Dieu, un juge, une veuve (8 février 2015)

Prédication du dimanche 8 février 2015
Luc 18,1-8 : Jésus leur adressa une parabole, pour montrer qu’il faut toujours prier, et ne pas se relâcher. Il dit : Il y avait, dans une ville, un juge qui ne craignait point Dieu et qui n’avait d’égard pour personne. Il y avait aussi, dans cette ville, une veuve qui venait lui dire : Fais-moi justice de ma partie adverse.
Pendant longtemps il refusa. Mais ensuite il dit en lui-même : Quoique je ne craigne point Dieu et que je n’aie d’égard pour personne, néanmoins, parce que cette veuve m’importune, je lui ferai justice, afin qu’elle ne vienne pas sans cesse me rompre la tête.
Le Seigneur ajouta : Entendez ce que dit le juge inique. Et Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard ? Je vous le dis, il leur fera promptement justice. Mais, quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?

Dieu_Un_Juge_Une_Veuve

La méditation est à la mode.
Réguler sa respiration, sentir son corps, se rendre disponible à soi et au monde.
Beaucoup d’entre nous en ressentent le besoin et les bienfaits.

La méditation est une respiration, une démarche bienveillante envers soi-même.
Enfin, nous pouvons nous poser, décanter, reprendre possession de nous-même.

La méditation peut également nous préparer à la prière, nous préparer à accueillir Dieu.
Car, pour parler familièrement, la grande différence entre la méditation et la prière, c’est qu’avec la prière, « il y a quelqu’un au bout du fil ».
Si la méditation nous recentre, la prière nous met en relation.
Pour les chrétiens, la méditaiton n’est que le sas d’entrée dans la prière.

Jésus vit intensément la prière : une prière enracinée dans celle de son peuple, Jésus citera souvent des psaumes et la première partie du Notre père est une reprise libre du kadish, l’une des prières les plus importantes du judaïsme..
Une prière parfois collective, souvent solitaire.
Une prière qu’il enseigne.
Il enseigne aux disciples une façon de prier, confiante et personnalisée.

Ici, peu avant d’entrer à Jérusalem, Jésus raconte une parabole, apparamment simple.

Deux personnages sont mis en scène : un juge et une veuve.
Le juge, institué en Israël depuis des siècles, devait suivre deux règles majeures : craindre Dieu et agir selon le droit.
Celui-ci n’en suit aucune.
Il ne respecte pas Dieu et, nous dit Jésus, n’a d’égard pour personne.

La première remarque s’explique aisément. Notre juge est probablement un païen. Il est donc normal qu’il ne respecte pas Dieu
Plus embêtant : Il n’a « pas avoir d’égard pour autrui ». Dans la mentalité de l’époque, cela signifie veut qu’il manque d’attention à autrui mais également qu’il se moque de sa réputation.
Bref, nous savons d’emblée que ce juge est peu recommandable.

C’est pourtant lui que va voir une veuve.
A toutes les époques, dans toutes les sociétés, les veuves sont des personnes socialement et économiquement vulnérables.
Dans une société où les jeunes filles pouvaient être mariées à treize ans, les veuves étaient parfois très jeunes, sans protecteur pour subvenir à leurs besoins.
Avec l’orphelin et l’émigré, elle forme la trilogie des « petits » à accueillir.
La loi juive exige que leurs demandes de justice soient entendues en priorité.

Dans la parabole de Jésus, les droits de la veuve ont été violés et elle demande justice.
Le juge est la seule personne à pouvoir la protéger.
Il semble évident qu’il n’en n’a pas l’intention.
Cette affaire ne l’intéresse pas ou, pire encore, il préfère se ranger du côté adverse.

Ainsi, Jésus met en scène deux personnages, l’un puissant et peu estimable, l’autre fragile et démuni. L’auditoire penche évidemment du côté de la veuve mais ne lui accorde que peu de chance d’aboutir.
D’ailleurs, le monologue intérieur de ce dernier confirme ce que nous savions de lui : « Je ne respecte pas Dieu et j’ai d’égard pour personne  »

Pourtant, rien ne se passe comme prévu : la veuve est incroyablement tenace et le juge cède.
Il ne cède pas par bonté mais pour avoir la paix. « Cette veuve va finir par me casser la tête » estime-t-il, probablement avec raison.
Alors, pour retrouver la tranquillité, il décide de s’occuper de son affaire.

Que conclure de cette histoire ?
Elle serait une fable, sa morale serait simple : lorsque vous êtes en position de faiblesse, soyez tenace jusqu’à ce vous obteniez ce que vous êtes venus chercher.
Seulement, il ne s’agit pas d’une fable mais d’une parabole et cette histoire devient alors plus mystérieuse.
Car, bien entendu, le juge est la figure de Dieu.
Alors, Dieu est-il semblable à un juge sans morale qui ne nous écouterait que pour avoir la paix ?

Dans son enseignement, Jésus utilise volontiers un mode de raisonnement fréquent dans les cercles rabbiniques de son temps : le raisonnement a fortiori.
Par exemple, dans le sermon sur la montagne, il compare Dieu à des parents défaillants : « si, tout mauvais que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à plus forte raison, votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui le lui demandent ».

Jésus utilise ici le même moyen pédagogique : si un juge sans foi ni loi répond à la requête insistante d’une veuve, ne serait-ce que pour être tranquille, alors, à plus forte raison Dieu vous entendra et vous exaucera.
Vous pouvez donc le prier avec persévérance et confiance : « Ecoutez bien ce que dit ce juge sans justice. Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit, alors qu’il est patient à leur égard ! Je vous le déclare: il leur fera justice bien vite. Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »

Jésus renverse donc la problématique.
Il ne s’agit plus de savoir si Dieu entend nos prières, mais si nous le prions avec la même ténacité que la veuve.

Mais il reste une seconde question, toute aussi redoutable : celle de l’exaucement.
Certaines de nos prières, certaines de nos demandes ne sont pas exaucées.
A la différence du juge, Dieu serait-il sourd à certaines nos requêtes ?

Bien sûr, nos demandes ne sont pas toujours légitimes.
Tout peut être confié à Dieu et les auteurs des psaumes manifestent une remarquable liberté dans leurs demandes.
Tout peut être confié, mais tout ne sera pas exaucé.
Une première limitation est évidente.
Dieu ne prendra en compte que les demandes exprimées « au nom de Jésus », celles qui vont dans le sens de l’amour de Dieu, du prochain et de soi-même.
Or, une invocation telle que « Seigneur, si tu massacrais mon ennemi », qui conclut le psaume 139, ne va pas précisément dans le sens du Sermon sur la montagne.

Ensuite, Dieu limite son champ d’intervention.
Parce qu’il n’est pas un marionnettiste tirant les fils de notre vie.
Parce qu’il préserve notre liberté.
Parce qu’il a créé, mystérieusement, un monde naturel qui échappe à son emprise et provoque, parfois, des catastrophes .

Alors, finalement, qu’est-ce qui nous est clairement promis ?
Sa présence, en nous, qui nous permet de grandir humainement et spirituellement, en traversant l’existence et ses aléas.
Nous ne sommes plus seuls.
Notre vie est accompagnée, éclairée, orientée.
Amen !