La spiritualité de Paul

Paul et la spiritualité

La foi : de la postérité d’Abraham

La foi n’est pas un thème en soi. Il n’en donne pas une définition. A la limite, la foi n’existe pas, seule compte la foi en …

La foi est moins une démarche de l’être humain qui fait le pari de croire qu’une simple acceptaiton de l’action de Dieu. Avoir la foi, c’est reconnaître et admettre que Dieu m’a déjà tout donné.

Dans le judaïsme, le prototype du croyant est Abraham, en tant que père d’Israël.

Cette tradition se prolonge dans le christianisme primitif : les premiers chrétiens se veulent enfants d’Abraham, héritiers de la promesse.

Paul élucide ce qu’est la foi, à partir de Genèse 15,6 : « Abraham crut en Dieu et celà lui fut compté comme justice ».

La foi a partie liée avec l’obéissance. Avoir la foi, c’est suivre Dieu, lui faire confiance.

Dans la démarche de foi, à quoi servent les rites ?

En Genèse 17, Dieu ordonne à Abraham de pratiquer la circoncision.

Si Genèse 17 suit Genèse 15, c’est pour que nous sachions que le signe de l’alliance suit la démarche de foi. Marcher derrière Abraham, c’est se laisser guider par la foi. Les rites, les sacrements, viennent après ou ne prennent sens que lorsque la foi les éclaire.

Et l’obéissance à la loi ?

Elle n’est plus guide ou surveillant. Désormais, c’est la foi, qui nous lie à Christ, qui fait de nous des créatures nouvelles et des membres d’une nouvelle famille spirituelle.

Galates 3, 23-29 : Avant la venue de la foi, nous étions enfermés sous la garde de la loi, en vue de la foi qui devait être révélée.

Ainsi la loi a été comme un pédagogue pour nous conduire à Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi.

La foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue.

Car tous, vous êtes fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ ; vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ.

Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ.

Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité d’Abraham, héritiers selon la promesse.

Dieu prend l’initiative

C’est Dieu qui se tourne en premier vers nous, avant que nous le sachions et en prenions conscience. Paul en est convaincu. C’est ainsi qu’il comprend le message de l’Evangile. C’est ainsi qu’il comprend ce qu’il a personnellement vécu sur le chemin de Damas.

Pour exprimer cette idée, Paul reprend l’image juive de la filialité : nous sommes bien les enfants de Dieu. Mais il en modifie profondément le sens : nous ne sommes pas fils de Dieu parce que nous suivons la Torah. Nous le sommes parce qu’il nous a adoptés et qu’il nous a choisis bien avant que nous en soyons dignes ou même conscients.

Le combat spirituel

Dieu prend l’initiative et notre démarche est de l’ordre de la réponse émerveillée.

Pour autant, la foi ne va pas de soi. Nous ne la possédons pas, comme le ferait croire l’expression « avoir la foi ».

Nous ne choisissons pas une fois pour toutes de nous tourner vers Dieu.

La foi est un combat.

Ephésiens 6, 10-18 : Au reste, fortifiez-vous dans le Seigneur, et par sa force toute-puissante.

Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les ruses du diable.

Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes.

C’est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le mauvais jour, et tenir ferme après avoir tout surmonté.

Tenez donc ferme : ayez à vos reins la vérité pour ceinture ; revêtez la cuirasse de la justice ; mettez pour chaussure à vos pieds le zèle que donne l’Evangile de paix ; prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin ; prenez aussi le casque du salut, et l’épée de l’Esprit, qui est la parole de Dieu.

Faites en tout temps par l’Esprit toutes sortes de prières et de supplications. Veillez à cela avec une entière persévérance, et priez pour tous les saints.

Prière

La vie spirituelle se traduit, pour Paul comme pour tout croyant, par une vie rythmée par la prière. Paul est juif et s’il rompt avec le judaïsme pharisien, il gardera l’habitude de se rendre à la synagogue pour participer aux offices.

Une part importante de sa spiritualité est donc juive.

Voici un bel exemple de prière juive qui a pu inspirer la spiritualité de Paul :

Si notre bouche est remplie de chants comme la mer surabonde d’eaux, si nos langues entonnaient des cantiques puissants comme la force des vagues, si nos lèvres répandaient tes louanges jusqu’aux bornes des cieux, si nos yeux brillaient comme le soleil et la lune, si nos mains étaient étendus comme les ailes des aigles qui volent sous les cieux, si nos pieds avaient l’agilité des cerfs, nous ne suffirions pas à te rendre grâce – Eternel notre Dieu et Dieu de nos pères – et à louer ton nom, à cause d’un seul des mille myriades de bienfaits dont tu nous as comblés, nous et nos pères … Aussi, que les membres de nos corps, que l’âme et l’esprit que tu as disposés en nous, que la langue que tu as placée en notre bouche, que tous te rendent grâces, toute parole se consacrera à toi, tout genou fléchira devant toi, tout ce qui est debout se prosternera, tous les coeurs te craindront, tous les coeurs chanteront ton nom… car qui est semblable à toi ?

Nous y trouvons trois éléments constitutifs de la spiritualité juive : la grandeur de Dieu, la nécessité de l’adoration humaine, l’inévitable décalage entre la grandeur divine et la réponse humaine.

Paul vivra de cette spiritualité juive, comme d’ailleurs les Eglises chrétiennes, jusqu’à nos jours.

Puisant également à la source des liturgies des premières Eglises, il parsèmera ses lettres de prière, principalement d’exhortation, bénédiction, action de grâce et doxologie (de « logos » : parole et « doxa »: gloire. Si l’action de grâce loue Dieu pour ce qu’il fait, la doxologie le loue pour ce qu’il est).

Voici quelques exemples de prière.

Exhortation et bénédiction

Phi 4, 4-7 : « Réjouissez-vous dans le Seigneur en tout temps; je le répète, réjouissez-vous. Que votre bonté soit reconnue par tous les hommes. Ne soyez inquiets de rien, mais en toute occasion, par la prière et la supplication, accompagnées d’action de grâce, faites connaître vos demandes à Dieu. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ.

Action de grâce

I Co 15, 57 : Rendons grâce à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ

Action de grâce, bénédiction et doxologie

Ephésiens 2,15-23 : Voilà pourquoi, moi aussi, depuis que j’ai appris votre foi dans le Seigneur Jésus et votre amour pour tous les saints, je ne cesse de rendre grâce à votre sujet, lorsque je fais mention de vous dans mes prières.

Que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père à qui appartient la gloire, vous donne un esprit de sagesse qui vous le fasse connaître, qu’il ouvre votre coeur à sa lumière, pour que vous sachiez quelle espérance vous donne son appel, quelle est la richesse de sa gloire, de l’héritage qu’il vous fait partager avec les saints, quelle immense puissance il a déployée en notre faveur, à nous les croyants; son énergie, sa force toute puissante, il les a mises en oeuvre dans le Christ, lorsqu’il l’a ressuscité des morts et fait asseoir à sa droite dans les cieux, au-dessus de toute autorité, pouvoir, puissance souveraineté et de tout autre nom qui puisse nommé, non seulement dans ce monde mais encore dans le monde à venir.

Oui, il a tout mis à ses pieds (Ps 8) et il l’a donné, au sommet de tout, pour tête à l’Eglise, qui est son corps, la plénitude de Celui qui est son corps, la plénitude de Celui que Dieu remplit lui-même totalement.

Doxologie

Romains 16, 25-27 : A Celui qui a le pouvoir de vous affermir selon l’Evangile que j’annonce en prêchant Jésus-Christ, selon la révélation d’un mystère gardé dans le silence durant des temps éternels, mais maintenant manifesté et porté à la connaissance de tous les peuples païens par des écrits prophétiques, selon l’ordre du Dieu éternel, pour les conduire à l’obéissance de la foi, à Dieu, seul sage, gloire, par Jésus-Christ, aux siècles des siècles.

Amen

Bénédiction

Paul débute ou conclut souvent ses lettres par une parole de bénédiction :

II Co 1,2 : « A vous, grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ » (II Co 1,2.

Romains 15,13 : Que le Dieu de l’espérance nous remplisse de toute joie et de toute paix, dans la foi, afin que vous débordiez d’espérance, par la puissance du Saint-Esprit ».

Paul exhorte ses lecteurs à s’enraciner dans la prière car la prière est la condition de notre vitalité spirituelle et de la qualité de notre vie personnelle et communautaire.

I Thess 5, 12-28 : « Nous vous prions, frères, d’avoir de la considération pour ceux qui travaillent parmi vous, qui vous dirigent dans le Seigneur, et qui vous exhortent.

Ayez pour eux beaucoup d’affection, à cause de leur œuvre.

Soyez en paix entre vous.

Nous vous en prions aussi, frères, avertissez ceux qui vivent dans le désordre, consolez ceux qui sont abattus, supportez les faibles, usez de patience envers tous.

Prenez garde que personne ne rende à autrui le mal pour le mal ; mais poursuivez toujours le bien, soit entre vous, soit envers tous.

Soyez toujours joyeux.

Priez sans cesse.

Rendez grâces en toutes choses, car c’est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ.

N’éteignez pas l’Esprit.

Ne méprisez pas les prophéties, mais examinez toutes choses ; retenez ce qui est bon ; abstenez-vous de toute espèce de mal.

Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l’esprit, l’âme et le corps, soit conservé irréprochable, lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ !

Celui qui vous a appelés est fidèle, et c’est lui qui le fera.

Frères, priez pour nous.

Saluez tous les frères par un saint baiser.

Je vous en conjure par le Seigneur, que cette lettre soit lue à tous les frères.

Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous !

Et lorsque la prière de nous nourrit plus

Paul n’est pas un surdoué de la prière. Il sait, pour l’avoir lui-même vécu, que nous traversons parfois des tunnels spirituels plus ou moins longs.

Alors, en ce cas, il en appelle à l’Esprit afin qu’il rende notre vie prière de nouveau fructueuse. Et si tel n’est pas le cas, notre prière n’est pas pour autant inutile, même si nous n’en voyons pas les fruits.

Romains 8, 25-32 : Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance. De même aussi l’Esprit virent à notre aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il nous convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables ; et celui qui sonde les cœurs connaît quelle est la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints.

Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein.

Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, afin que son Fils fût le premier-né entre plusieurs frères.

Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.

Que dirons-nous donc à l’égard de ces choses ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui, qui n’a point épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui ?

Foi, gloire et souffrance

Pour Paul, vivre en Christ ne consiste pas simplement à suivre son enseignement moral ou à s’inspirer de sa relation avec Dieu. Jésus est davantage qu’un modèle moral ou un maître spirituel. Il est davantage qu’un Gandhi ou un Théodore Monod.

Il est le Christ.

Christ a accepté de s’abaisser et de souffrir, jusqu’à la mort, avant d’être relevé, ressuscité

En entrant dans une même dynamique d’obéissance et d’abaissement, le chrétien permet à Dieu d’agir puissamment en lui.

Philippiens 2, 1-11 : Si donc il y a quelque consolation en Christ, s’il y a quelque soulagement dans la charité, s’il y a quelque union d’esprit, s’il y a quelque compassion et quelque miséricorde, rendez ma joie parfaite, ayant un même sentiment, un même amour, une même âme, une même pensée.

