Comment résister au mal ?

Dimanche 7 avril 2019

Culte avec Cène, Bois Colombes.

Lectures :

Luc 4 / 1 – 13

Genèse 1 / 26s ; 2 / 15 – 17 ; Genèse 3 / 1 – 4

Prédication :

Comment résister au mal? … Telle était la question que nous nous sommes posée à la soirée-alpha, il y a une dizaine de jours…

Comment résister à la tentation? … c’est la question que pose le « récit de la tentation du Christ » dans le texte d’Évangile d’aujourd’hui…

En guise d’introduction à notre méditation de ce récit un peu « troublant » (=diabolos: semeur de trouble!), faisons d’abord le détour d’un film déjà un peu ancien : « La dernière tentation du Christ ». Je pense que vous vous souvenez de ce film de Martin Scorsese, sorti en 1988.

Voici quelle est l’histoire du film, le script (il paraît qu’aujourd’hui on dit ‘le pitch’) :

 « Comme tous les hommes, Jésus vit dans le péché et dans la peur. Il veut vivre la vie d’un homme normal et désire Marie-Madeleine. Mais Dieu l’a choisi pour être le Messie, pour être le Sauveur de l’humanité. Après avoir découvert sa vraie nature de Messie lors d’un voyage dans le désert, il commence à prêcher la bonne parole et à accomplir des miracles. Il compte de plus en plus de disciples, dont le premier d’entre eux, Judas et s’oppose aux prêtres juifs.

Jésus comprend finalement que Dieu veut qu’il soit crucifié pour expier les péchés du Monde. Il demande donc à Judas de le dénoncer aux Romains et est crucifié. Mais alors qu’il s’apprête à mourir, il est sauvé par un ange qui lui annonce qu’il n’est pas le Messie et que Dieu veut le récompenser en lui offrant la vie simple dont il a toujours rêvé.

Il devient ainsi un homme parmi les autres, entourés de ses femmes et de ses enfants, et il vieillit paisiblement jusqu’au jour où Jérusalem est mis à feu et à sang par les Romains et que Judas lui fait comprendre que ce n’est pas un ange qui l’a sauvé, mais Satan : Jésus a cédé à la tentation.

Il accepte alors enfin d’être le fils de Dieu et c’est finalement en souriant que le Christ meurt sur la croix ».

La sortie du film en cinéma en 1988 n’a pas suscité que de l’enthousiasme ! Il a rencontré de très fortes oppositions et manifestations qui voulaient à tout prix empêcher sa projection.

Pourquoi ? Au nom du respect de la « foi chrétienne », des manifestants pieux ont condamné l’œuvre comme « blasphématoire » … Et l’opposition contre ce film ne s’est pas limitée aux manifs:

Le 23 octobre 1988, un groupe de catholiques traditionalistes déclenche un incendie dans une salle du cinéma Espace Saint-Michel à Paris pour protester contre la projection du film. Cet attentat a fait quatorze blessés dont quatre sévères. D’autres incendies seront perpétrés à la salle du Gaumont Opéra ainsi qu’à Besançon. Un autre attentat du même groupe a causé le décès d’un spectateur. 

Pourquoi tant de violence et de haine – de la part des « chrétiens pratiquants » et qui n’a rien à envier aux intégristes – terroristes islamistes ! – contre ce qui n’est qu’un film ?

Qu’est-ce qui a tant choqué ces bons chrétiens ?

C’est la mise en scène d’un Jésus tourmenté, déchiré, ne sachant pas que faire, quel est le chemin qu’il doit suivre. Et surtout, le fait de montrer que Jésus a aimé Marie-Madeleine. Quelle horreur !!

Comme si la tentation « de la chair » était la pire de toute !

Ces intégristes, prêts à faire violence pour rendre justice à leur Seigneur, ont tout simplement oublié de lire un peu la Bible. Car cette tentation « de la chair », même si elle peut être vive à certaines époques de la vie, ne fait pas partie des trois épreuves conduites par le diable !

Sa triple proposition, « Si tu es Fils de Dieu… » fait allusion à la parole d’adoption comme « Fils bien aimé », « engendré par Dieu » que Jésus a reçu par la voix céleste. Cette proposition du diable n’exprime pas un doute de sa part, mais suggère à Jésus d’interpréter sa condition filiale comme un pouvoir.

Le diable signifie par l’étymologie même du mot grec « diabolos » du verbe diaballo = « jeter entre », séparer, désunir, celui qui sème la méfiance, qui cherche à détruire la confiance dans une relation – en occurrence, la confiance qui lie Jésus à Dieu.

C’est sur ce terrain-là de la « relation » à Dieu, de l’identité « religieuse » de l’homme que le « tentateur » cherche à exercer son action et son pouvoir.

