Dimanche 4 août : notre résurrection

Dimanche 4 août 2013

Textes bibliques : Ez 37, 1-14 ; Jean 3, 1-17 ; I Co 15, 12-20 ; 51-55

« Nos morts sont au ciel »

« Je crois en la résurrection de la chair »

« Le paradis, le Royaume de Dieu »

Par ces expressions, nous témoignons d’une espérance invérifiable, folle et contraire aux apparences : notre vie ne s’arrête pas à la mort, il y a un au-delà, avec Dieu, en Dieu.

Pour vous, que change cette promesse de résurrection ?

Cette promesse de résurrection n’est pas spécifiquement chrétienne.

Agnostiques ou adeptes d’une autre religion, la plupart d’entre nous croient en « quelque chose » après la mort.

Même des philosophes rationalistes et des scientifiques estiment qu’une forme de survie est probable. En 2013, ce « quelque chose » ressemblerait à une lumière au bout d’un long tunnel, illuminant un univers de paix et d’amour.

Lors des services funèbres, au temple ou à l’Eglise, la prière d’une religieuse est très souvent choisie: « Ce qui se passera de l’autre côté, quand tout pour moi aura basculé dans l’éternité, je ne sais pas ; je crois, je crois seulement qu’un amour m’attend ».

Ce texte répond à notre besoin d’être rassurés ; il console mais ne dit pas grand chose. Même le mot « amour » est imprécis : il suggère qu’au ciel, nous ne serons pas seul, sans préciser qui nous accompagnera : Dieu, nos proches ou tous ceux qui nous ont précédés.

Ainsi, la croyance en l’au-delà est répandue mais vague ; nous aimons y croire mais nous nous interrogeons ; nous l’espérons mais sans lui donner un contenu précis.

Pourtant, soyons honnêtes, cette résurrection des morts nous pose problème.

Premier problème, d’intelligibilité : nous sommes prêts à espérer en quelque chose après la mort. Mais « la résurrection de la chair », « le paradis », le « ciel », comment y croire en 2013 ?

Comment croire qu’un corps mis en terre retrouvera de la chair et des os ? Où et quand situer cette résurrection ? Au ciel ou sur terre ? Au moment du décès ou à la fin des temps ?

Deuxième problème : les notions de « résurrection de la chair », « d’immortalité de l’âme » ou de « paradis » ne sont pas spécifiquement chrétiennes.

Bien avant les pères de l’Eglise, les Grecs parlaient d’immortalité de l’âme.

Bien avant les évangélistes, les Egyptiens évoquaient le jugement dernier.

Bien avant Paul, les Perses croyaient en la résurrection des morts.

Alors, le christianisme a-t-il été contaminé par d’autres traditions religieuses ?

Troisième problème : la résurrection des morts ne nous détourne-t-elle pas de l’essentiel ; à savoir la Bonne nouvelle ?

Bonne nouvelle de l’amour de Dieu, pour tous les humains.

Bonne nouvelle d’un renouvellement de l’existence, quel que soit son passé.

Bonne nouvelle d’une vie désormais sous le signe du pardon, de la joie intérieure, de la dignité de tout homme.

Bonne nouvelle d’une vie sous la bénédiction de Dieu.

En nous faisant miroiter une vie après la mort, la doctrine de la résurrection ne nous détourne-t-elle pas de la vie avant la mort ?

En affirmant que Dieu rétablira les faibles et abaissera les puissants, ne nous fait-elle pas oublier notre vocation, ici-bas qui consiste à construire une société pacifiée et fraternelle ?

Pour affronter ces questions, l’apôtre Paul nous servira de guide.

Paul ne nous propose pas un guide de l’au-delà.

Par contre, il affirme que la résurrection est centrale car elle est étroitement reliée à ce qui nous fait vivre : Jésus-Christ .

Puis il nous annonce trois bonnes nouvelles.

Première bonne nouvelle : la puissance de Dieu qui a animé Jésus, qui l’a ressuscité le dimanche de Pâques, cette même puissance nous ressuscitera.

Dans les Evangiles, Jésus reçoit l’Esprit au moment de son baptême.

Dès lors, il annonce et vit cette puissance de renouvellement.

Par elle, il guérit, pardonne, réconcilie, recentre notre vie de foi sur l’amour de Dieu et du prochain.

Par elle, il meurt sur la croix et ressuscite.

Par elle, nous serons ressuscités.