Ne faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l’humilité vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes.

Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres.

Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ, lequel, existant en forme de Dieu, n’a point regardé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes ; et ayant paru comme un simple homme, il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix.

C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.

Paul reprend ici un hymne de l’Eglise primitive.

Le double thème de l’abaissement -élévation du Christ est consubstantiel au christianisme, à petir du couple croix – résurrection.

Paul en tire une analogie : Christ a été ressuscité et élevé par Dieu parce qu’il avait accepté de s’abaisser et de mourir sur la croix. De même, le croyant doit accepter – et non rechercher- un abaissement, des souffrances et parfois la mort, au nom de sa fidélité au Christ (et pas parce qu’il haïrait la vie comme le soupçonne Nietzsche).

S’il le fait, par exemple en considérant autrui comme supérieur à soi – alors il recevra de Dieu une puissance de vie Pas par récompense mais parce qu’il laisse Dieu agir en lui.

Une forme particulière de la spiritualité : la vision ou l’extase spirituelle

Paul use de la rhétorique grecque, il a été supérieurement bien formé au judaïsme par Gamaliel

Il est un intelelctuel de haut vol.

Il n’empêche, sa spiritualité a été bouelversée par des visions.

Il y a celle, inaugurale, sur le chemin de Damas.

Il y a celle, plus mystérieuse, qu’il évoque dans sa 2ème lettre aux Corinthiens, chapitre 12 :

Il faut se glorifier … Cela n’est pas bon.

J’en viendrai néanmoins à des visions et à des révélations du Seigneur.

Je connais un homme en Christ, qui fut, il y a quatorze ans, ravi jusqu’au troisième ciel (si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait).

Et je sais que cet homme (si ce fut dans son corps ou sans son corps je ne sais, Dieu le sait) fut enlevé dans le paradis, et qu’il entendit des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme d’exprimer.

Je me glorifierai d’un tel homme, mais de moi-même je ne me glorifierai pas, sinon de mes infirmités.

Si je voulais me glorifier, je ne serais pas un insensé, car je dirais la vérité ; mais je m’en abstiens, afin que personne n’ait à mon sujet une opinion supérieure à ce qu’il voit en moi ou à ce qu’il entend de moi.

Ainsi marqué par ces expériences, Paul inclura toujours la vision ou expérience mystique, comme l’une des formes possibles de spiritualité.

Excursus : Paul et l’Ancien Testament

Paul a été formé par Gamaliel. Il a donc une très bonne connaissance de la Torah et des méthodes d’interprétation rabbiniques. Il revndiquera constamment cet enracinement et consacrera trois chapitres de sa lettre aux Romains (Rms 9-11) sur les liens indéfectibles entre le judaîsme et la foi chrétienne. Il écrit magnifiquement : « Si quelques-unes des branches ont été coupées, tandis que toi, olivier sauvage, tu as été greffé parmi les branches restantes de l’olivier, pour avoir part avec elles à la richesse de la racine, ne va pas faire le fier aux dépens des branches. Tu peux bien faire le fier ! Ce n’est pas toi qui portes la racine mais c’est la racine qui te porte« . (Rms 11,17-18)

Par ailleurs, Paul situe la bonne nouvelle dans le cadre de l’alliance conclue avec le peuple juif.

Du judaïsme à l’universalité

Greffe des autres peuples

Ephésiens 3, 18-22 : C’est grâce à lui (le Christ) que les uns et les autres, dans un seul Esprit, nous avons l’accès auprès du Père. Ainsi, vous n’êtes plus des étrangers, ni des émigrés; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la famille de Dieu. Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et Jésus-Christ lui-même comme pierre maitresse? C’est en lui que toute construction s’ajuste et s’élève pouyr former un temple saint dans le Seigneur. C’est en lui que, vous aussi, vous êtes ensemble intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit

Paul et la spiritualité

La foi : de la postérité d’Abraham

La foi n’est pas un thème en soi. Il n’en donne pas une définition. A la limite, la foi n’existe pas, seule compte la foi en …

La foi est moins une démarche de l’être humain qui fait le pari de croire qu’une simple acceptaiton de l’action de Dieu. Avoir la foi, c’est reconnaître et admettre que Dieu m’a déjà tout donné.

Dans le judaïsme, le prototype du croyant est Abraham, en tant que père d’Israël.

Cette tradition se prolonge dans le christianisme primitif : les premiers chrétiens se veulent enfants d’Abraham, héritiers de la promesse.

Paul élucide ce qu’est la foi, à partir de Genèse 15,6 : « Abraham crut en Dieu et celà lui fut compté comme justice ».

La foi a partie liée avec l’obéissance. Avoir la foi, c’est suivre Dieu, lui faire confiance.

Dans la démarche de foi, à quoi servent les rites ?

En Genèse 17, Dieu ordonne à Abraham de pratiquer la circoncision.

Si Genèse 17 suit Genèse 15, c’est pour que nous sachions que le signe de l’alliance suit la démarche de foi. Marcher derrière Abraham, c’est se laisser guider par la foi. Les rites, les sacrements, viennent après ou ne prennent sens que lorsque la foi les éclaire.

Et l’obéissance à la loi ?

Elle n’est plus guide ou surveillant. Désormais, c’est la foi, qui nous lie à Christ, qui fait de nous des créatures nouvelles et des membres d’une nouvelle famille spirituelle.

Galates 3, 23-29 : Avant la venue de la foi, nous étions enfermés sous la garde de la loi, en vue de la foi qui devait être révélée.

Ainsi la loi a été comme un pédagogue pour nous conduire à Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi.

La foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue.

Car tous, vous êtes fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ ; vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ.

Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ.

Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité d’Abraham, héritiers selon la promesse.

Dieu prend l’initiative

C’est Dieu qui se tourne en premier vers nous, avant que nous le sachions et en prenions conscience. Paul en est convaincu. C’est ainsi qu’il comprend le message de l’Evangile. C’est ainsi qu’il comprend ce qu’il a personnellement vécu sur le chemin de Damas.

Pour exprimer cette idée, Paul reprend l’image juive de la filialité : nous sommes bien les enfants de Dieu. Mais il en modifie profondément le sens : nous ne sommes pas fils de Dieu parce que nous suivons la Torah. Nous le sommes parce qu’il nous a adoptés et qu’il nous a choisis bien avant que nous en soyons dignes ou même conscients.

Le combat spirituel

Dieu prend l’initiative et notre démarche est de l’ordre de la réponse émerveillée.

Pour autant, la foi ne va pas de soi. Nous ne la possédons pas, comme le ferait croire l’expression « avoir la foi ».

Nous ne choisissons pas une fois pour toutes de nous tourner vers Dieu.

La foi est un combat.

Ephésiens 6, 10-18 : Au reste, fortifiez-vous dans le Seigneur, et par sa force toute-puissante.

Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les ruses du diable.

Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes.

C’est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le mauvais jour, et tenir ferme après avoir tout surmonté.

Tenez donc ferme : ayez à vos reins la vérité pour ceinture ; revêtez la cuirasse de la justice ; mettez pour chaussure à vos pieds le zèle que donne l’Evangile de paix ; prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin ; prenez aussi le casque du salut, et l’épée de l’Esprit, qui est la parole de Dieu.

Faites en tout temps par l’Esprit toutes sortes de prières et de supplications. Veillez à cela avec une entière persévérance, et priez pour tous les saints.

Prière

La vie spirituelle se traduit, pour Paul comme pour tout croyant, par une vie rythmée par la prière. Paul est juif et s’il rompt avec le judaïsme pharisien, il gardera l’habitude de se rendre à la synagogue pour participer aux offices.

Une part importante de sa spiritualité est donc juive.

Voici un bel exemple de prière juive qui a pu inspirer la spiritualité de Paul :

Si notre bouche est remplie de chants comme la mer surabonde d’eaux, si nos langues entonnaient des cantiques puissants comme la force des vagues, si nos lèvres répandaient tes louanges jusqu’aux bornes des cieux, si nos yeux brillaient comme le soleil et la lune, si nos mains étaient étendus comme les ailes des aigles qui volent sous les cieux, si nos pieds avaient l’agilité des cerfs, nous ne suffirions pas à te rendre grâce – Eternel notre Dieu et Dieu de nos pères – et à louer ton nom, à cause d’un seul des mille myriades de bienfaits dont tu nous as comblés, nous et nos pères … Aussi, que les membres de nos corps, que l’âme et l’esprit que tu as disposés en nous, que la langue que tu as placée en notre bouche, que tous te rendent grâces, toute parole se consacrera à toi, tout genou fléchira devant toi, tout ce qui est debout se prosternera, tous les coeurs te craindront, tous les coeurs chanteront ton nom… car qui est semblable à toi ?

Nous y trouvons trois éléments constitutifs de la spiritualité juive : la grandeur de Dieu, la nécessité de l’adoration humaine, l’inévitable décalage entre la grandeur divine et la réponse humaine.

Paul vivra de cette spiritualité juive, comme d’ailleurs les Eglises chrétiennes, jusqu’à nos jours.

Puisant également à la source des liturgies des premières Eglises, il parsèmera ses lettres de prière, principalement d’exhortation, bénédiction, action de grâce et doxologie (de « logos » : parole et « doxa »: gloire. Si l’action de grâce loue Dieu pour ce qu’il fait, la doxologie le loue pour ce qu’il est).

Voici quelques exemples de prière.

Exhortation et bénédiction

Phi 4, 4-7 : « Réjouissez-vous dans le Seigneur en tout temps; je le répète, réjouissez-vous. Que votre bonté soit reconnue par tous les hommes. Ne soyez inquiets de rien, mais en toute occasion, par la prière et la supplication, accompagnées d’action de grâce, faites connaître vos demandes à Dieu. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ.

Action de grâce

I Co 15, 57 : Rendons grâce à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ

Action de grâce, bénédiction et doxologie

Ephésiens 2,15-23 : Voilà pourquoi, moi aussi, depuis que j’ai appris votre foi dans le Seigneur Jésus et votre amour pour tous les saints, je ne cesse de rendre grâce à votre sujet, lorsque je fais mention de vous dans mes prières.

Que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père à qui appartient la gloire, vous donne un esprit de sagesse qui vous le fasse connaître, qu’il ouvre votre coeur à sa lumière, pour que vous sachiez quelle espérance vous donne son appel, quelle est la richesse de sa gloire, de l’héritage qu’il vous fait partager avec les saints, quelle immense puissance il a déployée en notre faveur, à nous les croyants; son énergie, sa force toute puissante, il les a mises en oeuvre dans le Christ, lorsqu’il l’a ressuscité des morts et fait asseoir à sa droite dans les cieux, au-dessus de toute autorité, pouvoir, puissance souveraineté et de tout autre nom qui puisse nommé, non seulement dans ce monde mais encore dans le monde à venir.

Oui, il a tout mis à ses pieds (Ps 8) et il l’a donné, au sommet de tout, pour tête à l’Eglise, qui est son corps, la plénitude de Celui qui est son corps, la plénitude de Celui que Dieu remplit lui-même totalement.

