La rencontre inaboutie de Jésus avec un homme riche.

Dimanche 7 décembre 2014

Texte biblique : Luc 18,17-31jeune-homme-riche_160

Cet homme a tout pour lui; c’est un modèle de réussite sociale.

Il est entreprenant. Il a de l’argent… mais il n’a pas que cela.

Il est exigeant avec lui-même ; il ne transige pas avec la morale ; il s’efforce de vivre en adulte responsable.

Enfin, « cerise sur le gâteau », cet homme est également croyant et s’efforce de mettre en pratique les commandements de Dieu.

La richesse, la réussite, la profondeur intérieure, l’éthique, la recherche spirituelle : cet homme a tout pour lui.

Il est, dans tous les sens du terme, un homme riche.

Pourtant, cela ne lui suffit pas ; il voudrait recevoir la vie éternelle ; il est en quête d’autre chose, d’une vie lumineuse, ici et maintenant.

Ces derniers temps, au cours de rencontres ou d’entretiens, j’ai souvent entendu la même quête de sens et de paix intérieure : « J’ai bien réussi dans ma vie, j’ai un bon métier, j’ai un bon conjoint, des enfants, des petits-enfants, je crois en Dieu, j’essaie de me conduire correctement. Pourtant, j’ai le sentiment passer à côté de l’essentiel. Comment ouvrir ma vie ? Comment y mettre de la couleur ? »

L’homme riche nous ressemble beaucoup. C’est pourquoi nous allons suivre sa rencontre avec Jésus, pas à pas.

Première remarque, l’homme est sincère dans sa démarche.

Il ne tend pas un piège à Jésus.

Comme Nicodème, il fait partie de ces personnes, en quête de salut, qui demandent à Jésus de leur indiquer le chemin. « Bon maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? »

Cet homme attend probablement de Jésus des règles et des lois supplémentaires.

Pourtant, comme il l’explique lui-même, il suit la Loi de Dieu depuis sa jeunesse.

Il suit la Torah, c’est-à-dire les 613 commandements différents que contient la Loi de Moïse… sans parler des milliers d’ajouts qui ont été fait.

Seulement, sa vie n’a pas changé en profondeur.

L’homme n’est pas devenu plus paisible, plus lumineux.

La vie éternelle n’était pas au bout du chemin.

Au contraire, plus il s’est montré scrupuleux et moins il s’est senti proche de Dieu.

Alors, il espère que Jésus mettra la barre encore plus haut, lui fournira une nouvelle loi, plus contraignante, qui, enfin, fera de lui un juste et lui donnera la paix et la joie auxquelles il aspire tant.

« Que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? »

Devoir, Faire, hériter : trois verbes caractéristiques de sa psychologie. Cet homme compte sur ses efforts pour se rapprocher de Dieu. Il pourrait vivre à notre époque. Car la promesse de modernité, c’est qu’en définitive, tout dépendrait de nous ; notre vie serait entre nos propres mains, nous serions notre propre sauveur.

Pour assurer ce salut, nous essayons différents chemins.

Comme l’interlocuteur de Jésus, certains se donnent toujours plus de devoirs, toujours plus d’obligations, dans l’espoir vain de plaire à Dieu, aux autres ou à eux-mêmes.

Seulement, plus ils font des efforts et moins ils se raprochent du but recherché, un peu comme un nageur qui veut rejoindre la côte mais voit cette dernière s’éloigner au fur et à mesure.

Le perfectionnisme moral ou religieux peut conduire à la rigueur, à l’orgueil ou au désespoir mais il ne débouche jamais sur la paix intérieure, sur cette joie parfaite que Jésus promet à ses disciples. C’est l’expérience de tant de croyants : l’homme riche, mais aussi Paul, Luther ou Kirkegaard, toi peut-être.

Devant ce constat, d’autres chemins sont actuellement plus fréquentés.

Il y a la quête initiatique : pour que sa vie ait du sens, il faut découvrir qui on est, se connaître pleinement, mobiliser ses énergies, développer son potentiel, suivre des séminaires de développement personnel

D’autres attendent des psychothérapies rapides, non seulement un mieux être – ce qui est légitime – mais aussi la paix intérieure.

Seulement, pas plus que l’obéissance à la Loi de Dieu, ces chemins ne conduisent au but recherché.

Quelle que soit la méthode employée, la vie éternelle est hors de portée de nos efforts.

