Et il y eut la Parole de Jahwe à Jonas

Lectures JONAS 1, 1 – 2,1

Prédication :  

« Et il y eut la Parole de Jahwe à Jonas, fils d’Amitaï », voici comment le récit de Jonas commence selon le texte hébreu original ! …

Dans notre traduction française : « La parole du SEIGNEUR s’adressa à Jonas… », il nous échappe un élément essentiel de ce début de récit :

« Et il y eut un soir, et il y eut un matin, premier jour »… Vous vous souvenez ? C’est ainsi qu’est rythmé, tel un refrain, le premier récit de la Bible, le récit de la création !

Et il y eut la Parole de Jahwe, l’Être de Dieu dans la création et dans le monde est lié à sa Parole, sa Parole qui crée, qui fait advenir…

L’Être de Dieu qui fait naître à la vie ! …

Mais comme toute naissance, la naissance qui advient par la Parole de Dieu n’est pas sans douleur, sans les douleurs de l’enfantement… Et Jonas s’en rendra bien compte dès ce premier chapitre du récit qui raconte son histoire ! …

Et il y eut la Parole de Jahwe, ceux qui ont eu affaire à ce mot s’en souviennent !

Ce sont, en premier lieu, les prophètes, les portes paroles de Dieu, chargés, justement d’annoncer cette Parole de Dieu qui résonne dans leur vie – et parmi eux, le premier, le plus célèbre de ces prophètes = portes paroles de Dieu : Moïse – à qui Dieu se présente, justement, comme « Jahwe », c’est à dire : « JE SUIS » ou « JE SERAI »

Et de cette rencontre une libération est née, celle de Moïse lui-même d’abord dont la vie a radicalement changé depuis : fils d’un « père inconnu », recherché pour meurtre, il est devenu « père fondateur » d’un peuple d’anciens esclaves … dont nous sommes devenus, grâce à Jésus Christ, filles et fils adoptifs ! …

Et tout cela, grâce à une Parole – celle de Dieu, de Celui qui EST, de Celui qui crée la vie, qui fait advenir à la vie, qui fait naître, sans cesse depuis Moïse et jusqu’à aujourd’hui…

Mais, je m’égare : Revenons à Jonas à qui cette même Parole de Dieu se fait entendre, en disant… en disant :

« Lève-toi, va vers Ninive, la grande ville et crie sur elle… ! »

L’appel est sans appel ! Il défait le petit monde de Jonas, le monde dans lequel on s’arrange pour ne pas être dérangé…

Jonas fils d’Amittaï : la Bible nous apprend qu’il exerce son ministère de prophète à la cour du roi Jéroboam, roi d’Israël, en résidence à Samarie en contribuant à ses succès militaires et politiques …

Dans le monde politique d’aujourd’hui, son ministère serait plutôt celui d’un « conseiller politique et stratégique » du président de la République ! …

Jonas est donc un prophète « national » – ce qui est important à savoir dans le contexte de notre récit où Dieu l’appelle à une « mission internationale » en faveur d’une nation étrangère, voir même hostile à la nation et au peuple d’Israël :

Ninive est, à l’époque, en effet, la capitale de l’Empire assyrien, Super-puissance de l’époque (en concurrence avec celle de l’Égypte des Pharaons avec laquelle il se dispute, entre autres, le territoire fertile d’Israël).

Jonas est donc le prophète, le porte-parole du Dieu de son roi … et gagne alors assez bien son pain à la cour du roi !

On peut alors facilement l’imaginer être embarrassé par la Parole de Dieu qui l’appelle à sortir de chez lui, à quitter sa tranquillité et sa belle « assurance vie », pour œuvrer à la conversion, c’est à dire, au salut d’une puissance étrangère et hostile à son peuple – et à son roi ! …

Vous vous interrogiez peut-être maintenant, à ce moment de mes réflexions :

Mais en quoi cette histoire de politique international du Moyen Orient d’il y a près de 3000 ans me concerne, moi aujourd’hui en Occident, dans la France du 21e siècle ? 

Alors, en y réfléchissant de mon côté, je suis tombé sur un passage du livre de Marion Muller-Colard : « L’intranquillité » et qui pourrait bien nous faire découvrir un lien entre le récit oriental du prophète Jonas du 7e siècle avant notre ère en Israël et notre existence de citoyen occidental (et consommateur !) français du 21e :

« Combien de fois l’idée de vous « simplifier la vie » n’est-elle au centre d’un message publicitaire qui vous est si personnellement adressé, à vous dont on sait que vous vous battez sur tous les fronts ?

N’esquivez pas, nous le savons, nous avons fait un portrait-robot de notre client(s)-cible : vous êtes épuisé(e), votre générosité vous perdra, vous êtes un père (une mère) dévoué(e), un(e) ami(e) sur qui l’on peut compter, un(e) professionnel(le) consciencieux(se) mais que diable, pensez donc un peu à vous !