Doxologie

Romains 16, 25-27 : A Celui qui a le pouvoir de vous affermir selon l’Evangile que j’annonce en prêchant Jésus-Christ, selon la révélation d’un mystère gardé dans le silence durant des temps éternels, mais maintenant manifesté et porté à la connaissance de tous les peuples païens par des écrits prophétiques, selon l’ordre du Dieu éternel, pour les conduire à l’obéissance de la foi, à Dieu, seul sage, gloire, par Jésus-Christ, aux siècles des siècles.

Amen

Bénédiction

Paul débute ou conclut souvent ses lettres par une parole de bénédiction :

II Co 1,2 : « A vous, grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ » (II Co 1,2.

Romains 15,13 : Que le Dieu de l’espérance nous remplisse de toute joie et de toute paix, dans la foi, afin que vous débordiez d’espérance, par la puissance du Saint-Esprit ».

Paul exhorte ses lecteurs à s’enraciner dans la prière car la prière est la condition de notre vitalité spirituelle et de la qualité de notre vie personnelle et communautaire.

I Thess 5, 12-28 : « Nous vous prions, frères, d’avoir de la considération pour ceux qui travaillent parmi vous, qui vous dirigent dans le Seigneur, et qui vous exhortent.

Ayez pour eux beaucoup d’affection, à cause de leur œuvre.

Soyez en paix entre vous.

Nous vous en prions aussi, frères, avertissez ceux qui vivent dans le désordre, consolez ceux qui sont abattus, supportez les faibles, usez de patience envers tous.

Prenez garde que personne ne rende à autrui le mal pour le mal ; mais poursuivez toujours le bien, soit entre vous, soit envers tous.

Soyez toujours joyeux.

Priez sans cesse.

Rendez grâces en toutes choses, car c’est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ.

N’éteignez pas l’Esprit.

Ne méprisez pas les prophéties, mais examinez toutes choses ; retenez ce qui est bon ; abstenez-vous de toute espèce de mal.

Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l’esprit, l’âme et le corps, soit conservé irréprochable, lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ !

Celui qui vous a appelés est fidèle, et c’est lui qui le fera.

Frères, priez pour nous.

Saluez tous les frères par un saint baiser.

Je vous en conjure par le Seigneur, que cette lettre soit lue à tous les frères.

Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous !

Et lorsque la prière de nous nourrit plus

Paul n’est pas un surdoué de la prière. Il sait, pour l’avoir lui-même vécu, que nous traversons parfois des tunnels spirituels plus ou moins longs.

Alors, en ce cas, il en appelle à l’Esprit afin qu’il rende notre vie prière de nouveau fructueuse. Et si tel n’est pas le cas, notre prière n’est pas pour autant inutile, même si nous n’en voyons pas les fruits.

Romains 8, 25-32 : Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance. De même aussi l’Esprit virent à notre aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il nous convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables ; et celui qui sonde les cœurs connaît quelle est la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints.

Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein.

Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, afin que son Fils fût le premier-né entre plusieurs frères.

Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.

Que dirons-nous donc à l’égard de ces choses ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui, qui n’a point épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui ?

Foi, gloire et souffrance

Pour Paul, vivre en Christ ne consiste pas simplement à suivre son enseignement moral ou à s’inspirer de sa relation avec Dieu. Jésus est davantage qu’un modèle moral ou un maître spirituel. Il est davantage qu’un Gandhi ou un Théodore Monod.

Il est le Christ.

Christ a accepté de s’abaisser et de souffrir, jusqu’à la mort, avant d’être relevé, ressuscité

En entrant dans une même dynamique d’obéissance et d’abaissement, le chrétien permet à Dieu d’agir puissamment en lui.

Philippiens 2, 1-11 : Si donc il y a quelque consolation en Christ, s’il y a quelque soulagement dans la charité, s’il y a quelque union d’esprit, s’il y a quelque compassion et quelque miséricorde, rendez ma joie parfaite, ayant un même sentiment, un même amour, une même âme, une même pensée.

Ne faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l’humilité vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes.

Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres.

Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ, lequel, existant en forme de Dieu, n’a point regardé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes ; et ayant paru comme un simple homme, il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix.

C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.

Paul reprend ici un hymne de l’Eglise primitive.

Le double thème de l’abaissement -élévation du Christ est consubstantiel au christianisme, à petir du couple croix – résurrection.

Paul en tire une analogie : Christ a été ressuscité et élevé par Dieu parce qu’il avait accepté de s’abaisser et de mourir sur la croix. De même, le croyant doit accepter – et non rechercher- un abaissement, des souffrances et parfois la mort, au nom de sa fidélité au Christ (et pas parce qu’il haïrait la vie comme le soupçonne Nietzsche).

S’il le fait, par exemple en considérant autrui comme supérieur à soi – alors il recevra de Dieu une puissance de vie Pas par récompense mais parce qu’il laisse Dieu agir en lui.

Une forme particulière de la spiritualité : la vision ou l’extase spirituelle

Paul use de la rhétorique grecque, il a été supérieurement bien formé au judaïsme par Gamaliel

Il est un intelelctuel de haut vol.

Il n’empêche, sa spiritualité a été bouelversée par des visions.

Il y a celle, inaugurale, sur le chemin de Damas.

Il y a celle, plus mystérieuse, qu’il évoque dans sa 2ème lettre aux Corinthiens, chapitre 12 :

Il faut se glorifier … Cela n’est pas bon.

J’en viendrai néanmoins à des visions et à des révélations du Seigneur.

Je connais un homme en Christ, qui fut, il y a quatorze ans, ravi jusqu’au troisième ciel (si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait).

Et je sais que cet homme (si ce fut dans son corps ou sans son corps je ne sais, Dieu le sait) fut enlevé dans le paradis, et qu’il entendit des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme d’exprimer.

Je me glorifierai d’un tel homme, mais de moi-même je ne me glorifierai pas, sinon de mes infirmités.

Si je voulais me glorifier, je ne serais pas un insensé, car je dirais la vérité ; mais je m’en abstiens, afin que personne n’ait à mon sujet une opinion supérieure à ce qu’il voit en moi ou à ce qu’il entend de moi.

Ainsi marqué par ces expériences, Paul inclura toujours la vision ou expérience mystique, comme l’une des formes possibles de spiritualité.

Excursus : Paul et l’Ancien Testament

Paul a été formé par Gamaliel. Il a donc une très bonne connaissance de la Torah et des méthodes d’interprétation rabbiniques. Il revndiquera constamment cet enracinement et consacrera trois chapitres de sa lettre aux Romains (Rms 9-11) sur les liens indéfectibles entre le judaîsme et la foi chrétienne. Il écrit magnifiquement : « Si quelques-unes des branches ont été coupées, tandis que toi, olivier sauvage, tu as été greffé parmi les branches restantes de l’olivier, pour avoir part avec elles à la richesse de la racine, ne va pas faire le fier aux dépens des branches. Tu peux bien faire le fier ! Ce n’est pas toi qui portes la racine mais c’est la racine qui te porte« . (Rms 11,17-18)

Par ailleurs, Paul situe la bonne nouvelle dans le cadre de l’alliance conclue avec le peuple juif.

Du judaïsme à l’universalité

Greffe des autres peuples

Ephésiens 3, 18-22 : C’est grâce à lui (le Christ) que les uns et les autres, dans un seul Esprit, nous avons l’accès auprès du Père. Ainsi, vous n’êtes plus des étrangers, ni des émigrés; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la famille de Dieu. Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et Jésus-Christ lui-même comme pierre maitresse? C’est en lui que toute construction s’ajuste et s’élève pouyr former un temple saint dans le Seigneur. C’est en lui que, vous aussi, vous êtes ensemble intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit

Paul et la spiritualité

La foi : de la postérité d’Abraham

La foi n’est pas un thème en soi. Il n’en donne pas une définition. A la limite, la foi n’existe pas, seule compte la foi en …

La foi est moins une démarche de l’être humain qui fait le pari de croire qu’une simple acceptaiton de l’action de Dieu. Avoir la foi, c’est reconnaître et admettre que Dieu m’a déjà tout donné.

Dans le judaïsme, le prototype du croyant est Abraham, en tant que père d’Israël.

Cette tradition se prolonge dans le christianisme primitif : les premiers chrétiens se veulent enfants d’Abraham, héritiers de la promesse.

Paul élucide ce qu’est la foi, à partir de Genèse 15,6 : « Abraham crut en Dieu et celà lui fut compté comme justice ».

La foi a partie liée avec l’obéissance. Avoir la foi, c’est suivre Dieu, lui faire confiance.

Dans la démarche de foi, à quoi servent les rites ?

En Genèse 17, Dieu ordonne à Abraham de pratiquer la circoncision.

Si Genèse 17 suit Genèse 15, c’est pour que nous sachions que le signe de l’alliance suit la démarche de foi. Marcher derrière Abraham, c’est se laisser guider par la foi. Les rites, les sacrements, viennent après ou ne prennent sens que lorsque la foi les éclaire.

Et l’obéissance à la loi ?

Elle n’est plus guide ou surveillant. Désormais, c’est la foi, qui nous lie à Christ, qui fait de nous des créatures nouvelles et des membres d’une nouvelle famille spirituelle.

Galates 3, 23-29 : Avant la venue de la foi, nous étions enfermés sous la garde de la loi, en vue de la foi qui devait être révélée.

Ainsi la loi a été comme un pédagogue pour nous conduire à Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi.

La foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue.

Car tous, vous êtes fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ ; vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ.

Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ.

Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité d’Abraham, héritiers selon la promesse.

Dieu prend l’initiative

C’est Dieu qui se tourne en premier vers nous, avant que nous le sachions et en prenions conscience. Paul en est convaincu. C’est ainsi qu’il comprend le message de l’Evangile. C’est ainsi qu’il comprend ce qu’il a personnellement vécu sur le chemin de Damas.

Pour exprimer cette idée, Paul reprend l’image juive de la filialité : nous sommes bien les enfants de Dieu. Mais il en modifie profondément le sens : nous ne sommes pas fils de Dieu parce que nous suivons la Torah. Nous le sommes parce qu’il nous a adoptés et qu’il nous a choisis bien avant que nous en soyons dignes ou même conscients.

Le combat spirituel

Dieu prend l’initiative et notre démarche est de l’ordre de la réponse émerveillée.

Pour autant, la foi ne va pas de soi. Nous ne la possédons pas, comme le ferait croire l’expression « avoir la foi ».

Nous ne choisissons pas une fois pour toutes de nous tourner vers Dieu.

La foi est un combat.

Ephésiens 6, 10-18 : Au reste, fortifiez-vous dans le Seigneur, et par sa force toute-puissante.

Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les ruses du diable.

Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes.

C’est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le mauvais jour, et tenir ferme après avoir tout surmonté.

Tenez donc ferme : ayez à vos reins la vérité pour ceinture ; revêtez la cuirasse de la justice ; mettez pour chaussure à vos pieds le zèle que donne l’Evangile de paix ; prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin ; prenez aussi le casque du salut, et l’épée de l’Esprit, qui est la parole de Dieu.

Faites en tout temps par l’Esprit toutes sortes de prières et de supplications. Veillez à cela avec une entière persévérance, et priez pour tous les saints.

Prière

La vie spirituelle se traduit, pour Paul comme pour tout croyant, par une vie rythmée par la prière. Paul est juif et s’il rompt avec le judaïsme pharisien, il gardera l’habitude de se rendre à la synagogue pour participer aux offices.

