« Dieu a tant aimé »

Pasteur Denis Heller 7 juin 2020

Jean 3 v 16 à 18

« Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que quiconque met sa foi en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle.

17Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé.

18Celui qui met sa foi en lui n’est pas jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas mis sa foi dans le nom du Fils unique de Dieu »

Nous voici de retour, dans notre salle de culte, ensemble après environ 3 mois de séparation.

 Le dernier culte selon la formule consacrée en présentiel, avait eu lieu le 8 mars conduit par notre amie Claire Oberkampf. Car le samedi 14 mars en soirée au journal de 20 h, le gouvernement annonçait que tout rassemblement désormais était interdit : à l’école, dans les restaurants, dans les salles de sport, dans les commerces non essentiels, dans les lieux de culte ; cela à cause de l’épidémie du Covid 19. La prédication à moitié rédigée à 20 h, je ne vous cache pas que je suis un pasteur qui pour être efficace travaille souvent à la dernière minute, ne sera jamais donnée, pour un culte du 15 mars qui n’aura jamais lieu. Le lendemain, les quelques paroissiens présents se sont mis devant le Centre 72 à distance, pour chanter les cantiques prévus et dire le Notre Père. Puis s’en sont suivis 11 cultes vécus autrement à distance, par audio avec le soutien du mail et du papier, puis par vidéo en commun avec la paroisse luthérienne de Courbevoie, sur la plateforme ZOOM. Les cultes dits ZOOM depuis n’ont presque plus de secrets pour nous, les pasteurs, je dis bien presque !

Étrange période que nous venons de vivre là ; il faut remonter avant la révolution de 1789 pour trouver une telle situation d’interdiction du culte protestant. Moment de l’histoire unique, insolite et inédit, qui a touché le monde entier, comme si celui-ci s’était d’un coup arrêté de tourner.

Tous nos repères habituels changeaient du jour au lendemain. En matière d’espace : nos déplacements se limitaient à un secteur géographique réduit, En matière de temps : nous vivions suspendus aux dates gouvernementales, qui allaient modifier les mesures sanitaires. En matière d’actualité : les journalistes se donnaient comme mission, d’égrener le nombre quotidien de morts et de rappeler tous les dangers possibles. En matière de vie politique aussi puisque nous étions en guerre, face un ennemi invisible et sournois. La météo, elle-même, semblait chamboulée ; avec un soleil éclatant presque insolent, alors que les médias nous répétaient que la mort rôdait de toute part.

Une peur généralisée s’infiltrait dans les cœurs et les esprits.

Il est difficile de parler de manière générale de cette période de confinement, car comme je l’écrivais dans un envoi paroissial, chacun l’a vécu différemment, avec beaucoup de contrastes entre les vécus, les expériences heureuses ou malheureuses, les souvenirs sombres ou lumineux.

Il y a matière à réfléchir, à analyser, à se laisser interpeller, à s’interroger, sur nos sociétés, nos modes de vie, nos vies tout simplement. IL y a du travail de reprise pour des années pour les penseurs, les sociologues, les historiens, les philosophes, les économistes, les politiciens, les femmes et les hommes d’Église, et que sais-je encore ?

Il reste qu’aujourd’hui pour nous c’est la reprise. Après cette période trouble et étrange qui restera marquante dans les esprits, nous retrouvons notre Temple, notre culte, je n’ose pas dire habituel, car avec les masques et les distanciations à respecter, il est loin de l’être !!

Le monde d’après, comme l’on dit, sera-t-il comme le monde d’avant ?

Nous pourrions dire, l’Église d’après, sera-t-elle comme l’Église d’avant ?

Cette période de confinement, cette période de pandémie se résumera-t-elle à une grande parenthèse vite oubliée ? Nous le verrons dans les mois et les années à venir.

 Mais pour l’heure nous reprenons ; alors sur quelle base allons-nous reprendre ? Sur quels fondements allons-nous appuyer ? Sur nos traditions, sur nos illusions, sur nos usages ?

Il y a aujourd’hui, comme un clin d’œil du calendrier, un beau concours de circonstance.

