« Convertissez vous »

Église Protestante Unie d’Argenteuil, Asnières, Bois-colombes, Colombes

le 21 février 2020 , Pasteur Denis Heller

Marc 1 v 12 à 15    «  Convertissez vous »

« Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert.

Durant quarante jours, au désert, il fut tenté par Satan. Il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient.Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l’Évangile de Dieu et disait : « Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché : convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »

Planté de bâtons solide, les skis parallèles, le buste face à la pente, soulevez le ski aval en prenant appui sur les bâtons et le replacez parallèlement au ski amont, mais en sens opposé. Situation délicate en équilibre précaire, se penchez alors en avant sur le ski aval pour faire pivoter le ski amont qui devient le ski aval et l’opération est faite. Vous m’avez suivi ! ; vous avez tout compris, l’opération de la conversion à 180 degrés.

Né en Haute-Savoie, avec les petits savoyards de l’époque, mes camarades de jeux, nous apprenions à faire cette conversion lors des premières leçons, avec des skis en bois longs et lourds et souvent sur des pistes mal damées. La conversion était utile. Mais maintenant le skis sont beaucoup plus courts et légers avec des pistes larges et bien préparées ! ; la conversion n’est guère enseignée.

Une conversion en ski qui est un changement radical, complet d’orientation. Un changement total de 180 degrés ; on ne peut pas faire mieux !

Vous me direz que ce n’est pas trop de saison ou plutôt d’actualité puisque toutes les remontées de ski en France sont fermées. Covid oblige.  Exception faite pour le ski de fond et le ski de randonnée qui sont encore possibles et pour lesquels le conversion peut servir !

Quoiqu’il en soit, parler de conversion est d’actualité avec le très court passage de l’Évangile de Marc qui nous est proposé ce matin . « Jésus proclamait l’Évangile de Dieu et disait : « le temps est accompli et le Règne de Dieu s’est approché. Convertissez vous et croyez à l’Évangile » traduction de La TOB ( traduction œcuménique de La Bible ) . Ce verbe convertir, auquel est associée le mot de conversion en grec » metanoia », qui n’est pas toujours repris car aujourd’hui peut-être incompris ou trop marqué, trop connoté.

Les autres traductions différent légèrement ; les voici dans les Bibles Segond, Jérusalem et Darby plutôt que « convertissez vous », nous trouvons « repentez vous ». Dans la Colombe ou la Nouvelle Bible Segond «  Changez radicalement » ; En Français courant « Changez de comportement » et encore dans Parole de Vie , traduction la plus simple qui se limite à n’utiliser que 3500 mots usuels : « Changez de vie ». Je termine tout cet échantillon de traductions possibles enfin par celle de Chouraqui, penseur juif, ancien maire de Jérusalem , aujourd’hui décédé et qui a traduit le Premier comme le Nouveau testament. Il traduit par «  Faîtes retour » ; nous avons le choix.

« Convertissez vous, repentez vous, changez de comportement ; changez radicalement , changez de vie, faîtes retour ! », Une exhortation, une invitation que fait Jésus dans sa prédication du Royaume et qui est suivi de l’appel à croire : « Croyez à l’Évangile »

«  Le temps est accompli et le Règne de Dieu s’est approché. Convertissez vous et croyez à l’Évangile « Le résumé parfait de la prédication de Jésus ,comme sait le faire, Marc, de manière courte, brève presque lapidaire. L’essentiel de l’essentiel , difficile de faire plus court. Une prédication qui constitue la substantifique moelle du message délivré par Jésus ; du coup, chaque mot compte et a son importance.

Cette invitation à la « conversion, repentance, changement », pour le moment gardons les 3 termes, est la première exhortation faite par Jésus à ses auditeurs, la première action en quelque sorte qu’il attend d’eux.

« Convertissez vous et croyez à l’Évangile » ; elle précède l’invitation à la foi et à la confiance.

Du coup s’entendre sur les termes et leur signification revêt toute son importance.

Quel est le contenu de cette exhortation , de cet appel ?

Qu’attend il de ses auditeurs d’autrefois et de nous ses auditeurs d’aujourd’hui ?

« Repentez vous » ; une notion qui induit des remords et des regrets . Une repentance qui renvoie à la prédication de Jean-Baptiste, celle qui précédait tout juste celle de Jésus. Très clairement Jean-Baptiste  dénonçait les péchés du peuple et des religieux, trop oublieux des commandements de Dieu et pratiquant l’injustice et la tromperie. Dans ses paroles, Jean-Baptiste était pourfendeur de la méchanceté de leur cœur et de leur comportements. Il annoncait le jugement de Dieu, le besoin de changement, et la nécessité de la confession de ses péchés. Une repentance sous la menace du jugement, un brin moralisatrice , telle était l’exhortation, de Jean-Baptiste qui préparait le chemin.

Mais avec Jésus pas de menace, ni de jugement annoncé, pas de notion de péchés mise en évidence, . Son invitation se fait non dans la peur mais face à une bonne nouvelle. « le temps est accompli;le Règne de Dieu s’est approché, croyez à l’Évangile »

La notion de repentance semble trop réductrice, trop moralisatrice. Si une dimension de repentance existe bel et bien , de prise de conscience de ses fautes, de ses péchés , pensons à l’attitude du fils prodigue de la Parabole qui rentre en lui même et revient vers son père, cette notion de repentance ne rend pas compte  de cette attitude de « metanoia » dans sa globalité , dans son entièreté, à laquelle Jésus invite ses auditeurs.