Une part importante de sa spiritualité est donc juive.

Voici un bel exemple de prière juive qui a pu inspirer la spiritualité de Paul :

Si notre bouche est remplie de chants comme la mer surabonde d’eaux, si nos langues entonnaient des cantiques puissants comme la force des vagues, si nos lèvres répandaient tes louanges jusqu’aux bornes des cieux, si nos yeux brillaient comme le soleil et la lune, si nos mains étaient étendus comme les ailes des aigles qui volent sous les cieux, si nos pieds avaient l’agilité des cerfs, nous ne suffirions pas à te rendre grâce – Eternel notre Dieu et Dieu de nos pères – et à louer ton nom, à cause d’un seul des mille myriades de bienfaits dont tu nous as comblés, nous et nos pères … Aussi, que les membres de nos corps, que l’âme et l’esprit que tu as disposés en nous, que la langue que tu as placée en notre bouche, que tous te rendent grâces, toute parole se consacrera à toi, tout genou fléchira devant toi, tout ce qui est debout se prosternera, tous les coeurs te craindront, tous les coeurs chanteront ton nom… car qui est semblable à toi ?

Nous y trouvons trois éléments constitutifs de la spiritualité juive : la grandeur de Dieu, la nécessité de l’adoration humaine, l’inévitable décalage entre la grandeur divine et la réponse humaine.

Paul vivra de cette spiritualité juive, comme d’ailleurs les Eglises chrétiennes, jusqu’à nos jours.

Puisant également à la source des liturgies des premières Eglises, il parsèmera ses lettres de prière, principalement d’exhortation, bénédiction, action de grâce et doxologie (de « logos » : parole et « doxa »: gloire. Si l’action de grâce loue Dieu pour ce qu’il fait, la doxologie le loue pour ce qu’il est).

Voici quelques exemples de prière.

Exhortation et bénédiction

Phi 4, 4-7 : « Réjouissez-vous dans le Seigneur en tout temps; je le répète, réjouissez-vous. Que votre bonté soit reconnue par tous les hommes. Ne soyez inquiets de rien, mais en toute occasion, par la prière et la supplication, accompagnées d’action de grâce, faites connaître vos demandes à Dieu. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ.

Action de grâce

I Co 15, 57 : Rendons grâce à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ

Action de grâce, bénédiction et doxologie

Ephésiens 2,15-23 : Voilà pourquoi, moi aussi, depuis que j’ai appris votre foi dans le Seigneur Jésus et votre amour pour tous les saints, je ne cesse de rendre grâce à votre sujet, lorsque je fais mention de vous dans mes prières.

Que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père à qui appartient la gloire, vous donne un esprit de sagesse qui vous le fasse connaître, qu’il ouvre votre coeur à sa lumière, pour que vous sachiez quelle espérance vous donne son appel, quelle est la richesse de sa gloire, de l’héritage qu’il vous fait partager avec les saints, quelle immense puissance il a déployée en notre faveur, à nous les croyants; son énergie, sa force toute puissante, il les a mises en oeuvre dans le Christ, lorsqu’il l’a ressuscité des morts et fait asseoir à sa droite dans les cieux, au-dessus de toute autorité, pouvoir, puissance souveraineté et de tout autre nom qui puisse nommé, non seulement dans ce monde mais encore dans le monde à venir.

Oui, il a tout mis à ses pieds (Ps 8) et il l’a donné, au sommet de tout, pour tête à l’Eglise, qui est son corps, la plénitude de Celui qui est son corps, la plénitude de Celui que Dieu remplit lui-même totalement.

Doxologie

Romains 16, 25-27 : A Celui qui a le pouvoir de vous affermir selon l’Evangile que j’annonce en prêchant Jésus-Christ, selon la révélation d’un mystère gardé dans le silence durant des temps éternels, mais maintenant manifesté et porté à la connaissance de tous les peuples païens par des écrits prophétiques, selon l’ordre du Dieu éternel, pour les conduire à l’obéissance de la foi, à Dieu, seul sage, gloire, par Jésus-Christ, aux siècles des siècles.

Amen

Bénédiction

Paul débute ou conclut souvent ses lettres par une parole de bénédiction :

II Co 1,2 : « A vous, grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ » (II Co 1,2.

Romains 15,13 : Que le Dieu de l’espérance nous remplisse de toute joie et de toute paix, dans la foi, afin que vous débordiez d’espérance, par la puissance du Saint-Esprit ».

Paul exhorte ses lecteurs à s’enraciner dans la prière car la prière est la condition de notre vitalité spirituelle et de la qualité de notre vie personnelle et communautaire.

I Thess 5, 12-28 : « Nous vous prions, frères, d’avoir de la considération pour ceux qui travaillent parmi vous, qui vous dirigent dans le Seigneur, et qui vous exhortent.

Ayez pour eux beaucoup d’affection, à cause de leur œuvre.

Soyez en paix entre vous.

Nous vous en prions aussi, frères, avertissez ceux qui vivent dans le désordre, consolez ceux qui sont abattus, supportez les faibles, usez de patience envers tous.

Prenez garde que personne ne rende à autrui le mal pour le mal ; mais poursuivez toujours le bien, soit entre vous, soit envers tous.

Soyez toujours joyeux.

Priez sans cesse.

Rendez grâces en toutes choses, car c’est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ.

N’éteignez pas l’Esprit.

Ne méprisez pas les prophéties, mais examinez toutes choses ; retenez ce qui est bon ; abstenez-vous de toute espèce de mal.

Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l’esprit, l’âme et le corps, soit conservé irréprochable, lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ !

Celui qui vous a appelés est fidèle, et c’est lui qui le fera.

Frères, priez pour nous.

Saluez tous les frères par un saint baiser.

Je vous en conjure par le Seigneur, que cette lettre soit lue à tous les frères.

Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous !

Et lorsque la prière de nous nourrit plus

Paul n’est pas un surdoué de la prière. Il sait, pour l’avoir lui-même vécu, que nous traversons parfois des tunnels spirituels plus ou moins longs.

Alors, en ce cas, il en appelle à l’Esprit afin qu’il rende notre vie prière de nouveau fructueuse. Et si tel n’est pas le cas, notre prière n’est pas pour autant inutile, même si nous n’en voyons pas les fruits.

Romains 8, 25-32 : Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance. De même aussi l’Esprit virent à notre aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il nous convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables ; et celui qui sonde les cœurs connaît quelle est la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints.

Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein.

Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, afin que son Fils fût le premier-né entre plusieurs frères.

Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.

Que dirons-nous donc à l’égard de ces choses ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui, qui n’a point épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui ?

Foi, gloire et souffrance

Pour Paul, vivre en Christ ne consiste pas simplement à suivre son enseignement moral ou à s’inspirer de sa relation avec Dieu. Jésus est davantage qu’un modèle moral ou un maître spirituel. Il est davantage qu’un Gandhi ou un Théodore Monod.

Il est le Christ.

Christ a accepté de s’abaisser et de souffrir, jusqu’à la mort, avant d’être relevé, ressuscité

En entrant dans une même dynamique d’obéissance et d’abaissement, le chrétien permet à Dieu d’agir puissamment en lui.

Philippiens 2, 1-11 : Si donc il y a quelque consolation en Christ, s’il y a quelque soulagement dans la charité, s’il y a quelque union d’esprit, s’il y a quelque compassion et quelque miséricorde, rendez ma joie parfaite, ayant un même sentiment, un même amour, une même âme, une même pensée.

Ne faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l’humilité vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes.

Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres.

Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ, lequel, existant en forme de Dieu, n’a point regardé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes ; et ayant paru comme un simple homme, il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix.

C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.

Paul reprend ici un hymne de l’Eglise primitive.

Le double thème de l’abaissement -élévation du Christ est consubstantiel au christianisme, à petir du couple croix – résurrection.

Paul en tire une analogie : Christ a été ressuscité et élevé par Dieu parce qu’il avait accepté de s’abaisser et de mourir sur la croix. De même, le croyant doit accepter – et non rechercher- un abaissement, des souffrances et parfois la mort, au nom de sa fidélité au Christ (et pas parce qu’il haïrait la vie comme le soupçonne Nietzsche).

S’il le fait, par exemple en considérant autrui comme supérieur à soi – alors il recevra de Dieu une puissance de vie Pas par récompense mais parce qu’il laisse Dieu agir en lui.

Une forme particulière de la spiritualité : la vision ou l’extase spirituelle

Paul use de la rhétorique grecque, il a été supérieurement bien formé au judaïsme par Gamaliel

Il est un intelelctuel de haut vol.

Il n’empêche, sa spiritualité a été bouelversée par des visions.

Il y a celle, inaugurale, sur le chemin de Damas.

Il y a celle, plus mystérieuse, qu’il évoque dans sa 2ème lettre aux Corinthiens, chapitre 12 :

Il faut se glorifier … Cela n’est pas bon.

J’en viendrai néanmoins à des visions et à des révélations du Seigneur.

Je connais un homme en Christ, qui fut, il y a quatorze ans, ravi jusqu’au troisième ciel (si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait).

Et je sais que cet homme (si ce fut dans son corps ou sans son corps je ne sais, Dieu le sait) fut enlevé dans le paradis, et qu’il entendit des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme d’exprimer.

Je me glorifierai d’un tel homme, mais de moi-même je ne me glorifierai pas, sinon de mes infirmités.

Si je voulais me glorifier, je ne serais pas un insensé, car je dirais la vérité ; mais je m’en abstiens, afin que personne n’ait à mon sujet une opinion supérieure à ce qu’il voit en moi ou à ce qu’il entend de moi.

Ainsi marqué par ces expériences, Paul inclura toujours la vision ou expérience mystique, comme l’une des formes possibles de spiritualité.

Excursus : Paul et l’Ancien Testament

Paul a été formé par Gamaliel. Il a donc une très bonne connaissance de la Torah et des méthodes d’interprétation rabbiniques. Il revndiquera constamment cet enracinement et consacrera trois chapitres de sa lettre aux Romains (Rms 9-11) sur les liens indéfectibles entre le judaîsme et la foi chrétienne. Il écrit magnifiquement : « Si quelques-unes des branches ont été coupées, tandis que toi, olivier sauvage, tu as été greffé parmi les branches restantes de l’olivier, pour avoir part avec elles à la richesse de la racine, ne va pas faire le fier aux dépens des branches. Tu peux bien faire le fier ! Ce n’est pas toi qui portes la racine mais c’est la racine qui te porte« . (Rms 11,17-18)

Par ailleurs, Paul situe la bonne nouvelle dans le cadre de l’alliance conclue avec le peuple juif.

Du judaïsme à l’universalité

Greffe des autres peuples

Ephésiens 3, 18-22 : C’est grâce à lui (le Christ) que les uns et les autres, dans un seul Esprit, nous avons l’accès auprès du Père. Ainsi, vous n’êtes plus des étrangers, ni des émigrés; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la famille de Dieu. Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et Jésus-Christ lui-même comme pierre maitresse? C’est en lui que toute construction s’ajuste et s’élève pouyr former un temple saint dans le Seigneur. C’est en lui que, vous aussi, vous êtes ensemble intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit

Paul et la spiritualité

La foi : de la postérité d’Abraham

La foi n’est pas un thème en soi. Il n’en donne pas une définition. A la limite, la foi n’existe pas, seule compte la foi en …

La foi est moins une démarche de l’être humain qui fait le pari de croire qu’une simple acceptaiton de l’action de Dieu. Avoir la foi, c’est reconnaître et admettre que Dieu m’a déjà tout donné.

