Jésus et la Samaritaine, rencontrer au-delà des étiquettes (2 octobre 2016)

Prédication du 2 octobre 2016

Texte biblique : Jean 4

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Les peuples de la Bible vivent dans des régions semi-désertiques.

Il n’est pas étonnant que l’eau soit devenue, pour eux, le symbole de la vie.

L’eau permet aux plantes de grandir et aux arbres de porter des fruits.

Dans le désert, il suffit d’une pluie et parfois même de la rosée de la nuit, pour que des fleurs s’épanouissent.

L’eau est la source de la vie.

Il en est de même avec Dieu.

Comme l’eau, sa Parole fait vivre, grandir, fructifier.

Elle donne la vie, elle met la vie en nous.

La Samaritaine en est l’illustration.

Son existence semble définitivement desséchée.

D’abord, elle est une femme.

Or, depuis que l’Eternel a créé le monde, il a rarement été facile d’être une femme.

A son époque, en Palestine, il y a 2000 ans, les femmes devaient rester voilées ; elles n’avaient pas le droit de regarder un homme ni même de lui parler ; et dans un procès, leur témoignage n’avait aucune valeur.

En plus d’être une femme, c’est une Samaritaine.

Son peuple est voisin du peuple juif, leur foi est finalement très proche ; juifs et Samaritains croient en un Dieu unique et respectent la loi de Moïse.

Pourtant, leurs relations sont exécrables.

Certains pharisiens enseignent même que, pour un juif, il est préférable de boire du sang de cochon que de serrer la main à un Samaritain.

Enfin, circonstance aggravante, cette femme a eu plusieurs maris, cinq exactement ; ce qui était pour le moins mal vu, même si elle était plus probablement une répudiée qu’une amoureuse volage.

La vie de la Samaritaine semble donc bloquée.

Pourtant, cette femme chemine, au propre comme au figuré.

Elle se met en route, vers le puits de Jacob.

Ce puits symbolise tout ce que cette femme n’est pas.

Sa vie est desséchée ; le puits représente l’accès à l’eau.

Elle est doublement marginalisée, comme femme samaritaine ; ce puits est un lieu de rencontre. Les hommes du désert aiment s’y retrouver afin d’échanger des nouvelles, conclure des affaires ou des mariages.

Enfin, j’imagine qu’elle n’a pas eu accès à l’éducation, alors que le puits est le symbole de la connaissance. En hébreu, le mot « puits », béach a la même racine que le verbe « discerner ».

La Samaritaine s’approche donc du puits.

Un homme est assis, à côté.

Il est épuisé, assoiffé.

Il lui demande à boire, comme si une femme seule avait le droit d’offrir de l’eau à un homme.

Pourtant, non seulement, il lui demande de l’eau mais il ajoute : : « Si tu savais qui j’étais, c’est toi qui m’aurais demandé de l’eau vive ».

Jésus transgresse les règles et coutumes de son époque pour entrer en relation avec elle.

Il dépasse les règles, les lois, les coutumes de son époque avec une souveraine liberté.

Et cette liberté est contagieuse : à son tour, la femme parle avec Jésus, échange au-delà des limites fixées par la tradition,

L’attitude du Christ à son égard lui donne une liberté intérieure inédite.

Surtout, peut-être pour la première fois de sa vie, elle n’est pas considérée en tant que femme, Samaritaine ou répudiée mais en tant qu’humain, un humain qui ne résume pas à une identité ou à une histoire. Et l’on peut regretter que Jean ne nous ait pas transmis le nom de cette femme mais se soit contenté de l’appeler « La Samaritaine ».

Aujourd’hui encore, lorsque l’eau vive de l’Evangile coule en nous, nous devenons libres de rencontrer des personnes différentes de nous.

Nous devenons capables de dépasser les clivages sociaux, raciaux, religieux.

Nous devenons capables de surmonter les rancunes, les blessures, les timidités, les peurs, pour rencontrer sans juger.

