Dieu est un poète

Église Protestante Unie d’Argenteuil, Asnières, Bois-Colombes, Colombes
29 janvier 2023, Pasteur Andreas Seyboldt

Lectures bibliques

Matthieu 5, 1 – 12 

1Voyant les foules, il monta sur la montagne, il s’assit, et ses disciples vinrent à lui. 2 Puis il prit la parole et se mit à les instruire : 3 Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux ! 4 Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ! 5 Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre ! 6 Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés ! 7 Heureux ceux qui sont compatissants, car ils obtiendront compassion ! 8 Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu ! 9 Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ! 10 Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux !

1 Corinthiens 1, 26 – 2, 5

1, 26 Considérez, frères, qui vous êtes, vous qui avez reçu l’appel de Dieu : il n’y a parmi vous ni beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de gens de bonne famille. 27 Mais ce qui est folie dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages ; ce qui est faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort ; 28 ce qui dans le monde est vil et méprisé, ce qui n’est pas, Dieu l’a choisi pour réduire à rien ce qui est, 29 afin qu’aucune créature ne puisse tirer quelque fierté devant Dieu. 30 C’est par Lui que vous êtes dans le Christ Jésus, qui est devenu pour nous sagesse venant de Dieu, justice, sanctification et délivrance, 31 afin, comme dit l’Écriture, que celui qui fait le fier, fasse le fier dans le Seigneur.

2, 1 Moi-même, quand je suis venu chez vous, frères, ce n’est pas avec le prestige de la parole ou de la sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu. 2 Car j’ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. 3 Aussi ai-je été devant vous faible, craintif et tout tremblant : 4 ma parole et ma prédication n’avaient rien des discours persuasifs de la sagesse, mais elles étaient une démonstration faite par la puissance de l’Esprit, 5 afin que votre foi ne soit pas fondée sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu.

Prédication

Qui aime se sentir vulnérable ? Qui aime sentir ses limites ? Comme le petit enfant qui n’arrive pas encore à suivre les grands. Comme le jeune qui découvre la complexité du monde et qui se demande, angoissé, s’il va trouver une place dans la société. Comme l’adulte qui arrive à la cinquantaine et constate qu’il ne pourra pas réaliser toutes ses ambitions et que les blessures de la vie laissent des traces durables. Comme l’aîné qui voit ses forces décliner avec sa mémoire et songe à la fin de sa vie…

Qui aime découvrir sa dépendance ? Alors qu’une maladie me cloue au lit, qu’un accident entame ma santé, mon moral, mon travail, mes relations, ou qu’une trop grosse fatigue me force à passer le relais à d’autres.
Qui aime se sentir vulnérable ? Personne, bien sûr !!!

Mais Dieu, lui, sait deux choses : Que nous sommes vulnérables et que nous faisons tout et n’importe quoi pour ne pas le montrer.

Nous sommes vulnérables, Dieu le sait bien, lui, qui nous a créés, non pas comme des dieux invulnérables, mais comme des créatures tirées de la terre et traversées d’un souffle de vie simple et mystérieux, faites de chair et de sang, et cette vie-là peut être blessée, abîmée, réduite, fracturée. Notre vie peut être endommagée ; elle est soumise aux contraintes du temps, de l’espace et des aléas de l’existence. Œuvre magnifique et friable, nous ne durons qu’un temps sur la terre et un jour nous disparaissons…

Pourtant, l’être humain que nous sommes, est devenu maître dans l’art de dépasser sa condition et ses limites, poussé par ce désir de devenir invulnérable, invincible, et, pourquoi pas, immortel ?
Comme si un jour nous arrivions à ne plus rien craindre, à ne plus souffrir, à ne plus vieillir, à éliminer tous les risques, toutes les contraintes, pour ne plus jamais nous sentir apeurés, petits, vulnérables et impuissants…

Mais Dieu sait encore une chose : dans cette quête du toujours plus haut, plus fort, plus vite, les faibles sont écrabouillés. Ils n’ont même plus la place d’exister.

Et cela, pour Dieu, c’est grave, très grave : c’est la vie à l’envers, c’est contraire à sa volonté.
Éliminer les derniers et ne récompenser que les premiers, c’est juste l’inverse du Royaume de Dieu…

Et moi, je sais une chose que j’ai envie de partager avec vous ce matin : c’est que Dieu est un poète.
Heureusement pour nous. Dieu est un poète – et non un chef de guerre. Dieu ne vient pas nous mater !
Ni violence, ni ironie chez Dieu, car il est poète et vient chanter par la bouche de son Fils bien-aimé, Jésus-Christ, le chant de notre vulnérabilité. En lui, Dieu est devenu chant. Le chant de la vie….