Finalement, avec ces intégristes, nous sommes dans l’éternelle confusion entre la morale et la foi.

La véritable tentation ne se situe pas dans le registre de la morale.

La question n’est pas : est-ce que ce que je fais est bien, ou pas ?

La question n’est pas : comment dois-je me comporter avec les autres ? Et donc, pour parler crûment, il est complètement indifférent pour moi de savoir si Jésus a couché avec Marie-Madeleine, ou pas.

Les véritables tentations, pour le croyant, pour le chrétien – et pour l’humain! – ne sont donc pas celles suggérés par la publicité commerciales de toute sorte, mais bien celles qui sont au fondement même de notre foi, de notre spiritualité, de nos « existences croyantes » !

La question clef de la vie se situe ailleurs. Elle dépend de la réponse que je donne à cette question : En qui ai-je placé ma confiance ?

Petit détour dans le Premier Testament :

Quand Dieu a créé la terre, et l’homme pour qu’il y habite, le mal n’existait pas. Après chaque acte de création, Dieu dit : cela est bon.

Pour la création de l’homme, il dit : cela est très bon. (Genèse 1, 31)

L’homme était en harmonie avec la nature, avec la femme, sa compagne, et avec Dieu.

Mais voilà qu’apparaît mystérieusement, sans savoir d’où il vient, en Genèse 3 le serpent, qui symbolise le diable, « diabolos », le « semeur de trouble », nous l’avons déjà évoqué …

Son but, dans le récit, c’est de semer le trouble et la méfiance dans la relation de confiance entre l’humain et Dieu, de saborder la confiance.

Dieu a-t-il vraiment dit « vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ! » ?

Le serpent insinue que l’interdit divin est total sur tout arbre, ce qui est une manière d’identifier Dieu à un tyran qui garde pour lui ce qui est bon.

Puis, il fait croire à une possible science totale par la consommation du fruit défendu. Son message est  » Dieu vous ment » alors que le message de Dieu est celui de la sollicitude et de la mise en garde pour ne pas mourir (d’un « overdose » de savoir et de toute-puissance que l’humain n’est pas capable de supporter).

Ce que, à la fois le serpent dans le récit de la chute et le diable dans celui de la tentation de Jésus dans le désert, susurrent à l’oreille de leurs « proies »: Dieu vous a privé de quelque chose, qui est, au fond, le meilleur qu’il veut garder pour lui: la toute-puissance – par le savoir et un règne absolue! …

Eve – et son conjoint, Adam – succombent à la tentation:

« La femme vit que les fruits de l’arbre étaient agréables à regarder, qu’ils devaient être bons et qu’ils donnaient envie d’en manger pour acquérir un savoir plus étendu. Elle en mangea. Puis elle en donna à son mari, …, et il en mangea aussi » (Genèse3,6).

Jésus, quant à lui, résiste à la tentation d’acquérir un savoir (et un pouvoir) super-performant, superpuissant avec confession de foi, c’est à dire une invitation à placer sa confiance en Dieu:

« Adore le Seigneur ton Dieu et ne rends de culte qu’à lui seul » (Luc4,8)!

Placer sa confiance en Dieu entraîne des choix de vie, un certain type de comportement, bien sûr, et je ne dis pas qu’il faut être immoral, ou amoral !

Mais les comportements ne sont jamais le lieu décisif de la foi, tout au plus des conséquences secondaires.

La relation avec Dieu est le cœur de la vie. Elle irrigue ensuite toute la vie humaine et les relations avec les autres. Mais si le cœur ne fonctionne plus, c’est tout le corps qui meurt.

Dans notre vie de tous les jours, nous sommes soumis à la tentation quand nous oublions que nous sommes fils et fille bien-aimé de Dieu – et que chaque homme, chaque femme, est également fils et fille bien-aimé de Dieu.

Nous succombons à la tentation quand nous croyons que ce que nous possédons est un dû, alors que tout est don.

Nous succombons à la tentation quand nous croyons posséder et oublions de remercier pour tout ce qui nous a été donné.

Nous succombons à la tentation quand nous trouvons normal que des humains soient traités comme quantité négligeable pour préserver nos propres intérêts.

Enfin, en toutes choses, dans les épreuves comme dans les joies, tenons ferme la promesse transmise par l’apôtre Paul après le livre du Deutéronome : Tout près de toi est la Parole, dans ta bouche et dans ton cœur. (Romains5/8 ; Dtn.30/14).

Et cette parole nous dit toujours à nouveau la présence de Dieu et son amour. Si nous restons fermement ancrés dans la Parole, qui sera contre nous ?

Amen

Pasteur Andréa Seyboldt