Dans le judaïsme, le prototype du croyant est Abraham, en tant que père d’Israël.

Cette tradition se prolonge dans le christianisme primitif : les premiers chrétiens se veulent enfants d’Abraham, héritiers de la promesse.

Paul élucide ce qu’est la foi, à partir de Genèse 15,6 : « Abraham crut en Dieu et celà lui fut compté comme justice ».

La foi a partie liée avec l’obéissance. Avoir la foi, c’est suivre Dieu, lui faire confiance.

Dans la démarche de foi, à quoi servent les rites ?

En Genèse 17, Dieu ordonne à Abraham de pratiquer la circoncision.

Si Genèse 17 suit Genèse 15, c’est pour que nous sachions que le signe de l’alliance suit la démarche de foi. Marcher derrière Abraham, c’est se laisser guider par la foi. Les rites, les sacrements, viennent après ou ne prennent sens que lorsque la foi les éclaire.

Et l’obéissance à la loi ?

Elle n’est plus guide ou surveillant. Désormais, c’est la foi, qui nous lie à Christ, qui fait de nous des créatures nouvelles et des membres d’une nouvelle famille spirituelle.

Galates 3, 23-29 : Avant la venue de la foi, nous étions enfermés sous la garde de la loi, en vue de la foi qui devait être révélée.

Ainsi la loi a été comme un pédagogue pour nous conduire à Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi.

La foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue.

Car tous, vous êtes fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ ; vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ.

Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ.

Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité d’Abraham, héritiers selon la promesse.

Dieu prend l’initiative

C’est Dieu qui se tourne en premier vers nous, avant que nous le sachions et en prenions conscience. Paul en est convaincu. C’est ainsi qu’il comprend le message de l’Evangile. C’est ainsi qu’il comprend ce qu’il a personnellement vécu sur le chemin de Damas.

Pour exprimer cette idée, Paul reprend l’image juive de la filialité : nous sommes bien les enfants de Dieu. Mais il en modifie profondément le sens : nous ne sommes pas fils de Dieu parce que nous suivons la Torah. Nous le sommes parce qu’il nous a adoptés et qu’il nous a choisis bien avant que nous en soyons dignes ou même conscients.

Le combat spirituel

Dieu prend l’initiative et notre démarche est de l’ordre de la réponse émerveillée.

Pour autant, la foi ne va pas de soi. Nous ne la possédons pas, comme le ferait croire l’expression « avoir la foi ».

Nous ne choisissons pas une fois pour toutes de nous tourner vers Dieu.

La foi est un combat.

Ephésiens 6, 10-18 : Au reste, fortifiez-vous dans le Seigneur, et par sa force toute-puissante.

Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les ruses du diable.

Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes.

C’est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le mauvais jour, et tenir ferme après avoir tout surmonté.

Tenez donc ferme : ayez à vos reins la vérité pour ceinture ; revêtez la cuirasse de la justice ; mettez pour chaussure à vos pieds le zèle que donne l’Evangile de paix ; prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin ; prenez aussi le casque du salut, et l’épée de l’Esprit, qui est la parole de Dieu.

Faites en tout temps par l’Esprit toutes sortes de prières et de supplications. Veillez à cela avec une entière persévérance, et priez pour tous les saints.

Prière

La vie spirituelle se traduit, pour Paul comme pour tout croyant, par une vie rythmée par la prière. Paul est juif et s’il rompt avec le judaïsme pharisien, il gardera l’habitude de se rendre à la synagogue pour participer aux offices.

Une part importante de sa spiritualité est donc juive.

Voici un bel exemple de prière juive qui a pu inspirer la spiritualité de Paul :

Si notre bouche est remplie de chants comme la mer surabonde d’eaux, si nos langues entonnaient des cantiques puissants comme la force des vagues, si nos lèvres répandaient tes louanges jusqu’aux bornes des cieux, si nos yeux brillaient comme le soleil et la lune, si nos mains étaient étendus comme les ailes des aigles qui volent sous les cieux, si nos pieds avaient l’agilité des cerfs, nous ne suffirions pas à te rendre grâce – Eternel notre Dieu et Dieu de nos pères – et à louer ton nom, à cause d’un seul des mille myriades de bienfaits dont tu nous as comblés, nous et nos pères … Aussi, que les membres de nos corps, que l’âme et l’esprit que tu as disposés en nous, que la langue que tu as placée en notre bouche, que tous te rendent grâces, toute parole se consacrera à toi, tout genou fléchira devant toi, tout ce qui est debout se prosternera, tous les coeurs te craindront, tous les coeurs chanteront ton nom… car qui est semblable à toi ?

Nous y trouvons trois éléments constitutifs de la spiritualité juive : la grandeur de Dieu, la nécessité de l’adoration humaine, l’inévitable décalage entre la grandeur divine et la réponse humaine.

Paul vivra de cette spiritualité juive, comme d’ailleurs les Eglises chrétiennes, jusqu’à nos jours.

Puisant également à la source des liturgies des premières Eglises, il parsèmera ses lettres de prière, principalement d’exhortation, bénédiction, action de grâce et doxologie (de « logos » : parole et « doxa »: gloire. Si l’action de grâce loue Dieu pour ce qu’il fait, la doxologie le loue pour ce qu’il est).

Voici quelques exemples de prière.

Exhortation et bénédiction

Phi 4, 4-7 : « Réjouissez-vous dans le Seigneur en tout temps; je le répète, réjouissez-vous. Que votre bonté soit reconnue par tous les hommes. Ne soyez inquiets de rien, mais en toute occasion, par la prière et la supplication, accompagnées d’action de grâce, faites connaître vos demandes à Dieu. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ.

Action de grâce

I Co 15, 57 : Rendons grâce à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ

Action de grâce, bénédiction et doxologie

Ephésiens 2,15-23 : Voilà pourquoi, moi aussi, depuis que j’ai appris votre foi dans le Seigneur Jésus et votre amour pour tous les saints, je ne cesse de rendre grâce à votre sujet, lorsque je fais mention de vous dans mes prières.

Que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père à qui appartient la gloire, vous donne un esprit de sagesse qui vous le fasse connaître, qu’il ouvre votre coeur à sa lumière, pour que vous sachiez quelle espérance vous donne son appel, quelle est la richesse de sa gloire, de l’héritage qu’il vous fait partager avec les saints, quelle immense puissance il a déployée en notre faveur, à nous les croyants; son énergie, sa force toute puissante, il les a mises en oeuvre dans le Christ, lorsqu’il l’a ressuscité des morts et fait asseoir à sa droite dans les cieux, au-dessus de toute autorité, pouvoir, puissance souveraineté et de tout autre nom qui puisse nommé, non seulement dans ce monde mais encore dans le monde à venir.

Oui, il a tout mis à ses pieds (Ps 8) et il l’a donné, au sommet de tout, pour tête à l’Eglise, qui est son corps, la plénitude de Celui qui est son corps, la plénitude de Celui que Dieu remplit lui-même totalement.

Doxologie

Romains 16, 25-27 : A Celui qui a le pouvoir de vous affermir selon l’Evangile que j’annonce en prêchant Jésus-Christ, selon la révélation d’un mystère gardé dans le silence durant des temps éternels, mais maintenant manifesté et porté à la connaissance de tous les peuples païens par des écrits prophétiques, selon l’ordre du Dieu éternel, pour les conduire à l’obéissance de la foi, à Dieu, seul sage, gloire, par Jésus-Christ, aux siècles des siècles.

Amen

Bénédiction

Paul débute ou conclut souvent ses lettres par une parole de bénédiction :

II Co 1,2 : « A vous, grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ » (II Co 1,2.

Romains 15,13 : Que le Dieu de l’espérance nous remplisse de toute joie et de toute paix, dans la foi, afin que vous débordiez d’espérance, par la puissance du Saint-Esprit ».

Paul exhorte ses lecteurs à s’enraciner dans la prière car la prière est la condition de notre vitalité spirituelle et de la qualité de notre vie personnelle et communautaire.

I Thess 5, 12-28 : « Nous vous prions, frères, d’avoir de la considération pour ceux qui travaillent parmi vous, qui vous dirigent dans le Seigneur, et qui vous exhortent.

Ayez pour eux beaucoup d’affection, à cause de leur œuvre.

Soyez en paix entre vous.

Nous vous en prions aussi, frères, avertissez ceux qui vivent dans le désordre, consolez ceux qui sont abattus, supportez les faibles, usez de patience envers tous.

Prenez garde que personne ne rende à autrui le mal pour le mal ; mais poursuivez toujours le bien, soit entre vous, soit envers tous.

Soyez toujours joyeux.

Priez sans cesse.

Rendez grâces en toutes choses, car c’est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ.

N’éteignez pas l’Esprit.

Ne méprisez pas les prophéties, mais examinez toutes choses ; retenez ce qui est bon ; abstenez-vous de toute espèce de mal.

Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l’esprit, l’âme et le corps, soit conservé irréprochable, lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ !

Celui qui vous a appelés est fidèle, et c’est lui qui le fera.

Frères, priez pour nous.

Saluez tous les frères par un saint baiser.

Je vous en conjure par le Seigneur, que cette lettre soit lue à tous les frères.

Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous !

Et lorsque la prière de nous nourrit plus

Paul n’est pas un surdoué de la prière. Il sait, pour l’avoir lui-même vécu, que nous traversons parfois des tunnels spirituels plus ou moins longs.

Alors, en ce cas, il en appelle à l’Esprit afin qu’il rende notre vie prière de nouveau fructueuse. Et si tel n’est pas le cas, notre prière n’est pas pour autant inutile, même si nous n’en voyons pas les fruits.

Romains 8, 25-32 : Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance. De même aussi l’Esprit virent à notre aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il nous convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables ; et celui qui sonde les cœurs connaît quelle est la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints.

Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein.

Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, afin que son Fils fût le premier-né entre plusieurs frères.

Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.

Que dirons-nous donc à l’égard de ces choses ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui, qui n’a point épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui ?

Foi, gloire et souffrance

Pour Paul, vivre en Christ ne consiste pas simplement à suivre son enseignement moral ou à s’inspirer de sa relation avec Dieu. Jésus est davantage qu’un modèle moral ou un maître spirituel. Il est davantage qu’un Gandhi ou un Théodore Monod.

Il est le Christ.

Christ a accepté de s’abaisser et de souffrir, jusqu’à la mort, avant d’être relevé, ressuscité

En entrant dans une même dynamique d’obéissance et d’abaissement, le chrétien permet à Dieu d’agir puissamment en lui.

Philippiens 2, 1-11 : Si donc il y a quelque consolation en Christ, s’il y a quelque soulagement dans la charité, s’il y a quelque union d’esprit, s’il y a quelque compassion et quelque miséricorde, rendez ma joie parfaite, ayant un même sentiment, un même amour, une même âme, une même pensée.

