Dieu guérit-il ? (dimanche 06 novembre 2016)

Dimanche 6 novembre 2016

Texte biblique : Jean 5, 1-18

Dieu peut-il nous guérir ?

pourquoi-dieu

Manifestement, à première lecture, Jean répond favorablement à cette question, en nous racontant une guérison, à la piscine de Bethésda.

Cet endroit est célèbre dans la région pour ses eaux miraculeuses.

Dès que la surface de l’eau s’agite, dès que les eaux commencent à bouillonner, les infirmes et les boiteux se jettent dans l’eau ou y sont propulsés. Car le premier qui y entre sera guéri. C’est, du moins, ce qu’affirme la légende !

A Bethesda, un homme est là, près de l’eau, sans espoir de guérison.

Il est en effet malade depuis 38 ans. Et comment pourrait-il se trouver le premier dans l’eau alors qu’il est seul et que ses jambes ne le portent plus ?

Quelle libération peut-il attendre, en ce jour de Sabbat ?

Pourtant, Jésus s’approche de cet homme, il lui ordonne de se lever et de porter sa civière. Aussitôt, l’homme se met debout et il marche, sa civière sous le bras.

Il est guéri.

Jésus ne s’arrête pas là.

Il veut guérir cet homme de toutes ses infirmités : physiques mais aussi sociales, psychiques, spirituelles.

A quoi servirait-il de libérer un corps de ses entraves si le reste de la personne restait esclave ?

Alors Jésus s’attaque à ses autres formes de captivité, à commencer par la désespérance, le sentiment qu’il sert à rien de mobiliser son énergie car rien ne peut changer.

Jésus entrouvre la porte en posant à l’infirme une question apparemment incongrue : « Veux-tu guérir ? »

Car il suggère ainsi, non seulement que la guérison est possible, mais aussi que l’homme est acteur de sa guérison, que sa volonté de s’en sortir a de l’importance.

Comme il fera avec la femme adultère ou Zachée, Jésus développe la capacité de son interlocuteur à conduire sa vie, à cesser d’être une victime pour devenir un sujet.

Enfin, parce qu’il n’y a pas de guérison personnelle qui ne soit aussi spirituelle, Jésus le purifie et le rétablit dans sa relation à Dieu.  

La guérison est complète, le changement radical.

D’un homme infirme et dépendant, Jésus fait advenir un être debout physiquement, moralement et spirituellement, un être réintégré socialement. Et ce n’est pas par hasard si Jean emploie ici un verbe « lève-toi » qu’il utilisera pour la résurrection de Jésus.

Le « lève-toi !» résonne comme une vie nouvelle qui peut commencer.

Pour l’infirme comme pour tout homme.

Car Jésus ne trie pas : il guérit des exclus comme des notables, des pécheurs comme de ceux qui se croient justes, des immigrés comme des enfants d’Israël.

A Zachée comme à la femme adultère, au jeune homme riche comme à la veuve, au centurion romain comme au brigand sur la croix, il propose la guérison des blessures, que ces blessures soient principalement physiques, morales, sociales, psychiques ou spirituelles.

Jésus n’exige même pas de ceux qu’il guérit la volonté de s’en sortir.

Bien sûr, comme ici avec le paralytique, Jésus s’efforce toujours de stimuler la volonté de celui qui lui fait face, il tente de développer ses ressources internes ou, pour employer le jargon à la mode, sa résilience.

Mais Jésus sait que certains êtres sont à ce point brisés par la vie, à ce point pe1rdus, qu’ils doivent, au moins dans un premier temps, être portés, comme la brebis perdue que le berger met sur ses épaules et ramène au bercail.

Jésus ne fait pas passer de test d’embauche à celui qu’il vient soulager !

Il les considère comme des personnes à soulager, non comme des assistés, soupçonnés de se complaire dans leur état.

Il n’attend pas davantage avant de soulager leur souffrance.