Et par pitié, simplifiez-vous la vie, vous l’avez bien mérité ! Et donc achetez ceci, abonnez-vous à cela, offrez-vous des vacances loin de tout, souscrivez à telle assurance, soyez tranquille, tranquille, tranquille… Évitez à tout prix la contrariété, la frustration, le dérangement, et n’ayez pour audace que celle de vous considérer comme le centre du monde ».[1]

Alors, quand la Parole de Dieu s’adresse à Jonas pour le sortir de sa tranquillité, on peut comprendre qu’il n’a pas envie, … mais alors pas envie du tout d’aller là où la seule chose qui l’attend assurément est la contrariété de l’intranquillité !! …

Et, pourtant, pourtant, à l’appel de Dieu, Jonas se lève …. Mais pour descendre à Jaffa, espérant s’enfuir à Tarsis, à l’opposé de Ninive, dans le but d’échapper au Seigneur, de mettre le plus de distance possible entre Dieu et lui… et de s’offrir tranquillement des vacances loin de toute intranquillité … 

Et puis, sans doute n’avait-il pas grande envie que les Ninivites se convertissent et soient sauvés ! Ils méritaient bien d’être punis pour tout le mal que leurs gouvernants avaient fait subir au peuple d’Israël…

« Aimez vos ennemis », ce n’était pas son mot d’ordre – parce que ce n’était pas le mot d’ordre de son chef, le roi Jéroboam !  …

Alors, Jonas se dérobe. Il prend la fuite.

Il cherche à s’éloigner le plus possible de ce Dieu qui ne le laisse pas tranquille. Il a mis les moyens.

Il n’a pas hésité à dépenser de sa fortune pour s’embarquer dans un bateau en partance pour Tarsis …

Tarsis, une ville au sud de l’Espagne (peut-être le Gibraltar d’aujourd’hui ?) à l’autre bout du monde connu de l’époque, en Occident, là où le soleil se couche, là où l’on peut s’endormir sur ses deux oreilles, la conscience tranquille :

« Suis-je responsable du mal et de la souffrance dans le monde ? »

« Suis-je le gardien de mon frère en détresse ? », la question que Caïn pose à Dieu lorsqu’IL l’interpelle : « Où est ton frère Abel? »

La question nous est posée, à nous aussi, à chaque fois quand nous risquons, tel Jonas, de nous endormir sur notre « conscience tranquille », alors que tout près de nous nos semblables souffrent, sont opprimés par la violence, l’injustice et la guerre, … ou se noient par centaines dans cette même mer, tout près de chez nous, sur laquelle Jonas s’embarque pour une croisière « de luxe »

Selon le récit, en effet, il a les moyens de louer tout le bateau pour s’assurer une croisière tranquille et loin de Dieu et de ses exigences démesurées et dérangeantes ! …

Et, pour être encore plus tranquille, il descend dans le bateau trouver une place à l’abri de la tempête pour s’endormir paisiblement sur ses deux oreilles ! Mais Dieu ne le lâche pas !!

Dieu lui met, en quelque sorte, des « bâtons dans les roues », pour l’empêcher de « tourner en rond », de ronronner dans sa conscience tranquille….

La tempête qui se déclenche va en effet être un moyen efficace pour empêcher Jonas de poursuivre sa fuite. Mais elle met aussi en péril sa vie – sans même parler de la vie des marins innocents !

On pourrait s’interroger : Mais pourquoi Dieu prend-il autant de risques ?

Ne serait-il pas plus simple et moins risqué de choisir quelqu’un d’autre ?

De plus fiable ? De plus sûr de lui-même ? De plus courageux ? …

Et pourquoi Dieu n’a-t-il pas choisi de leur parler directement, aux Ninivites ?

Lui, qui parle toutes les langues !! Va savoir pourquoi ! …

La seule chose que nous pouvons affirmer avec (le livre de) Jonas, c’est que Dieu ne l’a pas choisi pour son obéissance exemplaire à la volonté de Dieu, ni, d’ailleurs, pour son art oratoire extraordinaire, mais plutôt « malgré… » :malgré son refus, malgré ses réticences d’être son porte-parole.

Et c’est bien malgré le refus et les réticences de son prophète que Dieu accomplit le premier miracle de conversion : celle des marins païens lorsque Jonas leur parle – plutôt contraint et forcé que volontairement ou de façon enthousiasmante – qu’il leur parle de son Dieu – et de sa foi :

« Je suis hébreu et je crains le SEIGNEUR, le Dieu du ciel, qui a fait la mer et la terre ferme », v.9. Mais ça suffit ! Ça marche :

Ces marins païens abandonnent leurs dieux polythéistes pour se convertir au DIEU UN de Jonas, SEIGNEUR du ciel et de la terre, qui commande les tempêtes et sait parler aux cœurs des hommes, le leur, en tout cas !

Leur comportement à l’égard de Jonas est, d’ailleurs, tout aussi exemplaire :

Ils refusent, dans un premier temps, de le jeter par-dessus bord, une fois sa responsabilité dans le déchaînement de la tempête établie par le tirage au sort, et cela malgré le fait que c’est Jonas lui-même qui le leur demande :« Prenez-moi, et lancez-moi à la mer… », v.12. 

Quant à ce dernier, il s’obstine dans son impasse de fuite en choisissant la dernière issue qui lui reste – à part la conversion ou le demi-tour, bien-sûr ! : La mort.

Le récit aurait pu s’arrêter là, la conversion des marins – et la mort de Jonas.

Mais c’est sans compter sur la volonté d’un Dieu qui ne veut pas le lâcher, qui ne veut pas qu’il meurt dans sa conscience tranquille, mais qui veut sa vie, une vie ressuscitée à la vraie vie … à l’inattendu de la grâce, à l’AMOUR sans limite et sans frontières qui fait même de l’ennemi un prochain à regarder comme un frère, une sœur à aimer ! …

Amen !

Pasteur Andréas Seyboldt


[1]     Marion Muller-Colard, L’Intranquillité, pp.30-31