Nous devons capable de ne pas réduire l’autre une identité : je ne rencontre pas une femme ou un homme, un noir ou un blanc, une femme voilée ou un « natif au carré » mais un humain.

En ces temps de repli identitaire, cette liberté de la rencontre est une formidable bonne nouvelle.

L’eau vive de l’Evangile ouvre également au témoignage.

« Ne serait-il pas le Christ ? » ose la Samaritaine.

Dans l’Evangile selon Jean, deux personnes improbables ont immédiatement reconnu Jésus comme le Messie : un ermite, Jean-Baptiste, et cette femme samaritaine multi-divorcée.

Elle est, ainsi, la première chrétienne de l’Histoire.

Elle est, surtout, la première à en témoigner, car elle partage sans tarder sa découverte avec ceux de son village

Cette bonne nouvelle est si vitale qu’elle ne peut la garder pour elle.

L’eau vive ne peut stagner.

Elle doit couler, se répandre.

Aujourd’hui encore.

Si l’Evangile nous fait vivre, pourquoi le garder pour nous ?

Parce que nous craignons d’embrigader ? Il ne s’agit pas de soumettre à une doctrine ou à un homme ; il s’agit de transmettre une bonne nouvelle qui libère.

Parce que nous sommes pudiques ? Il ne s’agit pas parler de nous, mais du Christ.

Parce que nous n’avons pas suffisamment de connaissances ?

Il y a dans l’Eglise des lieux de formation qui aident à clarifier sa foi. Mais, d’ores et déjà, vous pouvez témoigner de Jésus-Christ, simplement, à partir de ce que vous vivez.

Echanger – Témoigner – Etre reconnu

La Samaritaine découvre que Jésus la connaît.

Il connaît son histoire personnelle, avec ses accidents, ses blessures, ses erreurs.

Jésus la connaît … et ne la juge pas, ne la rejette pas,.

La Samaritaine est reconnue, comme elle est.

Elle peut donc s’accepter, se réconcilier avec elle-même.

Elle peut se regarder comme le fait Jésus, avec une même bienveillance.

Si lui, qui sait tout, ne la juge pas, pourquoi se mépriser ?  

Aujourd’hui encore, Dieu nous connaît.

Il connaît notre parcours de vie, ces promesses qui n’ont pas encore écloses en nous.

Il connaît ces zones d’ombre pourtant bien enfouies.

Il nous connaît mieux que les autres nous connaissent, mieux que nous nous connaissons.

Et pourtant, il ne nous rejette pas.

Au contraire, il nous offre l’eau vive dont notre vie intérieure a besoin.

Dieu est semblable à un jardinier attentif qui, patiemment, cultive, arrose, pour que la récolte de notre vie soit la plus abondante possible.

Si nous le laissons faire, si nous laissons l’eau vive de sa présence couler en nous, alors notre jardin intérieur portera trois belles plantes :

– une relation sereine à Dieu, ce jardinier de notre jardin intérieur

– une tranquille estime de soi car si Dieu m’accepte, pourquoi me rejeter ? .

– enfin, une liberté à rencontrer autrui et à poser sur lui un regard bienveillant, le même que Jésus adresse à la Samaritaine et à tous ceux qu’il rencontre.

Et la bonne nouvelle, c’est qu’il est toujours possible de poser ce regard bienveillant.

Récemment, un spectacle a été proposé au Centre 72 : Le noir est une couleur, à partir de l’autobiographie de Grisélidis Réal, écrivaine et ancienne prostituée genevoise. Elle raconte, en termes crus, ses relations avec des clients parfois violents et la haine qui l’habite. A un moment, sa vie bascule lorsqu’elle passe de la haine à l’empathie : quel a été le parcours de vie de ses clients ? Qu’ont-ils eux-mêmes subis ?

Que cette femme l’ait su ou pas, l’eau vive coulait en elle.

Echanger – témoigner – être reconnu.

Trois facettes de la vie nouvelle, pour la Samaritaine comme pour nous.

Trois bienfaits de l’eau vive de l’Evangile.

Puisse cette eau étancher notre soif d’une vie renouvelée.

Amen !