Culte de Noël

Mardi 25 décembre 2018 à 10 h30

Lecture : Luc 2 / 1 – 21 

Noël – naissance du Sauveur. Noël – fête pour tous les chrétiens.

On aimerait que la joie et le bonheur envahissent le monde. On voudrait que la joie atteigne ceux qui souffrent, qui sont perdus, sans amis, sans espoir, sans travail, sans ressource, sans reconnaissance, ceux qui sont sans pouvoir et subissent la loi du plus fort.

Marie, Joseph et l’enfant Jésus, dans leur « migration » de Nazareth à Bethléem, ont vécu cela. Ils ont eux aussi subi la loi du plus fort, sans protester :

En effet, dans le récit de Noël selon Luc, le Sauveur du monde, le « Seigneur des Seigneurs » naît, non pas au dessus, mais au milieu même des ténèbres de ce monde.

Luc raconte la naissance d’un Sauveur au milieu d’une humanité en souffrance, d’une humanité dominée par la loi du plus fort, loi économique et militaire.

A l’époque où Luc date son récit, cette loi est celle de l’Empire Romain et de son empereur César Auguste. Il  l’impose à tous les peuples soumis, à tous les humains qui vivent sous sa domination.

Tous doivent suivre ses ordres – et « chanter » sa gloire : c’est l’empereur le seul « sauveur », c’est lui le seul « seigneur » du monde dit civilisé de ce temps-là.

Et, c’est sa paix, la « pax romana », la paix romaine, qui est la seule paix recevable : c’est la paix du plus fort qui s’impose aux autres. C’est le « chant » de la gloire à l’empereur qui est le seul chant politiquement correct, la seule louange autorisée.

Sur cet arrière-fond politique et historique, le récit de Luc ne se lit pas comme une histoire paisible pour faire dormir les enfants le soir : l’annonce d’un « Sauveur », d’un « Christ Seigneur » autre que César Auguste ne peut qu’être une provocation …

Les anges et les armées célestes lorsqu’ils chantent: « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bien-aimés » (Luc2/14), appellent à rien de moins qu’à un changement radical, un renversement, de cet « ordre établi »:

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux… ». Aucun régime, aucune institution humaine – qu’elle soit politique, économique ou religieuse – aucune puissance sur terre n’a droit à être glorifiée.

Aucune loi humaine n’a le droit d’être sanctifiée ou tout simplement imposée comme incontournable, comme inévitable à l’humanité, à l’être humain quel qu’il soit et quelque soit son pays, sa culture, sa religion.

« Gloire à Dieu dans les cieux » … ou, comme nous aimons le chanter à Pâques: « A toi la gloire ». Ce n’est pas « Gloire à toi, homme sur la terre » pour toutes les œuvres dont tu es capable : pour ta force, pour ton intelligence, pour tout ce que tu es capable de faire sur terre – et dans l’univers aussi. …

« Gloire à Dieu dans les cieux » …, c’est la reconnaissance d’une puissance « au-dessus de la nôtre », qui n’est ni un autre homme, ni une quelconque autre puissance « faite de main d’homme »! …. Car, notre vie, nous ne la recevons pas de nous-mêmes, mais d’un autre.

Ainsi et contrairement à ce qu’il prétend souvent, l’être humain n’est pas libre, n’est pas indépendant, n’est pas autonome – mais il est lié, dépendant et soumis à une « loi » dictée par quelqu’un d’autre que lui-même.

Nous sommes, chacune, chacun lié à notre passé, aux valeurs que nous avons reçu à travers nos parents et ancêtres, lié aussi à notre enfance.

Nous sommes dépendants du regard que d’autres portent sur nous – où du regard que nous portons sur nous-mêmes. …

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux », c’est, au fond, le rétablissement de l’ordre de la création : Dieu est Dieu « au plus haut des cieux » et l’homme est homme sur la terre. …

Ensuite, et c’est cela l’extraordinaire de cette annonce, du regard de Dieu sur nous, humains:

« … Et sur la terre, paix pour ses bien-aimés ». Le terme grec de ce verset exprime l’infinie bienveillance que Dieu porte à l’égard des hommes, de tous les humains, femmes et hommes.

Sa paix, la paix de Dieu, n’est pas la paix imposée d’un lointain empereur tout-puissant, mais une paix qui veut rejoindre notre humanité ; c’est une paix qui se vit, qui s’exprime en relation avec l’homme, là où il est, là où il se trouve – au milieu de ses joies et ses peines, au milieu de ses fêtes et ses souffrances. … C’est pour cela que le SIGNE concret, palpable et incontestable de cette paix se présente à nous en la personne d’un enfant nouveau-né – l’image par excellence de la vulnérabilité, de la dépendance, de la fragilité humaine. …

Noël – c’est un jour particulier dans notre vie, car c’est là où DIEU rejoint notre humanité fragile, vulnérable, dépendante pour la partager avec nous.

Mieux encore : lorsque nous nous penchons sur la crèche – qui, en réalité est un simple mangeoire – pour contempler – avec les bergers – ce « nouveau-né (emmailloté et) couché dans une mangeoire », lorsque nous portons un regard ému sur ce tout petit être humain, nous découvrons le regard que Dieu lui-même porte sur nous : le regard d’un Dieu qui veut être le Père de tous les humains, ceux de l’Occident et de l’Orient, ceux de l’hémisphère Nord et de l’hémisphère sud ; les riches et les pauvres, les malades et les bien-portants, ceux de « chez nous » et ceux qui viennent d’ailleurs…

Devant ses yeux de « Père-céleste », notre vie – comme la vie de tout un chacun, a une valeur incontestable ; par LUI et en LUI nous sommes accueillis et portés, comme un nouveau-né dans les bras de sa mère, de son père.

Dans le regard de ce Dieu-Père, il ne peut y avoir aucun « cas perdu », aucune situation humaine sans issue, sans espérance.

L’Amour de ce Dieu-Père pour chaque être humain est définitif – et éternel : Il restera valable au-delà de la « dernière heure ». …

« Paix sur la terre » – cela commence à Noël très petitement : « sans éclats, ni apparences »  : en la personne d’un petit enfant. …

Mais avec lui c’est la victoire sur tout ce qui perturbe la paix : notre peur et notre souci, notre « chacun pour-soi » et notre manque de compassion.

Et c’est avec cet enfant qu’un nouvel espoir est en train de naître et de renaître, depuis la première nuit de Noël jusqu’à notre jour de Noël, ici et aujourd’hui, en nous et entre nous : le monde peut s’ouvrir au salut – et nous pouvons y vivre de façon humaine et heureuse.

Dieu, le Dieu du petit enfant dans la crèche, est venu créer la paix en nous et entre nous.

Sa façon de nous accepter, de nous accueillir, de nous aimer tels que nous sommes, a la puissance de désarmer les ennemis les plus acharnés, les plus violents.

Dieu a fait naître la paix en et parmi nous.

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bien-aimées ».

C’est un chant qui vaut la peine d’être chanté tous les jours de nouveau, en paroles et en actes, depuis aujourd’hui, jour de Noël jusqu’au dernier jour de notre vie.

Amen!

Pasteur Andréas Seyboldt