Alors, que faire ?

« Une seule chose te manque » répond Jésus « vend tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres, puis viens et suis-moi. Et tu auras un trésor dans les cieux ».

Vous l’avez sûrement remarqué : Jésus ne répond pas à l’attente de l’homme. Il ne lui propose pas une nouvelle loi mais une rencontre, avec lui« Viens, suis-moi »

L’homme se demandait quoi faire pour hériter la vie éternelle. « Rien » lui répond le Christ, sinon me suivre.

Tout ce que l’homme désirait, tout ce qu’il recherchait depuis sa naissance, Christ se propose de le lui donner maintenant: la paix, la joie, l’amour, la proximité de Dieu, après la mort et durant notre existence, autrement dit la vie éternelle.

Chers amis, la vie éternelle ne se conquiert pas ; elle s’accueille. Elle exige moins d’effort que de disponibilité.

Elle n’est pas le point d’orgue d’une existence pleine et fervente, elle en est la source.

Prenons l’exemple des relations avec notre entourage.

Nous croyons qu’aimer véritablement notre prochain est affaire de volonté pure. Alors, nous nous forçons à être attentifs aux autres, à donner du temps et de l’argent à ceux qui en ont besoin, à écouter autrui plutôt que nous-même.

Au bout du compte, nous sommes bien loin de l’amour véritable, quand nous ne finissons pas dans la culpabilité ou le ressentiment.

Comme la paix ou la joie, l‘amour du prochain n’est pas le résultat de nos efforts mais le fruit d’une rencontre avec le Christ.

C’est parce que nous le laissons nous inspirer et nous éclairer que nous trouvons une certaine paix intérieure, que nous ne percevons plus autrui comme un rival ou une menace et pouvons lui vouloir du bien.

« Viens, suis-moi »

Suivre le Christ en se rendant le plus transparent possible à la lumière de sa présence. Suivre le Christ en le priant.

Suivre le Christ en s’imprégnant de ses paroles, du regard qu’il porte sur autrui, du sens de sa mort et de sa résurrection.

Suivre le Christ en renonçant à la puissance.

Mais il reste un dernier point, énigmatique : pourquoi la rencontre de Jésus et de l’homme riche semble-t-elle se conclure par un échec ?

Après tout, cet homme est sincère et intelligent. Il aspire depuis longtemps à une autre vie. Jésus lui montre le chemin qui y conduit.

Et pourtant, l’homme part seul, tristement.

Pourquoi un pareil refus ?

Jésus ne lui impose aucune condition. Il le met simplement en garde : si tu veux me suivre vraiment, alors il te faut être disponible à ma personne, à ma présence. C’est pourquoi je te dis : « Vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres, puis viens et suis-moi ».

Ne nous y trompons pas ! Jésus n’instaure pas ici une nouvelle loi.

Il ne fait pas de la pauvreté matérielle une condition.

D’ailleurs, Zachée, avec toute sa richesse, aura le privilège de l’accueillir chez lui.

Simplement, Jésus sait que l’argent rend indisponible cet homme, en face de lui, il joue le rôle d’un maître.

Alors, comme un alcoolique doit complètement cesser de boire pour s’en sortir, l’ homme riche devra se débarrasser de toutes ces richesses pour suivre Jésus.

Et le fait même qu’il refuse « parce qu’il avait de grands biens » montre que Jésus avait vu juste ; il avait désigné l’idole de cet homme. .

Aujourd’hui encore, l’argent est un maître puissant et donc, bien souvent, un obstacle à la foi en Christ. Car il nous fait croire que l’essentiel s’achète : la sécurité, la satisfaction de nos désirs, et parfois même la stabilité conjugale ou l’amour de nos enfants.

Mais il n’y a pas que l’argent !

D’autres liens nous attachent et nous empêchent de suivre le Christ : l’obsession de la réussite professionnelle, le conformisme, la dispersion dans des activités diverses, la peur d’être ridicule.

Alors, chers amis, qu’est-ce qui vous retient ?

Pour s’élever dans les airs, une montgolfière doit jeter du lest. Et vous, de quoi devez-vous vous alléger : de l’argent comme l’homme riche ? De la difficulté à faire confiance ? De la multiplication des activités qui vous fait perdre contact avec la source profonde de votre vie ?

« Vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres. Puis viens et suis-moi. Et tu auras un trésor dans les cieux ».

Amen !