Ne faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l’humilité vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes.

Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres.

Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ, lequel, existant en forme de Dieu, n’a point regardé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes ; et ayant paru comme un simple homme, il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix.

C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.

Paul reprend ici un hymne de l’Eglise primitive.

Le double thème de l’abaissement -élévation du Christ est consubstantiel au christianisme, à petir du couple croix – résurrection.

Paul en tire une analogie : Christ a été ressuscité et élevé par Dieu parce qu’il avait accepté de s’abaisser et de mourir sur la croix. De même, le croyant doit accepter – et non rechercher- un abaissement, des souffrances et parfois la mort, au nom de sa fidélité au Christ (et pas parce qu’il haïrait la vie comme le soupçonne Nietzsche).

S’il le fait, par exemple en considérant autrui comme supérieur à soi – alors il recevra de Dieu une puissance de vie Pas par récompense mais parce qu’il laisse Dieu agir en lui.

Une forme particulière de la spiritualité : la vision ou l’extase spirituelle

Paul use de la rhétorique grecque, il a été supérieurement bien formé au judaïsme par Gamaliel

Il est un intelelctuel de haut vol.

Il n’empêche, sa spiritualité a été bouelversée par des visions.

Il y a celle, inaugurale, sur le chemin de Damas.

Il y a celle, plus mystérieuse, qu’il évoque dans sa 2ème lettre aux Corinthiens, chapitre 12 :

Il faut se glorifier … Cela n’est pas bon.

J’en viendrai néanmoins à des visions et à des révélations du Seigneur.

Je connais un homme en Christ, qui fut, il y a quatorze ans, ravi jusqu’au troisième ciel (si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait).

Et je sais que cet homme (si ce fut dans son corps ou sans son corps je ne sais, Dieu le sait) fut enlevé dans le paradis, et qu’il entendit des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme d’exprimer.

Je me glorifierai d’un tel homme, mais de moi-même je ne me glorifierai pas, sinon de mes infirmités.

Si je voulais me glorifier, je ne serais pas un insensé, car je dirais la vérité ; mais je m’en abstiens, afin que personne n’ait à mon sujet une opinion supérieure à ce qu’il voit en moi ou à ce qu’il entend de moi.

Ainsi marqué par ces expériences, Paul inclura toujours la vision ou expérience mystique, comme l’une des formes possibles de spiritualité.

Excursus : Paul et l’Ancien Testament

Paul a été formé par Gamaliel. Il a donc une très bonne connaissance de la Torah et des méthodes d’interprétation rabbiniques. Il revndiquera constamment cet enracinement et consacrera trois chapitres de sa lettre aux Romains (Rms 9-11) sur les liens indéfectibles entre le judaîsme et la foi chrétienne. Il écrit magnifiquement : « Si quelques-unes des branches ont été coupées, tandis que toi, olivier sauvage, tu as été greffé parmi les branches restantes de l’olivier, pour avoir part avec elles à la richesse de la racine, ne va pas faire le fier aux dépens des branches. Tu peux bien faire le fier ! Ce n’est pas toi qui portes la racine mais c’est la racine qui te porte« . (Rms 11,17-18)

Par ailleurs, Paul situe la bonne nouvelle dans le cadre de l’alliance conclue avec le peuple juif.

Du judaïsme à l’universalité

Greffe des autres peuples

Ephésiens 3, 18-22 : C’est grâce à lui (le Christ) que les uns et les autres, dans un seul Esprit, nous avons l’accès auprès du Père. Ainsi, vous n’êtes plus des étrangers, ni des émigrés; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la famille de Dieu. Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et Jésus-Christ lui-même comme pierre maitresse? C’est en lui que toute construction s’ajuste et s’élève pouyr former un temple saint dans le Seigneur. C’est en lui que, vous aussi, vous êtes ensemble intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit

Paul et la spiritualité

La foi : de la postérité d’Abraham

La foi n’est pas un thème en soi. Il n’en donne pas une définition. A la limite, la foi n’existe pas, seule compte la foi en …

La foi est moins une démarche de l’être humain qui fait le pari de croire qu’une simple acceptaiton de l’action de Dieu. Avoir la foi, c’est reconnaître et admettre que Dieu m’a déjà tout donné.

Dans le judaïsme, le prototype du croyant est Abraham, en tant que père d’Israël.

Cette tradition se prolonge dans le christianisme primitif : les premiers chrétiens se veulent enfants d’Abraham, héritiers de la promesse.

Paul élucide ce qu’est la foi, à partir de Genèse 15,6 : « Abraham crut en Dieu et celà lui fut compté comme justice ».

La foi a partie liée avec l’obéissance. Avoir la foi, c’est suivre Dieu, lui faire confiance.

Dans la démarche de foi, à quoi servent les rites ?

En Genèse 17, Dieu ordonne à Abraham de pratiquer la circoncision.

Si Genèse 17 suit Genèse 15, c’est pour que nous sachions que le signe de l’alliance suit la démarche de foi. Marcher derrière Abraham, c’est se laisser guider par la foi. Les rites, les sacrements, viennent après ou ne prennent sens que lorsque la foi les éclaire.

Et l’obéissance à la loi ?

Elle n’est plus guide ou surveillant. Désormais, c’est la foi, qui nous lie à Christ, qui fait de nous des créatures nouvelles et des membres d’une nouvelle famille spirituelle.

Galates 3, 23-29 : Avant la venue de la foi, nous étions enfermés sous la garde de la loi, en vue de la foi qui devait être révélée.

Ainsi la loi a été comme un pédagogue pour nous conduire à Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi.

La foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue.

Car tous, vous êtes fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ ; vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ.

Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ.

Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité d’Abraham, héritiers selon la promesse.

Dieu prend l’initiative

C’est Dieu qui se tourne en premier vers nous, avant que nous le sachions et en prenions conscience. Paul en est convaincu. C’est ainsi qu’il comprend le message de l’Evangile. C’est ainsi qu’il comprend ce qu’il a personnellement vécu sur le chemin de Damas.

Pour exprimer cette idée, Paul reprend l’image juive de la filialité : nous sommes bien les enfants de Dieu. Mais il en modifie profondément le sens : nous ne sommes pas fils de Dieu parce que nous suivons la Torah. Nous le sommes parce qu’il nous a adoptés et qu’il nous a choisis bien avant que nous en soyons dignes ou même conscients.

Le combat spirituel

Dieu prend l’initiative et notre démarche est de l’ordre de la réponse émerveillée.

Pour autant, la foi ne va pas de soi. Nous ne la possédons pas, comme le ferait croire l’expression « avoir la foi ».

Nous ne choisissons pas une fois pour toutes de nous tourner vers Dieu.

La foi est un combat.

Ephésiens 6, 10-18 : Au reste, fortifiez-vous dans le Seigneur, et par sa force toute-puissante.

Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les ruses du diable.

Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes.

C’est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le mauvais jour, et tenir ferme après avoir tout surmonté.

Tenez donc ferme : ayez à vos reins la vérité pour ceinture ; revêtez la cuirasse de la justice ; mettez pour chaussure à vos pieds le zèle que donne l’Evangile de paix ; prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin ; prenez aussi le casque du salut, et l’épée de l’Esprit, qui est la parole de Dieu.

Faites en tout temps par l’Esprit toutes sortes de prières et de supplications. Veillez à cela avec une entière persévérance, et priez pour tous les saints.

Prière

La vie spirituelle se traduit, pour Paul comme pour tout croyant, par une vie rythmée par la prière. Paul est juif et s’il rompt avec le judaïsme pharisien, il gardera l’habitude de se rendre à la synagogue pour participer aux offices.

Une part importante de sa spiritualité est donc juive.

Voici un bel exemple de prière juive qui a pu inspirer la spiritualité de Paul :

Si notre bouche est remplie de chants comme la mer surabonde d’eaux, si nos langues entonnaient des cantiques puissants comme la force des vagues, si nos lèvres répandaient tes louanges jusqu’aux bornes des cieux, si nos yeux brillaient comme le soleil et la lune, si nos mains étaient étendus comme les ailes des aigles qui volent sous les cieux, si nos pieds avaient l’agilité des cerfs, nous ne suffirions pas à te rendre grâce – Eternel notre Dieu et Dieu de nos pères – et à louer ton nom, à cause d’un seul des mille myriades de bienfaits dont tu nous as comblés, nous et nos pères … Aussi, que les membres de nos corps, que l’âme et l’esprit que tu as disposés en nous, que la langue que tu as placée en notre bouche, que tous te rendent grâces, toute parole se consacrera à toi, tout genou fléchira devant toi, tout ce qui est debout se prosternera, tous les coeurs te craindront, tous les coeurs chanteront ton nom… car qui est semblable à toi ?

Nous y trouvons trois éléments constitutifs de la spiritualité juive : la grandeur de Dieu, la nécessité de l’adoration humaine, l’inévitable décalage entre la grandeur divine et la réponse humaine.

Paul vivra de cette spiritualité juive, comme d’ailleurs les Eglises chrétiennes, jusqu’à nos jours.

Puisant également à la source des liturgies des premières Eglises, il parsèmera ses lettres de prière, principalement d’exhortation, bénédiction, action de grâce et doxologie (de « logos » : parole et « doxa »: gloire. Si l’action de grâce loue Dieu pour ce qu’il fait, la doxologie le loue pour ce qu’il est).

Voici quelques exemples de prière.

Exhortation et bénédiction

Phi 4, 4-7 : « Réjouissez-vous dans le Seigneur en tout temps; je le répète, réjouissez-vous. Que votre bonté soit reconnue par tous les hommes. Ne soyez inquiets de rien, mais en toute occasion, par la prière et la supplication, accompagnées d’action de grâce, faites connaître vos demandes à Dieu. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ.

Action de grâce

I Co 15, 57 : Rendons grâce à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ

Action de grâce, bénédiction et doxologie

Ephésiens 2,15-23 : Voilà pourquoi, moi aussi, depuis que j’ai appris votre foi dans le Seigneur Jésus et votre amour pour tous les saints, je ne cesse de rendre grâce à votre sujet, lorsque je fais mention de vous dans mes prières.

Que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père à qui appartient la gloire, vous donne un esprit de sagesse qui vous le fasse connaître, qu’il ouvre votre coeur à sa lumière, pour que vous sachiez quelle espérance vous donne son appel, quelle est la richesse de sa gloire, de l’héritage qu’il vous fait partager avec les saints, quelle immense puissance il a déployée en notre faveur, à nous les croyants; son énergie, sa force toute puissante, il les a mises en oeuvre dans le Christ, lorsqu’il l’a ressuscité des morts et fait asseoir à sa droite dans les cieux, au-dessus de toute autorité, pouvoir, puissance souveraineté et de tout autre nom qui puisse nommé, non seulement dans ce monde mais encore dans le monde à venir.

Oui, il a tout mis à ses pieds (Ps 8) et il l’a donné, au sommet de tout, pour tête à l’Eglise, qui est son corps, la plénitude de Celui qui est son corps, la plénitude de Celui que Dieu remplit lui-même totalement.