Alors que nous reprenons, nous est proposé comme évangile du jour, je dirai même, comme verset du jour, un monument de la foi chrétienne, un monument des textes bibliques : le Jean 3 v16 ; le fameux Jean 3 v 16 ; comme disent les spécialistes, comme l’on dit dans certains milieux protestants.

C’est comme si après cette période si particulière de chamboulement et de bouleversement ; de déplacement, parfois d’égarement, après ce temps d’épreuve, au sens où nous avons été éprouvés, , oui c’est comme si l’opportunité, ce matin nous était donnée  de retrouver les fondamentaux, ce fameux essentiel, auquel notre président nous invitait à revenir au tout début du confinement . Des fondamentaux qui ne préjugent pas de l’avenir, ni d’un monde d’après, ni d’une Église d’après semblable ou différente de ceux d’avant. Non, des fondamentaux qui permettent, peut-être, de repartir d’un bon pied, de ne pas perdre l’essentiel, le fondement, les fondamentaux.

Jean 3 v 16 : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils Unique afin que quiconque met sa foi en Lui, ne se perde pas mais ait la vie éternelle »

Le résumé, certains diront de la foi chrétienne. Le résumé en une seule phrase d’autres diront de la Bible. On peut bien sûr ne pas être d’accord à eux tout seuls résumeraient le message, le kérygme de la foi chrétienne.
En tous les cas, c’est celui que notre Église nationale avait choisi dans sa déclaration ancienne de 1938 ; je cite : l’Église Réformée de France trouve la source de la foi dans la révélation centrale de l’Évangile et de citer Jean 3 v 16. La nouvelle déclaration de foi de 2017 de l’Église protestante unie de France reste attachée à cette conviction dans l’esprit, mais s’éloigne dans la forme, estimant que la formulation de Jean 3 v16 est un peu vieillotte, écrite dans un langage désuet. On préfère l’affirmation suivante : je cite ; En Jésus de Nazareth, Dieu révèle son amour pour l’humanité et le monde « ; un résumé moderne de Jean 3 v 16 qui est lui-même un résumé !

Pour exprimer la centralité de ce verset, les spécialistes disent qu’il est le canon dans le canon.

Je m’explique ; c’est qu’il est la paire de lunettes (1er canon) qui permettra de lire l’ensemble biblique (2eme canon) ou dit autrement qu’il est la clé de compréhension (1er canon) de la Bible (2éme canon). Mais ne tombons pas dans l’erreur de certains milieux protestants, comme si ce verset était sacré, une formule magique, qu’il suffirait de prononcer, qu’il suffirait de dresser comme un étendard guerrier pour que les cœurs se convertissent et que le salut soit proclamé.

Non, quel en est le sens ? Quelle en est la signification ?

Chaque mot mériterait une prédication, et l’ensemble du verset une catéchèse d’une année.

« Dieu » « aime » « le monde » « donner » « son Fils unique » « croire ou mettre sa foi, sa confiance » « ne se perde pas ou ne périsse pas » « avoir la vie éternelle »

A chaque fois, des notions fortes, denses, riches de sens.

 Je m’arrêterai ce matin avec vous seulement sur le début et à la fin de ce verset.

S’intéresser au commencement puis à la finalité, permet de repérer le sens, la visée, l’orientation. Il en est de même pour une existence ! Il en est de même pour s’orienter dans le métro ! Il faut connaître le nom du début de la ligne et le nom de la fin de la ligne pour bien se diriger.

Au début de notre fameux Jean 3 v 16 :  Dieu ; Dieu en premier, le premier, Celui qui précède, Celui qui devance, Celui qui est source, au commencement, c’est ainsi que commence la Genèse, le livre de la genèse, des origines. On pourrait se demander mais quel dieu. Quelle est sa nature ? Son identité ? Ses particularités ? Son action ? Sa réalité ?