Le paralytique est malade depuis 38 ans.

Il pourrait donc encore attendre quelques heures de plus que le Sabbat soit terminé.

Ce serait cohérent avec la tradition juive qui stipule que tout travail, même médical, est à proscrire le jour du sabbat sauf en cas d’urgence.

Mais justement, pour Jésus, tout ce qui soulage la souffrance d’un homme est urgent, même si l’homme en question souffre depuis longtemps, surtout s’il souffre depuis longtemps.

Ainsi, à la lumière de l’Evangile, l’affaire semble entendue : Dieu guérit parce qu’il nous aime.

Il nous guérit de ce qui nous fait souffrir, nous empêche de vivre, nous paralyse.

Il aide chacun de nous à se relever, à se remobiliser, à reprendre la marche.

Et beaucoup d’entre nous pourraient en témoigner, à partir de leur propre expérience.

Et pourtant !

Nous le savons bien, ce n’est pas toujours le cas.

Si certaines personnes retrouvent la santé, d’autres restent paralysées par la maladie, la dépression, la grande vieillesse.

Pour elles, quelles que soient leur foi, l’intensité de leur prière, leur bonté ou leur utilité sociale, il n’y a pas de guérison.

Et si ces personnes sont croyantes, elles subissent alors la double peine : elles sont malades et elles ont le sentiment que Dieu les a abandonnées ou, pire encore, qu’il les a punies « Qu’est-ce que j’ai fait au bon dieu ? »

Dans ces moments, pour soi et pour ses proches, qu’attendre de Dieu lorsqu’il ne guérit pas ?

Dans la Bible comme dans nos vies, si Dieu est parfois le Dieu de la guérison, il est toujours celui qui prend soin.

Dieu prend soin de chacun de nous, par le regard qu’il pose sur nous, par le pardon qu’il nous offre, en nous accompagnant dans notre traversée du malheur.

Le psaume 23 nous invite à cette confiance : « Lorsque je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne redoute aucun mal car tu m’accompagnes ».

Et cette assurance que nous ne sommes pas seuls, ce travail de Dieu en nous, au travers même de ce qui nous atteint, peut nous rendre paradoxalement lumineux et paisibles quand bien même nous souffrons.

Comme l’écrit l’écrivaine Marion Muller-Collard, qui fût aumônier des hôpitaux : « On peut être condamné par les médecins et être sain devant Dieu, voilà la bonne nouvelle de l’Évangile. Elle n’est pas lettre morte ou simple effet de langage. Passez une journée dans un hôpital et vous trouverez des médecins malades et des malades qui guérissent ceux qui leur rendent visite. Je ne dis pas que cela se passe toujours comme cela. Je dis qu’il est toujours possible que cela se passe ainsi ».

En prenant soin, Dieu infuse de la vie en nous, quelle que soit l’évolution de notre santé.

Il nous appelle à faire de même.

Parce que nous croyons que Dieu guérit parfois et prend toujours soin de nous, nous sommes appelés, comme chrétiens, à nous tenir en première ligne dans ce combat.

En infusant de la vie et je pense à cette maman, au chevet de son enfant de deux ans atteint d’une maladie incurable, et qui lui promet : « A défaut de pouvoir ajouter des jours à ta vie, j’ajouterai de la vie à tes jours ».

En nous situant à contre-courant de l’idéologie dominante qui veut que le chômeur, le sans-logis, le malade chronique, le dépressif, la personne âgée dépendante sont responsables de leur situation et représentent une charge intolérable pour la société.

En agissant pour guérir les maux que nous pouvons combattre : l’isolement, l’emprisonnement dans les difficultés financières, la perte d’estime de soi; la souffrance physique.

En prenant soin des malades et de ceux qui ont peur de la mort.

En priant avec eux, pour eux.

En laissant Dieu prendre soin de nous.

En reconnaissant que nous avons aussi besoin de Lui et de ceux qui nous entourent.

Amen !