Doxologie

Romains 16, 25-27 : A Celui qui a le pouvoir de vous affermir selon l’Evangile que j’annonce en prêchant Jésus-Christ, selon la révélation d’un mystère gardé dans le silence durant des temps éternels, mais maintenant manifesté et porté à la connaissance de tous les peuples païens par des écrits prophétiques, selon l’ordre du Dieu éternel, pour les conduire à l’obéissance de la foi, à Dieu, seul sage, gloire, par Jésus-Christ, aux siècles des siècles.

Amen

Bénédiction

Paul débute ou conclut souvent ses lettres par une parole de bénédiction :

II Co 1,2 : « A vous, grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ » (II Co 1,2.

Romains 15,13 : Que le Dieu de l’espérance nous remplisse de toute joie et de toute paix, dans la foi, afin que vous débordiez d’espérance, par la puissance du Saint-Esprit ».

Paul exhorte ses lecteurs à s’enraciner dans la prière car la prière est la condition de notre vitalité spirituelle et de la qualité de notre vie personnelle et communautaire.

I Thess 5, 12-28 : « Nous vous prions, frères, d’avoir de la considération pour ceux qui travaillent parmi vous, qui vous dirigent dans le Seigneur, et qui vous exhortent.

Ayez pour eux beaucoup d’affection, à cause de leur œuvre.

Soyez en paix entre vous.

Nous vous en prions aussi, frères, avertissez ceux qui vivent dans le désordre, consolez ceux qui sont abattus, supportez les faibles, usez de patience envers tous.

Prenez garde que personne ne rende à autrui le mal pour le mal ; mais poursuivez toujours le bien, soit entre vous, soit envers tous.

Soyez toujours joyeux.

Priez sans cesse.

Rendez grâces en toutes choses, car c’est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ.

N’éteignez pas l’Esprit.

Ne méprisez pas les prophéties, mais examinez toutes choses ; retenez ce qui est bon ; abstenez-vous de toute espèce de mal.

Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l’esprit, l’âme et le corps, soit conservé irréprochable, lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ !

Celui qui vous a appelés est fidèle, et c’est lui qui le fera.

Frères, priez pour nous.

Saluez tous les frères par un saint baiser.

Je vous en conjure par le Seigneur, que cette lettre soit lue à tous les frères.

Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous !

Et lorsque la prière de nous nourrit plus

Paul n’est pas un surdoué de la prière. Il sait, pour l’avoir lui-même vécu, que nous traversons parfois des tunnels spirituels plus ou moins longs.

Alors, en ce cas, il en appelle à l’Esprit afin qu’il rende notre vie prière de nouveau fructueuse. Et si tel n’est pas le cas, notre prière n’est pas pour autant inutile, même si nous n’en voyons pas les fruits.

Romains 8, 25-32 : Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance. De même aussi l’Esprit virent à notre aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il nous convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables ; et celui qui sonde les cœurs connaît quelle est la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints.

Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein.

Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, afin que son Fils fût le premier-né entre plusieurs frères.

Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.

Que dirons-nous donc à l’égard de ces choses ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui, qui n’a point épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui ?

Foi, gloire et souffrance

Pour Paul, vivre en Christ ne consiste pas simplement à suivre son enseignement moral ou à s’inspirer de sa relation avec Dieu. Jésus est davantage qu’un modèle moral ou un maître spirituel. Il est davantage qu’un Gandhi ou un Théodore Monod.

Il est le Christ.

Christ a accepté de s’abaisser et de souffrir, jusqu’à la mort, avant d’être relevé, ressuscité

En entrant dans une même dynamique d’obéissance et d’abaissement, le chrétien permet à Dieu d’agir puissamment en lui.

Philippiens 2, 1-11 : Si donc il y a quelque consolation en Christ, s’il y a quelque soulagement dans la charité, s’il y a quelque union d’esprit, s’il y a quelque compassion et quelque miséricorde, rendez ma joie parfaite, ayant un même sentiment, un même amour, une même âme, une même pensée.

Ne faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l’humilité vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes.

Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres.

Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ, lequel, existant en forme de Dieu, n’a point regardé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes ; et ayant paru comme un simple homme, il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix.

C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.

Paul reprend ici un hymne de l’Eglise primitive.

Le double thème de l’abaissement -élévation du Christ est consubstantiel au christianisme, à petir du couple croix – résurrection.

Paul en tire une analogie : Christ a été ressuscité et élevé par Dieu parce qu’il avait accepté de s’abaisser et de mourir sur la croix. De même, le croyant doit accepter – et non rechercher- un abaissement, des souffrances et parfois la mort, au nom de sa fidélité au Christ (et pas parce qu’il haïrait la vie comme le soupçonne Nietzsche).

S’il le fait, par exemple en considérant autrui comme supérieur à soi – alors il recevra de Dieu une puissance de vie Pas par récompense mais parce qu’il laisse Dieu agir en lui.

Une forme particulière de la spiritualité : la vision ou l’extase spirituelle

Paul use de la rhétorique grecque, il a été supérieurement bien formé au judaïsme par Gamaliel

Il est un intelelctuel de haut vol.

Il n’empêche, sa spiritualité a été bouelversée par des visions.

Il y a celle, inaugurale, sur le chemin de Damas.

Il y a celle, plus mystérieuse, qu’il évoque dans sa 2ème lettre aux Corinthiens, chapitre 12 :

Il faut se glorifier … Cela n’est pas bon.

J’en viendrai néanmoins à des visions et à des révélations du Seigneur.

Je connais un homme en Christ, qui fut, il y a quatorze ans, ravi jusqu’au troisième ciel (si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait).

Et je sais que cet homme (si ce fut dans son corps ou sans son corps je ne sais, Dieu le sait) fut enlevé dans le paradis, et qu’il entendit des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme d’exprimer.

Je me glorifierai d’un tel homme, mais de moi-même je ne me glorifierai pas, sinon de mes infirmités.

Si je voulais me glorifier, je ne serais pas un insensé, car je dirais la vérité ; mais je m’en abstiens, afin que personne n’ait à mon sujet une opinion supérieure à ce qu’il voit en moi ou à ce qu’il entend de moi.

Ainsi marqué par ces expériences, Paul inclura toujours la vision ou expérience mystique, comme l’une des formes possibles de spiritualité.

Excursus : Paul et l’Ancien Testament

Paul a été formé par Gamaliel. Il a donc une très bonne connaissance de la Torah et des méthodes d’interprétation rabbiniques. Il revndiquera constamment cet enracinement et consacrera trois chapitres de sa lettre aux Romains (Rms 9-11) sur les liens indéfectibles entre le judaîsme et la foi chrétienne. Il écrit magnifiquement : « Si quelques-unes des branches ont été coupées, tandis que toi, olivier sauvage, tu as été greffé parmi les branches restantes de l’olivier, pour avoir part avec elles à la richesse de la racine, ne va pas faire le fier aux dépens des branches. Tu peux bien faire le fier ! Ce n’est pas toi qui portes la racine mais c’est la racine qui te porte« . (Rms 11,17-18)

Par ailleurs, Paul situe la bonne nouvelle dans le cadre de l’alliance conclue avec le peuple juif.

Du judaïsme à l’universalité

Greffe des autres peuples

Ephésiens 3, 18-22 : C’est grâce à lui (le Christ) que les uns et les autres, dans un seul Esprit, nous avons l’accès auprès du Père. Ainsi, vous n’êtes plus des étrangers, ni des émigrés; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la famille de Dieu. Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et Jésus-Christ lui-même comme pierre maitresse? C’est en lui que toute construction s’ajuste et s’élève pouyr former un temple saint dans le Seigneur. C’est en lui que, vous aussi, vous êtes ensemble intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit

Paul et la spiritualité

La foi : de la postérité d’Abraham

La foi n’est pas un thème en soi. Il n’en donne pas une définition. A la limite, la foi n’existe pas, seule compte la foi en …

La foi est moins une démarche de l’être humain qui fait le pari de croire qu’une simple acceptaiton de l’action de Dieu. Avoir la foi, c’est reconnaître et admettre que Dieu m’a déjà tout donné.

Dans le judaïsme, le prototype du croyant est Abraham, en tant que père d’Israël.

Cette tradition se prolonge dans le christianisme primitif : les premiers chrétiens se veulent enfants d’Abraham, héritiers de la promesse.

Paul élucide ce qu’est la foi, à partir de Genèse 15,6 : « Abraham crut en Dieu et celà lui fut compté comme justice ».

La foi a partie liée avec l’obéissance. Avoir la foi, c’est suivre Dieu, lui faire confiance.

Dans la démarche de foi, à quoi servent les rites ?

En Genèse 17, Dieu ordonne à Abraham de pratiquer la circoncision.

Si Genèse 17 suit Genèse 15, c’est pour que nous sachions que le signe de l’alliance suit la démarche de foi. Marcher derrière Abraham, c’est se laisser guider par la foi. Les rites, les sacrements, viennent après ou ne prennent sens que lorsque la foi les éclaire.

Et l’obéissance à la loi ?

Elle n’est plus guide ou surveillant. Désormais, c’est la foi, qui nous lie à Christ, qui fait de nous des créatures nouvelles et des membres d’une nouvelle famille spirituelle.

Galates 3, 23-29 : Avant la venue de la foi, nous étions enfermés sous la garde de la loi, en vue de la foi qui devait être révélée.

Ainsi la loi a été comme un pédagogue pour nous conduire à Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi.

La foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue.

Car tous, vous êtes fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ ; vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ.

Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ.

Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité d’Abraham, héritiers selon la promesse.

Dieu prend l’initiative

C’est Dieu qui se tourne en premier vers nous, avant que nous le sachions et en prenions conscience. Paul en est convaincu. C’est ainsi qu’il comprend le message de l’Evangile. C’est ainsi qu’il comprend ce qu’il a personnellement vécu sur le chemin de Damas.

Pour exprimer cette idée, Paul reprend l’image juive de la filialité : nous sommes bien les enfants de Dieu. Mais il en modifie profondément le sens : nous ne sommes pas fils de Dieu parce que nous suivons la Torah. Nous le sommes parce qu’il nous a adoptés et qu’il nous a choisis bien avant que nous en soyons dignes ou même conscients.

Le combat spirituel

Dieu prend l’initiative et notre démarche est de l’ordre de la réponse émerveillée.

Pour autant, la foi ne va pas de soi. Nous ne la possédons pas, comme le ferait croire l’expression « avoir la foi ».

Nous ne choisissons pas une fois pour toutes de nous tourner vers Dieu.

La foi est un combat.

Ephésiens 6, 10-18 : Au reste, fortifiez-vous dans le Seigneur, et par sa force toute-puissante.

Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les ruses du diable.

Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes.

C’est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le mauvais jour, et tenir ferme après avoir tout surmonté.

Tenez donc ferme : ayez à vos reins la vérité pour ceinture ; revêtez la cuirasse de la justice ; mettez pour chaussure à vos pieds le zèle que donne l’Evangile de paix ; prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin ; prenez aussi le casque du salut, et l’épée de l’Esprit, qui est la parole de Dieu.

Faites en tout temps par l’Esprit toutes sortes de prières et de supplications. Veillez à cela avec une entière persévérance, et priez pour tous les saints.

Prière

La vie spirituelle se traduit, pour Paul comme pour tout croyant, par une vie rythmée par la prière. Paul est juif et s’il rompt avec le judaïsme pharisien, il gardera l’habitude de se rendre à la synagogue pour participer aux offices.