Alors vient un verbe, un seul verbe pour caractériser son action ; ce qu’il fait, ce qu’il donne à connaître de Lui : « Dieu a tant aimé ». Un Dieu d’amour, d’amour large, vaste, un amour généreux, un amour ample. Un Dieu, qui s’il fallait le caractériser d’un mot, et cela est risqué car comment un seul mot pourrait contenir et définir ce qu’est Dieu, ce serait le mot « amour ». « Dieu est amour » écrit l’auteur d’une des Epitres de Jean. Un Dieu d’amour en premier, voilà un des fondamentaux sur lequel s’appuyer, sur lequel construite, auquel faire confiance. En premier, dans le fondement de nos vies, de l’Église, du monde, non pas le hasard, non pas rien, non pas le chaos, non pas le désordre, où le non-sens, non pas le mal, non pas des puissances maléfiques obscures où mortifères, non pas l’intérêt des puissants mais un Dieu d’amour.

Et cela, malgré le chaos réel du monde, qui parfois peut prendre le dessus, et cela malgré les incertitudes d’une vie, qui connaît menaces et risques, et cela malgré le mal qui habite le cœur de l’homme et qui parfois se déchaîne autour de lui, et cela malgré le mal, le malheur, la maladie, les maladies, les épidémies, les pandémies. Un Dieu d’amour, à la source de nos vies et de nos existences.

Sautons le reste du verset pour voir son final. Un verset, qui se conclue par la notion de vie éternelle. Un Dieu, qui a pour visée la vie éternelle. Son projet, sa volonté, sa vision, c’est par son amour, être source de vie éternelle ; d’une vie qui commence déjà ici-bas et qui a goût et densité, déjà d’éternité.

Entre ce point de départ, un Dieu d’amour, et le point d’arrivée, la vie éternelle, c’est à dire une vie de qualité, une vie dans l’amour, dans l’amour de Dieu et du prochain, il y a le monde que Dieu aime. Le monde entier ; un amour sans limite pour tous, non réservé à quelques-uns, ni à quelques élites, mais destinée au monde, à tous, au monde de sa création, à l’humanité et à son environnement.

Entre le point de départ et le point d’arrivée, il y a le Fils unique donné, Jésus Christ, expression totale, en plénitude, manifestation unique et singulier de cet amour de Dieu. Un amour qui n’est pas que parole !! comme je le fais devant vous ce matin !!!, un amour qui n’est pas concept, ni idée, ni idéal, ni principe, ni idéologie, ni seulement une intention, ni une belle émotion ou un beau sentiment mais un amour engagement en chair et en os, incarné dans une vie concrète, un amour visant le bien, le bien de l’autre, pour l’autre, avec l’autre. Une vie en actes et en paroles de Jésus Christ qui manifeste déjà de manière j’ose dire pratico pratique cette vie éternelle.

Entre ces deux points, l’être humain appelé à être déjà bénéficiaire de cette vie éternelle ; à être participant à cette vie éternelle, appelé à par la confiance, à la foi à vivre de cet amour donné, à vivre à la suite de Jésus Christ, de son message, de son exemple d’amour.

Voilà des fondamentaux qu’il fait bon réentendre en ce dimanche de reprise nous qui avons été peut-être bousculés, chahutés, parfois peut être perdus dans les événements successifs, par les mesures à respecter par les discours contradictoires, les discours des uns et des autres, les situations changeantes, nous qui ne savons pas de quoi sera fait demain.

Cette vie éternelle nouvelle annoncée, promise, donnée est à vivre déjà ici et maintenant. Elle est suscitée par l’amour de Dieu pour nous et en nous.

Nous n’en connaissons pas la forme, ni le contour pour le monde d’après, pour l’Église d’après, pour nos vies d’après.

Nous en serons à la fois des bénéficieras et des acteurs.

Le Dieu d’amour qu’a fait connaître Jésus Christ n’abandonne pas l’humanité à son triste sort. Il ne nous laisse pas livrés à nous même. Lui est point de départ de nos vies et du monde, des vies que par son amour il rend participantes à la vie éternelle même lorsque la route est chaotique, éprouvante comme ce que nous avons pu connaître.