La prière de Salomon (13 mars 2016)

Dimanche 13 mars 2016

Texte biblique : I Rois 8, 22-30 et I Pierre 2, 1-5

Cette fois, Salomon demande quelque chose à Dieu.

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La première fois, l’initiative venait de Dieu, Dieu qui lui avait proposé de lui donner ce qu’il voulait. Salomon avait répondu sagement, un peu comme le bon génie de la lampe d’Aladin. Salomon avait demandé à Dieu d’avoir « un cœur intelligent » et Dieu lui avait donné, en plus, la gloire et la richesse.

Cette fois-ci, la demande vient de Salomon.

Et sa demande paraît complètement folle : Il demande à Dieu de venir habiter entre quatre murs, dans le Temple de Jérusalem, pour qu’il l’ait sous la main quand il aura besoin d’un coup de main !

Dans sa prière, Salomon reconnaît d’ailleurs que sa demande est extrêmement bizarre.

Comment l’Éternel, le créateur de l’univers, le Dieu du ciel et de toute vie pourrait venir habiter dans une maison ?

C’est presque injurieux pour Dieu, cela risque de le réduire à une de ces divinités domestique que l’on tenait dans un coin du salon pour protéger la famille.

Mais ce n’est pas l’idée de Salomon.

Il sait très bien que Dieu n’habitera pas physiquement en ce lieu.

Il sait très bien que Dieu est présent ailleurs.

Et si un lieu est sacré parce que Dieu y est présent, alors l’univers tout entier est sacré.

Dieu peut même être absent du Temple si le peuple ne lui est pas fidèle.

Les prophètes le rappelleront vigoureusement.

Dieu n’est pas un chien que l’on siffle. Il est présent lorsque les croyants le prennent au sérieux.

Alors, à quoi sert le Temple ?

Il est le lieu de la rencontre entre Dieu et son peuple.

Dans le Temple, le peuple prie Dieu, l’invoque, reconnaît ses manquements.

En réponse, Dieu s’adresse à son peuple et lui pardonne, par l’intermédiaire du grand-prêtre.

C’est ce que Salomon dit à haute voix et à plusieurs reprises en priant Dieu ainsi : Éternel, Exauce, s’il te plaît, la prière de ton serviteur et de ton peuple d’Israël lorsqu’ils prieront vers ce lieu (du temple) ! Exauce leur prière du lieu que tu habites, dans les cieux, exauce-les et pardonne-leur, ramène-les, convertis-les, protège-les ! 

Salomon sait donc très bien que le temple est une aide pour le peuple hébreu, pas un logement pour Dieu.

Il en est de même pour nous.

Bien sûr, le Centre 72 n’est pas le Temple de Jérusalem.

Nous n’avons pas d’espace sacré comme le « saint des saints » et le moindre qu’on puisse dire, c’est que les concepteurs du Centre 72 n’ont pas insisté sur le caractère sacré du lieu.

De même, malgré les désirs secrets du pasteur, il nous manque un grand prêtre, seul habilité à porter à Dieu la prière du peuple et à offrir au peuple le pardon de Dieu.

En ce sens, les églises catholiques ou orthodoxes sont plus proches de cet usage ancien du Temple de Jérusalem.

Pour autant, ce lieu a conservé cette double dimension de rassemblement et de rencontre avec Dieu.

Bien sûr, nous pouvons prier Dieu n’importe où, car Dieu est autant présent sur la ligne B du RER qu’ici. Mais il est bon d’avoir un lieu spécifique, un peu inhabituel, pour nous aider à rompre avec nos habitudes.

De même, nous pouvons prier Dieu n’importe quand … il n’empêche qu’il est précieux de lui consacrer un temps, mis de côté, durant lequel nous nous rendons disponibles, en laissant de côté nos agendas et nos smartphones.

Deuxième réserve de Salomon.

Il insiste sur le caractère transportable du coffre de Moïse, qui contraste avec le caractère massif du temple.

Salomon dit qu’il faut garder les barres servant à transporter le coffre d’alliance, il fait en sorte que ces barres restent visibles en permanence.

Le peuple ne voit même que ces barres, comme un rappel de la marche des hébreux dans le désert grâce à l’aide de Dieu.

Le coffre et le temple sont ainsi deux symboles de la présence de Dieu qui se complètent, se corrigent, et se relativisent mutuellement.

Salomon veut à la fois marquer le caractère immuable de la fidélité de Dieu avec son lourd temple en pierre, et conserver l’idée de mobilité avec le coffre et ses barres de transport.

C’est ainsi que Salomon est fidèle à l’esprit de Moïse, en étant mobile autrement, en transformant ce que Moïse a transmis pour le compléter et tenir compte d’un nouveau contexte.