Une part importante de sa spiritualité est donc juive.

Voici un bel exemple de prière juive qui a pu inspirer la spiritualité de Paul :

Si notre bouche est remplie de chants comme la mer surabonde d’eaux, si nos langues entonnaient des cantiques puissants comme la force des vagues, si nos lèvres répandaient tes louanges jusqu’aux bornes des cieux, si nos yeux brillaient comme le soleil et la lune, si nos mains étaient étendus comme les ailes des aigles qui volent sous les cieux, si nos pieds avaient l’agilité des cerfs, nous ne suffirions pas à te rendre grâce – Eternel notre Dieu et Dieu de nos pères – et à louer ton nom, à cause d’un seul des mille myriades de bienfaits dont tu nous as comblés, nous et nos pères … Aussi, que les membres de nos corps, que l’âme et l’esprit que tu as disposés en nous, que la langue que tu as placée en notre bouche, que tous te rendent grâces, toute parole se consacrera à toi, tout genou fléchira devant toi, tout ce qui est debout se prosternera, tous les coeurs te craindront, tous les coeurs chanteront ton nom… car qui est semblable à toi ?

Nous y trouvons trois éléments constitutifs de la spiritualité juive : la grandeur de Dieu, la nécessité de l’adoration humaine, l’inévitable décalage entre la grandeur divine et la réponse humaine.

Paul vivra de cette spiritualité juive, comme d’ailleurs les Eglises chrétiennes, jusqu’à nos jours.

Puisant également à la source des liturgies des premières Eglises, il parsèmera ses lettres de prière, principalement d’exhortation, bénédiction, action de grâce et doxologie (de « logos » : parole et « doxa »: gloire. Si l’action de grâce loue Dieu pour ce qu’il fait, la doxologie le loue pour ce qu’il est).

Voici quelques exemples de prière.

Exhortation et bénédiction

Phi 4, 4-7 : « Réjouissez-vous dans le Seigneur en tout temps; je le répète, réjouissez-vous. Que votre bonté soit reconnue par tous les hommes. Ne soyez inquiets de rien, mais en toute occasion, par la prière et la supplication, accompagnées d’action de grâce, faites connaître vos demandes à Dieu. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ.

Action de grâce

I Co 15, 57 : Rendons grâce à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ

Action de grâce, bénédiction et doxologie

Ephésiens 2,15-23 : Voilà pourquoi, moi aussi, depuis que j’ai appris votre foi dans le Seigneur Jésus et votre amour pour tous les saints, je ne cesse de rendre grâce à votre sujet, lorsque je fais mention de vous dans mes prières.

Que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père à qui appartient la gloire, vous donne un esprit de sagesse qui vous le fasse connaître, qu’il ouvre votre coeur à sa lumière, pour que vous sachiez quelle espérance vous donne son appel, quelle est la richesse de sa gloire, de l’héritage qu’il vous fait partager avec les saints, quelle immense puissance il a déployée en notre faveur, à nous les croyants; son énergie, sa force toute puissante, il les a mises en oeuvre dans le Christ, lorsqu’il l’a ressuscité des morts et fait asseoir à sa droite dans les cieux, au-dessus de toute autorité, pouvoir, puissance souveraineté et de tout autre nom qui puisse nommé, non seulement dans ce monde mais encore dans le monde à venir.

Oui, il a tout mis à ses pieds (Ps 8) et il l’a donné, au sommet de tout, pour tête à l’Eglise, qui est son corps, la plénitude de Celui qui est son corps, la plénitude de Celui que Dieu remplit lui-même totalement.

Doxologie

Romains 16, 25-27 : A Celui qui a le pouvoir de vous affermir selon l’Evangile que j’annonce en prêchant Jésus-Christ, selon la révélation d’un mystère gardé dans le silence durant des temps éternels, mais maintenant manifesté et porté à la connaissance de tous les peuples païens par des écrits prophétiques, selon l’ordre du Dieu éternel, pour les conduire à l’obéissance de la foi, à Dieu, seul sage, gloire, par Jésus-Christ, aux siècles des siècles.

Amen

Bénédiction

Paul débute ou conclut souvent ses lettres par une parole de bénédiction :

II Co 1,2 : « A vous, grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ » (II Co 1,2.

Romains 15,13 : Que le Dieu de l’espérance nous remplisse de toute joie et de toute paix, dans la foi, afin que vous débordiez d’espérance, par la puissance du Saint-Esprit ».

Paul exhorte ses lecteurs à s’enraciner dans la prière car la prière est la condition de notre vitalité spirituelle et de la qualité de notre vie personnelle et communautaire.

I Thess 5, 12-28 : « Nous vous prions, frères, d’avoir de la considération pour ceux qui travaillent parmi vous, qui vous dirigent dans le Seigneur, et qui vous exhortent.

Ayez pour eux beaucoup d’affection, à cause de leur œuvre.

Soyez en paix entre vous.

Nous vous en prions aussi, frères, avertissez ceux qui vivent dans le désordre, consolez ceux qui sont abattus, supportez les faibles, usez de patience envers tous.

Prenez garde que personne ne rende à autrui le mal pour le mal ; mais poursuivez toujours le bien, soit entre vous, soit envers tous.

Soyez toujours joyeux.

Priez sans cesse.

Rendez grâces en toutes choses, car c’est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ.

N’éteignez pas l’Esprit.

Ne méprisez pas les prophéties, mais examinez toutes choses ; retenez ce qui est bon ; abstenez-vous de toute espèce de mal.

Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l’esprit, l’âme et le corps, soit conservé irréprochable, lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ !

Celui qui vous a appelés est fidèle, et c’est lui qui le fera.

Frères, priez pour nous.

Saluez tous les frères par un saint baiser.

Je vous en conjure par le Seigneur, que cette lettre soit lue à tous les frères.

Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous !

Et lorsque la prière de nous nourrit plus

Paul n’est pas un surdoué de la prière. Il sait, pour l’avoir lui-même vécu, que nous traversons parfois des tunnels spirituels plus ou moins longs.

Alors, en ce cas, il en appelle à l’Esprit afin qu’il rende notre vie prière de nouveau fructueuse. Et si tel n’est pas le cas, notre prière n’est pas pour autant inutile, même si nous n’en voyons pas les fruits.

Romains 8, 25-32 : Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance. De même aussi l’Esprit virent à notre aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il nous convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables ; et celui qui sonde les cœurs connaît quelle est la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints.

Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein.

Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, afin que son Fils fût le premier-né entre plusieurs frères.

Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.

Que dirons-nous donc à l’égard de ces choses ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui, qui n’a point épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui ?

Foi, gloire et souffrance

Pour Paul, vivre en Christ ne consiste pas simplement à suivre son enseignement moral ou à s’inspirer de sa relation avec Dieu. Jésus est davantage qu’un modèle moral ou un maître spirituel. Il est davantage qu’un Gandhi ou un Théodore Monod.

Il est le Christ.

Christ a accepté de s’abaisser et de souffrir, jusqu’à la mort, avant d’être relevé, ressuscité

En entrant dans une même dynamique d’obéissance et d’abaissement, le chrétien permet à Dieu d’agir puissamment en lui.

Philippiens 2, 1-11 : Si donc il y a quelque consolation en Christ, s’il y a quelque soulagement dans la charité, s’il y a quelque union d’esprit, s’il y a quelque compassion et quelque miséricorde, rendez ma joie parfaite, ayant un même sentiment, un même amour, une même âme, une même pensée.

Ne faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l’humilité vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes.

Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres.

Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ, lequel, existant en forme de Dieu, n’a point regardé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes ; et ayant paru comme un simple homme, il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix.

C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.

Paul reprend ici un hymne de l’Eglise primitive.

Le double thème de l’abaissement -élévation du Christ est consubstantiel au christianisme, à petir du couple croix – résurrection.

Paul en tire une analogie : Christ a été ressuscité et élevé par Dieu parce qu’il avait accepté de s’abaisser et de mourir sur la croix. De même, le croyant doit accepter – et non rechercher- un abaissement, des souffrances et parfois la mort, au nom de sa fidélité au Christ (et pas parce qu’il haïrait la vie comme le soupçonne Nietzsche).

S’il le fait, par exemple en considérant autrui comme supérieur à soi – alors il recevra de Dieu une puissance de vie Pas par récompense mais parce qu’il laisse Dieu agir en lui.

Une forme particulière de la spiritualité : la vision ou l’extase spirituelle

Paul use de la rhétorique grecque, il a été supérieurement bien formé au judaïsme par Gamaliel

Il est un intelelctuel de haut vol.

Il n’empêche, sa spiritualité a été bouelversée par des visions.

Il y a celle, inaugurale, sur le chemin de Damas.

Il y a celle, plus mystérieuse, qu’il évoque dans sa 2ème lettre aux Corinthiens, chapitre 12 :

Il faut se glorifier … Cela n’est pas bon.

J’en viendrai néanmoins à des visions et à des révélations du Seigneur.

Je connais un homme en Christ, qui fut, il y a quatorze ans, ravi jusqu’au troisième ciel (si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait).

Et je sais que cet homme (si ce fut dans son corps ou sans son corps je ne sais, Dieu le sait) fut enlevé dans le paradis, et qu’il entendit des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme d’exprimer.

Je me glorifierai d’un tel homme, mais de moi-même je ne me glorifierai pas, sinon de mes infirmités.

Si je voulais me glorifier, je ne serais pas un insensé, car je dirais la vérité ; mais je m’en abstiens, afin que personne n’ait à mon sujet une opinion supérieure à ce qu’il voit en moi ou à ce qu’il entend de moi.

Ainsi marqué par ces expériences, Paul inclura toujours la vision ou expérience mystique, comme l’une des formes possibles de spiritualité.

Excursus : Paul et l’Ancien Testament

Paul a été formé par Gamaliel. Il a donc une très bonne connaissance de la Torah et des méthodes d’interprétation rabbiniques. Il revndiquera constamment cet enracinement et consacrera trois chapitres de sa lettre aux Romains (Rms 9-11) sur les liens indéfectibles entre le judaîsme et la foi chrétienne. Il écrit magnifiquement : « Si quelques-unes des branches ont été coupées, tandis que toi, olivier sauvage, tu as été greffé parmi les branches restantes de l’olivier, pour avoir part avec elles à la richesse de la racine, ne va pas faire le fier aux dépens des branches. Tu peux bien faire le fier ! Ce n’est pas toi qui portes la racine mais c’est la racine qui te porte« . (Rms 11,17-18)

Par ailleurs, Paul situe la bonne nouvelle dans le cadre de l’alliance conclue avec le peuple juif.

Du judaïsme à l’universalité

Greffe des autres peuples

Ephésiens 3, 18-22 : C’est grâce à lui (le Christ) que les uns et les autres, dans un seul Esprit, nous avons l’accès auprès du Père. Ainsi, vous n’êtes plus des étrangers, ni des émigrés; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la famille de Dieu. Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et Jésus-Christ lui-même comme pierre maitresse? C’est en lui que toute construction s’ajuste et s’élève pouyr former un temple saint dans le Seigneur. C’est en lui que, vous aussi, vous êtes ensemble intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit