Foi, espérance et amour : le trépied de la vie chrétienne

EGLISE PROTESTANTE UNIE d’Argenteuil, Asnières, Bois-Colombes, Colombes 6 février 2022 – Pasteur Denis Heller

Lecture biblique : 1 Corinthiens 12 v 31 à 13 v13

Aspirez aux dons les meilleurs. Et je vais encore vous montrer une voie par excellence. Quand 1je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas l’amour, je suis du bronze qui résonne ou une cymbale qui retentit. 

2Et quand j’aurais (le don) de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j’aurais même toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. 3Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture (des pauvres), quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert de rien. 4L’amour est patient, l’amour est serviable, il n’est pas envieux ; l’amour ne se vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, 5il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il ne médite pas le mal, 6il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité ; 7il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. 8L’amour ne succombe jamais. Que ce soient les prophéties, elles seront abolies ; les langues, elles cesseront ; la connaissance, elle sera abolie. 9Car c’est partiellement que nous connaissons ; c’est partiellement que nous prophétisons ; 

10mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel sera aboli. 11Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant ; lorsque je suis devenu homme, j’ai aboli ce qui était de l’enfant. 12Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière confuse, mais alors, nous verrons face à face ; aujourd’hui je connais partiellement, mais alors, je connaîtrai comme j’ai été connu.

 13Maintenant donc ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance, l’amour ; mais la plus grande, c’est l’amour.

Prédication

Chers amis,

Non, vous ne faîtes pas erreur. Vous n’êtes pas ce matin, ni à un service d’obsèques, ni à une cérémonie de bénédiction religieuse de couple, ni à un culte de confirmations. Vous êtes bien à un culte ordinaire d’un dimanche ordinaire sans obsèques, ni mariage, ni confirmation. Pourquoi commencer de la sorte ?

Car tout pasteur le sait, s’il y a un texte retenu pour ce genre de cérémonies, c’est bien celui-ci, le chapitre 13 de la 1ère lettre de Paul aux Corinthiens, proposé comme texte du jour. Seul peut-être le Psaume 23 « L’Éternel est mon berger, je ne manquerai de rien » peut le concurrencer.

Il est vrai qu’à lui tout seul, il est une véritable prédication. Des paroles fortes qui parlent d’elles-mêmes et qui ne nécessiteraient pas, j’ose dire, de commentaires, ni de prédications car elles sont à ce point marquantes et percutantes.

L’apôtre Paul fait preuve d’un génie littéraire incontestable. Ce n’est pas pour rien que l’on appelle ce chapitre 13 de la 1ère lettre aux Corinthiens, l’hymne à l’amour, ou plus précisément il faudrait dire l’hymne à l’agape, car c’est le terme grec utilisé ici, traduit dans nos vieilles bibles par le mot charité et les versions plus récentes, à juste titre par celui de l’amour.

Hymne, car il célèbre de manière quasiment lyrique et poétique, l’amour, l’agape. Par des procédés littéraires de répétitions et de reprises, il nous entraîne avec élan et fougue vers un final éblouissant : « Maintenant donc ces trois choses demeurent la foi, l’espérance et l’amour mais la plus grande des trois c’est l’amour ».

Il nous fait toucher du doigt, j’ose dire de l’oreille, par le rythme même des phrases, la force de l’amour qui donne sens à l’existence humaine et doit traverser et irriguer toutes nos réflexions et actions. Une force littéraire, sous-tendue par une force théologique, se dégage de ses propos. Il nous fait entrer dans la réalité de l’amour qui surpasse toute autre réalité.

« Quand je parlerais les langues des hommes, quand j’aurais la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand je distribuerais mes biens pour la nourriture des pauvres, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert de rien et même plus je ne suis rien »

Une puissance littéraire et théologique incontestable qui met au centre de la vie de l’Église (il s’adresse à la première communauté chrétienne de Corinthe) et au centre de toute vie chrétienne, l’amour, l’agape, un amour qui touche au divin, à la grâce.

On peut comprendre alors l’attrait, l’intérêt, la fascination de ces paroles de l’apôtre Paul qui nous tirent vers le haut, déjà en quelque sorte vers le Royaume.

J’aimerais m’intéresser avec vous, ce matin, à ce final éblouissant, magnifique qu’il nous laisse.  « Maintenant donc ces trois choses demeurent : la foi l’espérance et l’amour ; mais la plus grande des trois c’est l’amour ». Non pas tant pour nous arrêter sur la réalité de l’amour en tant que telle, mais pour nous intéresser à ce trio que constituent la foi, l’espérance et l’amour.

Car Paul dans cet hymne célèbre, magnifiant l’amour, affirme aussi que « trois choses demeurent » la foi, l’espérance et l’amour. Et ne nous dirigeons pas trop vite vers son final dans lequel il nous dit que l’amour parmi les trois est le plus grand.

Trois réalités demeurent au sens où elles sont les principales, les capitales par rapport aux autres réalités qui sont alors secondaires ou passagères. Trois réalités incontournables dans la vie chrétienne qu’elle soit communautaire ou personnelle. Foi, espérance et amour, que dans la tradition chrétienne, on appelle les trois vertus théologiques ou théologales car trois notions qui ont trait au rapport de l’humain avec Dieu. Trois notions essentielles qui caractérisent la vie chrétienne ; trois réalités, trois notions qui « demeurent » et qui sont en quelque sorte personnifiées à l’image de l’amour dans notre chapitre. Un amour qui devient le sujet de nombreux verbes : « l’amour rend service, l’amour prend patience, il ne cherche pas son intérêt ».

Trois réalités qui dans l’histoire de l’art, en particulier dans la peinture et la sculpture, ont souvent été représentées par trois femmes ou trois anges.

Mais comment parler de ces trois réalités qui « demeurent » autrement qu’en évoquant « des choses ». On parle aussi de notions, dans un langage théologique traditionnelle de vertus, ce qui est préférable !

Ce que dit Paul est beau, fort, lyrique avec du souffle mais cela reste extrêmement vague et flou.

De quelle foi s’agit-il ? De quelle espérance s’agit-il ? De quel amour s’agit-il ? Nous n’avons ni sujet, ni complément d’objet pour préciser ces notions. Chaque notion renvoie à un verbe et nous pourrions citer un trio de verbes : croire, espérer, aimer.  Mais foi en quoi ? En qui ? De qui ? Espérance en quoi ? En qui ? De qui ? Amour de quoi ? de qui ?

Ce trio imprécis et flou sans sujet, ni objet peut nous faire penser à ces petits jeux ou exercices donnés aux enfants, avec d’un côté une colonne de mots ou de verbes dans notre cas : croire, espérer, aimer, et de l’autre côté une autre colonne avec d’autres mots. Le jeu consiste alors à relier des mots de la colonne de gauche aux mots de la colonne de droite sans se tromper. Et les combinaisons seraient multiples !!

Commençons large, très large. A notre trio, foi espérance et amour pourrait correspondre la devise républicaine ! À la foi, la liberté ; à l’espérance, l’égalité ; à l’amour, la fraternité.

A notre trio, pourrait correspondre un autre trio célèbre, celui de la trinité. A la foi, le Dieu Père, à l’espérance le St Esprit, à l’amour le Fils. A notre trio, nous pourrions faire correspondre encore un autre trio : passé, présent, avenir : la foi, foi reconnaissance face au passé, l’espérance face à l’avenir et l’amour face au présent. A notre trio, foi espérance et amour peut correspondre aussi un autre trio Dieu, la vie, le prochain : foi face à Dieu, espérance face à la vie, amour face au prochain. Et les choses pourraient encore se complexifier en retenant comme sujet des verbes croire, espérer et aimer l’être humain en imaginant l’objet de la foi, l’objet de l’espérance l’objet de l’amour.

Nous pourrions dire je crois en Dieu mais aussi je fais confiance dans le prochain. De même j’espère en Dieu mais aussi j’espère dans le prochain ; de même j’aime Dieu et j’aime mon prochain.

En y réfléchissant bien, Dieu peut être aussi le sujet de ces trois verbes : Dieu croit en l’être humain, Dieu espère en l’être humain, Dieu aime l’être humain. Et enfin pour souligner ce côté indécis, imprécis et flou de nos trois notions, nous pourrions faire remarquer que croire en Dieu c’est espérer en Lui et L’aimer ; de même, aimer son prochain, c’est croire en lui et espérer en lui. ET nous pourrions encore imaginer mille et une combinaisons entre ces 3 notions foi, espérance et amour pour souligner le fait qu’à l’image de la trinité, Père-Fils-St Esprit, foi, espérance et amour s’entremêlent, se mêlent l’un à l’autre. Trois réalités qui touchent à notre rapport à Dieu mais aussi à notre prochain, qui forment un tout, caractéristique et significatif, je crois, de la vie chrétienne. Réalité humaine et réalité divine se confondent et se mêlent.

N’est-ce pas d’ailleurs ce qui est mis en évidence, mis en lumière à chaque baptême, lorsque dans notre liturgie habituelle du baptême au moment de l’instruction, du rappel du sens du baptême il est dit : « Il ou elle, parlant du baptisé, va être baptisé au nom du St Esprit qui fera naître en lui ou en elle la foi, l’espérance et l’amour ».

Et si ce trio foi, espérance et amour constituait comme le trépied de la vie chrétienne ; ce qui lui donnerait sa solidité et son sens.

Un trépied qui n’a rien à voir avec des préceptes moraux comme si la foi chrétienne était pourvoyeuse de morale, au risque de moralisme.

Un trépied qui n’a rien à voir avec des concepts dogmatiques ou idéologiques comme si la foi chrétienne était simplement un ensemble de croyances à accepter en faisant fi de son intelligence, au risque d’obscurantisme et de sectarisme.