Ainsi, Paul relie ce que nous avons tendance à disjoindre : la vie de Jésus – avec ses rencontres et ses miracles, ses paraboles et ses commentaires de la loi juive – et la mort de Jésus, la mort de Jésus et sa résurrection, sa résurrection et la nôtre.

A chaque fois, la même puissance de renouvellement et de résurrection est à l’œuvre.

Deuxième bonne nouvelle : nous ressusciterons en tant que personne.

Bien sûr, Paul se garde bien de décrire l’au-delà.

Il propose des images, des symboles, des expressions, afin de conforter notre espérance ; images, symboles et expressions, en effet puisés dans d’autres traditions religieuses, mais qu’il réinterprète, selon la dynamique de l’Evangile.

Par exemple, il se sert de l’image grecque du vêtement.

Dans la culture grecque, le vêtement représente l’âme, qui subsiste après la mort.

Paul réinterprète cette image : le vêtement devient l’ensemble de mon être, avec sa personnalité et son histoire.

Ainsi, en ressuscitant, je ne me fonderai pas dans le « grand tout », je ne deviendrai pas une goutte rejoignant la source comme dans d’autres religions.

Je conserverai quelque chose qui m’est propre, une part de ce qui me fait et dont je n’ai pas forcément conscience.

C’est pour cela que Paul parle de résurrection de la chair.

Dans le Nouveau Testament, la chair, c’est ma personne, toute entière.

Lorsqu’il évoque la résurrection de la chair, Paul n’annonce pas que nos muscles seront tissés de nouveau mais que notre personnalité sera préservée.

Dans d’autres lettres, il propose l’image de la graine et de l’arbre ou de la chenille et du papillon.

Dans la Bible, la chair est également la part de nous qui ne suit pas Dieu.

Vivre « selon la chair », c’est vivre sous l’emprise de mes désirs et des blessures et non sous l’action divine.

La résurrection de la chair est donc la promesse que ce qui est en moi est blessé ou stérile sera ressuscité, travaillé, guéri, tourné vers Dieu.

Un jour, cette chair ressuscitera.

Un jour, Dieu vaincra nos limites et en premier lieu la mort.

Un jour, Dieu récupèrera l’existence et l’histoire de chaque homme.

Ce que nous aurons vécu et fait, ce que le passé a englouti et que la mort désagrégera, rien de cela ne sera perdu.

Dieu récupèrera, triera et transformera.

Alain Houziaux l’exprime en termes poétiques : « l’au-delà moissonne et recueille ce qui, dans ma vie, peut être gardé pour l’éternité ».

Troisième bonne nouvelle : la résurrection commence dès maintenant.

Dans sa lettre aux Colossiens, il écrit : « Vous êtes ressuscités avec le Christ et en lui, par la foi en la puissance de Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts ».

« Vous êtes ressuscités ».

La résurrection commence lorsque je rencontre le Christ et que sa parole m’atteint, lorsque je me laisse soigner, guérir, pardonner, régénérer de l’intérieur.

Je vis alors dans l’éternité de Dieu.

Cette perspective donne un relief nouveau aux paroles de Jésus : « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra quand bien même il serait mort et quiconque vit et croit en moi ne mourra pas ».

Ainsi, la puissance de résurrection peut se manifester ici-bas, en me délivrant de mes peurs et des haines.

Même ce qui est faiblesse et lacune, même ce qui est mort en moi peut ressusciter.

Ma vie est constamment renouvelée ; et ce renouvellement constitue les prémices de ma résurrection.

Un renouvellement est également promis aux Eglises.

Depuis 2000 ans, nos Eglises ont souvent donné le sentiment de vieillir, décliner, mourir.

Pourtant, régulièrement, Dieu leur a insufflé une dynamique nouvelle ; aux périodes d’assoupissement spirituel ont succédé des « réveils ».

Aujourd’hui encore, semblables aux ossements d’Ezéchiel, nos Eglises peuvent retrouver de la chair, du nerf, de l’énergie.

Elles peuvent vivre et témoigner de l’Evangile.

Cette bonne nouvelle s’étend également à nos sociétés, même laïques et républicaines.

Aucun déclin n’est inéluctable, demain est ouvert, une société peut toujours se redynamiser, se renouveler, se pacifier.

Ainsi, la promesse de la résurrection ne nous détourne pas de la vie quotidienne mais l’éclaire. De même que nous croyons en une vie après la mort, nous croyons en un renouvellement de la vie avant la mort.

Vivons donc dès à présent l’éternité de la présence de Dieu.

Amen !