Le protestantisme, c’est avant tout cela : rester fidèles au message du Christ et nous réformer sans cesse, réformer nos petites habitudes, mais aussi nos idées, nos cultes, nos rites.

Ce fut le travail des réformateurs. Ce doit rester le nôtre aujourd’hui.

Nous bénéficions des grandes intuitions des réformateurs et, plus modestement, de ceux qui ont conçu cette maison et ce projet « Une Eglise, 4 associations ».

Comment rester fidèle à ce projet, aux fondations solides, tout en restant mobiles, attentifs à une société qui change, à une communauté qui se renouvelle et se diversifie, à des besoins spirituels qui ne sont plus les mêmes qu’il y a 40 ans ?

Dans une communauté religieuse, il y avait un religieux qui avait deux amours : la sagesse et son chat. Le chat est magnifique mais il avait un défaut, il se promenait dans l’église pendant l’office et perturbait le recueillement. Le maître a donc demandé qu’on attache le chat pendant les offices.

Quelque temps plus tard, le chat est mort à son tour mais on trouva un autre chat pour l’attacher pendant l’office.

Des décennies plus tard, on avait déjà écrit des livres sur la bonne façon d’attacher le chat pendant la prière du soir et ceux qui contestaient cette pratique étaient considérés comme de dangereux révolutionnaires.

Quels sont nos chats ? Quelles sont ces habitudes auxquelles nous tenons mais qui ne servent à rien et font obstacle à ceux qui viennent pour la première fois ?

Avec le Temple, Salomon ose donc créer un lieu symbolique de la présence de Dieu, symbole facile puisque très courant dans les autres religions, symbole utile mais également risqué, pour des croyants qui oscillent entre deux écueils : oublier Dieu ou penser le tenir entre leurs mains.

Là où Salomon est sage, c’est qu’il ose construire ce temple tout en le relativisant publiquement

À ces deux réserves faites par Salomon, Jésus en ajoute une autre, radicale.

Le nouveau Temple, le vrai Temple, celui qui permet de rencontrer Dieu, c’est lui.

Il est le temple de Dieu

« Détruisez ce temple et en trois jours je le reconstruirai » dit-il à ses auditeurs ébahis qui rétorquent : « Mais nos ancêtres ont mis des années à construire ce temple et toi, tu parles de le reconstruire en trois jours  ? ». Et Jean commente ainsi cet échange : « Mais Jésus parlait du Temple de son corps ».

Pour les chrétiens, Dieu ne se rencontre pas grâce à des rites particuliers ou grâce à un lieu saint.

Dieu se fait connaître en Jésus-Christ.

C’est par lui que nous en savons plus sur Dieu et ce qu’il attend de nous.

C’est par lui que nous pouvons réorienter nos vies.

C’est par lui que nous pouvons réorienter notre société.

Au-delà de notre identité protestante et de nos traditions, au-delà de notre ouverture et de notre désir de servir, il y a cette foi en Christ à approfondir, à vivre, à transmettre.

Je terminerai par l’apôtre Pierre, à qui deux lettres sont attribuées.

Pierre nous fait une promesse : l’Eglise peut devenir le temple de Dieu, constituée d’une pierre d’angle – Jésus-Christ – et de pierres vivantes, les fidèles, chacun de nous.

Des pierres vivantes qui décident personnellement de participer à la construction de l’édifice.

Des pierres, toutes différentes mais qui s’ajustent les unes aux autres pour constituer un édifice solide. C’est tout l’enjeu de la vie communautaire.

Alors demandez-vous, avec ce que vous êtes, avec ce que vous savez faire, avec vos disponibilités, comment participer à cette construction.

Comme le Temple de Jérusalem, l’Eglise n’enferme pas Dieu, elle peut même être désertée par lui. Mais, si elle lui est fidèle, elle est lieu de rencontre avec Dieu et d’annonce de Jésus-Christ.

Alors, rejetez donc toute forme de méchanceté, tout mensonge, ainsi que l’hypocrisie, la jalousie et les médisances. Comme des enfants nouveau-nés, désirez le lait spirituel et pur, afin qu’en le buvant vous grandissiez et parveniez au salut.

En effet, « vous avez constaté combien le Seigneur est bon. »

Approchez-vous du Seigneur, la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et jugée précieuse par Dieu.

Prenez place vous aussi, comme des pierres vivantes, dans la construction du temple spirituel. Vous y formerez un groupe de prêtres consacrés à Dieu, vous lui offrirez des sacrifices spirituels, qui lui seront agréables par Jésus-Christ.

Amen !