À Noël nous l’avons vu et accueilli : Dieu a pris corps et voix en Marie et il est devenu l’un de nous.
Dieu lui-même s’est fait vulnérable.
Dieu, le tout-grand, le tout-puissant est devenu un tout-petit…
Le divin s’est uni à l’humain et Jésus est né…
Lui, Jésus, a porté le chant de Dieu sur la terre, et son chant d’amour est parfois devenu poème de combat, tenant tête à tous nos cris de guerre.

Alors, du haut de la montagne, Jésus prend la parole et dit aux disciples et aux foules rassemblées autour de lui : Heureux les pauvres, le Royaume des cieux est à eux !

Quoi ??? Mais c’est n’importe quoi ça… ! Écoutez plutôt le monde qui vous dit :
Heureux les riches, ceux qui accumulent fortunes et capitaux. Ils règnent sur l’économie et sur des milliers de vies humaines. Leurs bourses règlent le destin de cette planète. Ils bâtissent des empires grâce à l’argent. Le pouvoir est à eux.

Mais non,
Heureux les pauvres ! En marche ceux qui ont les mains vides et le cœur plein. En marche les simples, ceux qui sont libres de toute dépendance et qui sont solidaires des autres. Ceux qui ne mettent pas leur bonheur et leur sécurité dans leur compte en banque, dans leur possession, dans leur savoir ou dans leur pouvoir. Le Royaume des cieux est à eux.

Jésus ne se décourage pas ! Il y croit au Royaume et à la bonté cachée dans le cœur humain et il dit : Heureux ceux qui aiment la justice, car la justice sera avec eux.

Mais c’est une plaisanterie – regardez le monde : Heureux ceux qui divisent, car ils seront les maîtres. Et heureux ceux qui mentent et qui volent, car on reconnaîtra leur force. Ceux qui règnent avec leurs armées et leur arsenal. Toute puissance leur sera donnée… Heureux ceux qui ne pensent qu’à leur intérêt, car rien ne s’opposera à eux.

Mais non,
Heureux ceux qui aiment la justice ! En marche les artisans d’un monde différent où chaque personne est respectée et entendue, où le droit est le même pour tous. Finis la misère, la torture et les viols collectifs. Finis les bas salaires, les dégraissages et les élections truquées.

En marche ceux qui résistent à toutes les puissances de haine à l’œuvre dans notre monde. Ceux qui n’ont pas peur de risquer leur vie pour sauver celle des autres. Ceux qui dérangent l’ordre établi de l’injustice dans leur société, leur communauté ou leur famille.
Le Royaume des Cieux est leur maison et leur héritage. Dieu est avec eux. …

Conclusion
Personne n’aime se sentir vulnérable… Mais la vraie force, c’est de ne pas en faire une défaite, mais une occasion d’être plus proche de Dieu ET des autres ! Plus proches de notre vérité et de grandir ainsi en humanité.
Car si Dieu choisit les faibles, c’est pour confondre l’arrogance des forts et les ramener sur terre, les ramener à leur devoir d’humains qui est de protéger la vie d’autrui.

Pour passer les armures toutes durcies de nos peurs, Dieu chante.
Pour atteindre les profondeurs de notre cœur, Dieu devient Parole vive.
Pour réveiller notre vulnérabilité, Dieu se fait poète.

Non pas qu’il nous aimerait minables, faiblards ou geignards…Mais il veut nous rendre à notre vérité qui est faite de forces et de faiblesses, de beauté et de laideur, des réussites et d’échecs, de bonté et de violence, de vie et de mort…

Il vient chanter de son Souffle divin des mots de feu et de douceur pour nous libérer de notre folie des grandeurs qui cause beaucoup, beaucoup trop de malheurs.

Heureux ceux qui acceptent leurs faiblesses, car ils n’écraseront personne de leur hauteur !
En marche, ceux qui laissent l’autre libre d’échouer et de recommencer : la justice et l’équité grandiront sous leurs pas !
Heureux les vulnérables, les blessés de la vie : Dieu vient chanter leur chant pour le bonheur des tous !

Amen.