme dans l’Église aussi.

Le débat d’idées tourne vite aux conflits et aux oppositions de personnes. Est-ce à ce type de combat auquel Paul invite Timothée ? Assurément non. Il est tout à fait remarquable de constater qu’à aucun moment Paul ne cite comme ennemis auxquels il faudrait s’opposer et qu’il faudrait abattre, des personnes en tant que telles. Il distingue, distinction oh combien importante et précieuse !!! les idées, les valeurs véhiculées et les personnes qui les prônent. En l’occurrence ici, les ennemis désignés dans le combat à mener, Paul les cite dans les versets précédents. Il s’agit, dit-il de l’orgueil qui aveugle et incite à la controverse incessante et aux altercations. Il cite aussi l’amour de l’argent qui, dit-il, est à la racine de tous les maux. Il mentionne aussi les fausses doctrines et idéologies qui emprisonnent l’être humain.

Voilà les ennemis désignés dans ce combat à mener : jamais les personnes en tant que telles. Cela est conforme à l’exhortation déjà adressés aux Éphésiens lorsqu’il évoque l’armure de Dieu à revêtir.

Autres mots, autres expressions mais pour dire la même chose.
« Ce n’est pas à l’homme que nous sommes affrontés mais aux autorités avec un grand A, aux pouvoirs avec un grand P, aux dominations de ce monde des ténèbres, aux esprits du mal qui sont dans les cieux » Fin de citation.
Un combat contre le mal, contre les tentations et ses pièges, contre les puissances et idolâtries du monde qui sont mortifères et destructrices. Un combat qui ne s’en prend jamais à l’être humain en tant que tel, jamais à l’autre qui est en face de moi et qui les porte. Un combat toujours dans le respect de l’autre, dans la considération de ce qu’il est, de sa dignité en tant qu’enfant de Dieu.

Il y aurait matière à commenter et à discuter lorsqu’ on entend la manière de nos députés de s’exprimer entre eux dans l’enceinte de l’Assemblée Nationale, lorsqu’on assiste à des débats télévisés houleux entre politiciens ou entre débatteurs en tout genre. On s’injurie ! On s’invective. Oui matière à réfléchir, lorsqu’on entend la manière de parler de l’équipe adverse dans le milieu sportif ; un combat où il faudrait la tuer, l’écraser, la piétiner pour être victorieux.
Ce combat à mener, s’il vise comme ennemis le mal, ses tentations, ses dérives, les puissances d’esclavage et d’injustice, a des armes bien particulières. Paul les cite et les rappelle à Timothée : « Recherche la justice, la piété, la foi, l’amour, la persévérance, la douceur » lui dit-il.
En effet le bon combat à mener, c’est le combat de la foi. Il nécessite forces, efforts, volonté, ce que Paul appelle la persévérance. Mais en même temps qu’il exhorte à combattre et qu’il sollicite donc sa volonté et sa responsabilité, il lui rappelle que Dieu peut distiller en lui ces forces nécessaires. Ce Dieu, dit-il, qui en Jésus-Christ donne vie en toutes choses, donnera vie, donnera consistance et réalité à ce combat de la foi.
D’autant que Timothée vient de donner une belle profession de foi, en présence de nombreux témoin. En professant sa foi, il vient de dire sa confiance en la puissance de vie et d’amour de Dieu, manifestée en Jésus Christ. Il vient de dire sa confiance en Celui, qu’il désigne comme son Seigneur.

Cette puissance de vie et d’amour, par le souffle de l’Esprit Saint, l’Esprit de Dieu, rendra fort dans ce combat de la foi, ce combat pour la vie, ce combat pour la justice.
« Combats le bon combat de la foi ». Une exhortation adressée à Timothée par Paul qui nous est à tous adressée, en ce jour., adressée à toi en particulier François qui, aujourd’hui, comme Timothée témoigne de ta foi et ton désir de devenir membre de l’Église protestante unie de France.
Un combat qui n’a rien d’un appel à la violence, puisqu’il se manifeste par la recherche de l’amour et de la justice, par la pratique de la douceur et de la persévérance.

Pour autant, nous savons tous que ce combat mobilise notre énergie, notre courage, face à des forces, face à des vents souvent contraires, face à des oppositions parfois rudes. Rester fidèles au Christ demande persévérance, détermination, efforts. Le monde n’est pas toujours tendre, ni beau.
Dans ce combat, dans cet engagement qui vise à faire triompher la vie, Dieu nous promet sa force et son soutien. Le Christ nous devance dans ce combat et cet engagement, Lui qui a vaincu au jour de Pâques la mort même.

Mais je ne voudrais pas terminer cette prédication sur le combat à mener, contre des ennemis extérieurs mais aussi contre des ennemis intérieurs, sans partager ces magnifiques paroles du Patriarche orthodoxe Athénagoras . Il écrit : » La guerre la plus dure, c’est la guerre contre soi-même. IL faut arriver à se désarmer. J’ai mené cette guerre pendant des années. Elle a été terrible. Mais je suis désarmé ; Je n’ai plus peur de rien car l’amour chasse la peur. Je suis désarmé de la volonté d’avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres. Je ne suis plus sur mes gardes, jalousement crispé sur mes richesses. J’accueille et je partage. J’ai renoncé au comparatif ; ce qui est bon, vrai, réel est toujours le meilleur ». Amen