« Changez de vie, changez de comportement ; changez radicalement »; ce sont les termes repris dans les traductions plus modernes. Elles édulcorent le renversement, le bouleversement , la radicale nouveauté de cette « métanoia ».

Elles adoucissent ce que à quoi nous sommes invités. Elles risquent de réduire les effets de ce surgissement du Règne de Dieu, du Royaume de Dieu et de la proclamation de la Bonne Nouvelle, de l’Évangile à quelques aménagements, à quelques modifications et transformations de surface.

La « métanoia » est une attitude en profondeur, transformatrice.

En ce sens, la traduction  de Chouraqui est plus forte , plus parlante, peut être plus exacte ? Elle fait écho aux paroles des prophètes du premier Testament, adressées à un peuple souvent oublieux de son Dieu , de son alliance, et de ses commandements. » Faites retour », c’est à dire revenez à Dieu, retournez à Dieu, à sa Parole, à sa fidélité. Un retournement, un renversement, une réorientation entière de l’existence qui est proche de ce que la conversion de 180 degrés en ski illustre. Alors oui , gardons le mot de conversion.

«  Convertissez vous et croyez à l’Évangile », même si ce mot de conversion est chargé sur le plan historique et sur le plan ecclésial.

Je pense aux conversions forcées, sous la menace et la contrainte, aux abjurations.

Je pense aux conversions par la peur et la terreur, au travers des illustrations du jugement dernier et de l’enfer sur les tympans des églises et des cathédrales.

Je pense au schéma – type de conversion qui serait le passage obligatoire , imposé dans certains milieux protestants et qui ferait le vrai et bon chrétien. Un schéma comprenant plusieurs étapes qui serait le seul chemin conduisant à Dieu ; je pense aux conversions forcées sous la pression psychologique ou sous la pression émotionnelle ou sous la pression de l’entourage, conduisant à des décisions contraintes.

« Convertissez et croyez à l’Évangile » ; c’est ainsi que Jésus commence sa prédication. Une entrée en matière , une introduction, un titre, et sous titre qui induisent une suite. Une suite qui est celle du reste de l’évangile et qui peut-être  donnera de l’épaisseur et du relief à cette notion de « conversion-métanoia ».

Et c’est bien le cas. A peine cette prédication est elle donnée, que nous voyons des hommes, pécheurs de poissons à l’existence réorientée. Ils quittent leurs filets et leurs barques et prennent une toute autre direction, à la suite de Jésus. Ils sont convertis, retournés, retournés comme une crêpe en même temps qu’ils se convertissent. De pécheurs de poissons ils deviennent pécheurs d’hommes ; conversion à 180 degrés.

La suite est aussi parlante. Un homme habité par un esprit impur et violent, ramené à la paix ; un homme aussi réorienté et converti et la suite continue.

 La belle mère de Simon couchée , malade et la voici mise debout à la suite de Jésus. Une femme aussi réorientée et convertie en même temps qu’elle se convertit et nous pourrions relire tout l’Évangile , toutes les rencontres de Jésus à travers ce même prisme de la conversion.

Des hommes et des femmes dont la vie est réorientée, convertie car ils se convertissent et s’ouvrent à la présence de Jésus, à sa Parole, à sa lumière , à son amour.

Des vies transformées, du tout au tout , dont les conversions , c’est à dire l’orientation vers Jésus et son Royaume, prennent mille formes, mille visages, mille couleurs.

Parfois très brutale comme celle de l’apôtre Paul , le plus souvent progressive.

 Chacune est différente de l’autre mais toujours des vies réorientées en profondeur car touchées par la grâce , touchées et ouvertes à la grâce de Dieu et en même temps par la foi, tournées en  confiance, vers cette présence aimante et agissante de Dieu.

 «  Convertissez et croyez à l’Évangile »

Des conversions qui ont  toujours eu un déclic, un départ, un commencement,à travers parfois de l’infime, de l’insignifiant : un signe, une parole, un sourire, une expérience, une lecture, une rencontre, un culte , un moment  de grâce mais qui viennent, susciter des déplacements intérieurs, des regards autres, des orientations de vie nouvelles, des transformations progressives. Des conversions qui appellent d’autres conversions au quotidien, sans cesse d’autres réorientations dans les perspectives, et les  manières d’être, de vivre et d’agir.

Mystère de la conversion, des conversions qui sont à tout à la fois choix , décisions personnelles : (on se convertit ),  en même temps qu’œuvre de Dieu en nous, effet  du St Esprit en nous (on est converti )

Car on ne convertit jamais l’autre ; c’est Dieu qui le convertit . On ne peut être que signes et petites pierres sur un chemin qui appartient à Dieu et à l’autre.

La conversion , c’est comme si le centre de gravité de notre existence changeait.

Jusqu’alors nous ramenions tout à nous , comme si le centre de gravité était notre « je », notre « moi-je » ; notre désir, le seul critère de choix, avec des forces, fortement centripètes.

Et un jour, de manière progressive ou de manière brutale, un autre centre de gravité s’installe dans notre existence : la présence de Dieu, de sa lumière, de sa Parole, de son amour. Le monde alors est vu autrement. Les autres sont vus autrement ; l’existence prend une autre couleur, une autre orientation, avec une ouverture à un Autre que nous mêmes , avec des forces centrifuges qui deviennent consistantes.

Même existence, même personnalité, même monde mais le centre de gravité est autre. Il s’est déplacé  . Dieu et son Royaume pèsent dans la balance et donnent sens.

« Convertissez vous et croyez à l’Évangile »

Amen