Un trépied qui n’a rien à voir avec un ensemble de règlements, de comportements à suivre et à appliquer comme si la foi chrétienne se réduisait à un corpus de lois, auxquelles il faudrait se soumettre, au risque de légalisme.

Non, foi, espérance et amour qui sont fruits de l’Esprit Saint forment un tout qui colore l’existence, la relation à Dieu, à moi-même, aux autres, au monde ; un tout qui sans rien dire de précis donne souffle, orientation, densité et intensité à mes réflexions et actions.

Un trépied dont le 1er pied serait la foi ; Rappelons que dans une optique protestante, elle n’est pas de l’ordre du savoir, ni de la connaissance, ni de la bonne doctrine, ni de la croyance. La foi qui touche à la confiance, à une posture existentielle, à une relation faite de confiance à l’égard de Dieu et face à la vie. Une foi confiance fidélité qui se loge au cœur de l’être humain et qui imprègne sa vie et se manifeste et se décline par un regard d’espérance et des actes d’amour.

Un trépied dont le 2éme pied serait l’espérance. A savoir un regard confiant face à l’avenir et devant les situations douloureuses et mortifères, inhérentes à la condition humaine. Une espérance qui fait croire (on retrouve notre foi) à la lumière de la résurrection, qu’il y a toujours un au-delà. Un au-delà du mal, un au-delà de la faute, un au-delà de l’échec, un au-delà de la souffrance, un au-delà de la haine et de l’injustice, un au-delà même de la mort, à la suite de Celui qui vaincu la mort. Une espérance contre toutes les fatalités et les désespérances.

Enfin le 3éme pied de notre trépied de la vie chrétienne serait celui de l’amour. Cette capacité à s’ouvrir à l’autre et à rechercher le bien pour lui. Un amour, qui comme le rappelle Paul dans ce passage est bien plus qu’un sentiment, mais un engagement, une action volontaire et responsable pour le prochain. Un amour que Paul qualifiera de « lien parfait ».

Foi en Dieu, espérance face à la vie et au monde et amour du prochain, un trépied de la vie chrétienne, à vivre sous le souffle de l’Esprit comme une invitation, comme un appel, comme une promesse, comme un chemin à prendre. D’autant que si tout l’Évangile nous invite, à l’image de Paul à croire, espérer et aimer, l’Évangile nous révèle aussi et surtout que Dieu, en Jésus Christ, est le premier à croire, à espérer et à aimer, à croire et à espérer en chacun de nous, à aimer chacun de nous. C’est là sa grâce ! Et cela malgré nos lâchetés, nos peurs, nos insuffisances.
Sa foi, son espérance, son amour se mêlent à notre foi, à notre espérance, à notre amour et nous emportent déjà sur les chemins de son Royaume. Oui, son amour est premier. Son amour est le plus grand.

« Maintenant donc ces trois choses demeurent la foi, l’espérance et l’amour, mais la plus grande des trois c’est l’amour ». Amen

                         

Confession de foi sur la FOI, l’ESPERANCE et l’AMOUR

Je crois en Dieu, source de toute confiance.

En Jésus-Christ, je découvre Dieu comme un Père riche en bonté.

Désormais, c’en est fini des dieux pères fouettards qui tourmentent et sanctionnent, des divinités qui menacent et punissent, des idéologies et des absolus qui enchaînent et écrasent.

Sous le souffle de l’Esprit, une relation de confiance à l’égard de Dieu est possible qui a pour nom la Foi.

Je crois en Dieu, source de toute confiance.

En Jésus-Christ, je découvre le prochain comme un Frère riche en dignité.

Désormais, c’en est fini de l’humain perçu comme un concurrent à éliminer, de l’autre considéré comme un ennemi à abattre dans la course au succès et au pouvoir.

Sous le souffle de l’Esprit, une relation de confiance à l’égard du prochain est possible qui a pour nom l’Amour.

Je crois en Dieu, source de toute confiance.

En Jésus-Christ, je découvre un monde soulevé par la promesse d’un Royaume riche en humanité.

Désormais, c’en est fini d’un monde chaotique, absurde qui serait soumis à la fatalité de la mort et du mal, d’une terre livrée aux seules puissances de l’injustice et de la voracité.

Sous le souffle de l’Esprit, une relation de confiance à l’égard de la vie est possible qui a pour nom l’Espérance.

Je crois en Dieu, source de toute confiance. Il met en confiance. Il nous fait confiance

Denis Heller (2007)

Texte d’Exhortation

« La foi et l’amour représentent la totalité de l’être d’un chrétien …. la foi reçoit ; l’amour donne. La foi conduit l’homme à Dieu ; l’amour le conduit vers les hommes. Par la foi il se laisse faire du bien par Dieu ; par l’amour il fait bien aux hommes….

Quand la foi est vraie, elle aime assurément et fait aux autres dans l’amour ce que le Christ lui a fait dans la foi. »

Martin Luther – Sermon sur l’Évangile des dix lépreux.