Bonhoeffer

Extraits d’une lettre de Dietrich Bonhoeffer

écrit en prison à Berlin le 16 juillet 1944 :

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« Dieu , en tant qu’hypothèse de travail en morale, en politique, en science, est aboli aussi bien que dans la philosophie et la religion ( Feuerbach !). C’est pure honnêteté intellectuelle que de laisser tomber cette hypothèse de travail, c’est –à-dire de l’écarter autant que possible. Un médecin ou un savant édifiant est hybride.

Où donc reste-t-il de la place pour Dieu ? demandent certaines âmes angoissées, et comme elles ne trouvent pas de réponse , elles condamnent toute l’évolution qui les a mises dans cette calamité.

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Or nous ne pouvons être honnêtes sans reconnaître qu’il nous faut vivre dans le monde – etsi deus non daretur – . Et voilà justement ce que nous reconnaissons – devant Dieu, qui lui même nous oblige à l’admettre. En devenant majeurs, nous sommes amenés à reconnaître de façon plus vraie notre situation devant Dieu. Dieu nous fait savoir qu’il nous faut vivre en tant qu’hommes qui parviennent à vivre sans Dieu.

Le Dieu qui est avec nous est celui qui abandonne ( Mc 15,34 ) ! Le Dieu qui nous fait vivre dans le monde, sans l’hypothèse de travail Dieu, est le Dieu devant qui nous tenons constamment. Devant Dieu et avec Dieu, nous vivons sans Dieu. Dieu se laisse déloger du monde et clouer sur la croix. Dieu est impuissant et faible dans le monde et aixi seulement il est avec nous et nous aide. Mt 8,17 indique clairement que le christ ne nous aide pas par sa toute-puissance, mais par sa faiblesse et ses souffrances.

Voilà la différence décisive d’avec toutes les autres religions. La religiosité de l’être humain le renvoie dans sa misère à la puissance de Dieu dans le monde, Dieu est le deus ex machina.

La bible le renvoie à la souffrance et à la faiblesse de Dieu ; seul le Dieu souffrant peut aider. Dans ce sens on peut dire que l’évolution du monde vers l’âge adulte dont nous avons parlé, faisant table rase d’une fausse image de Dieu, libère le regard pour le diriger vers le Dieu de la bible qui acquiert sa puissance et sa place dans le monde par son impuissance. C’est ici que devra intervenir l’interprétation partant de ce monde’ »

 

« Le livre de Weizaecker sur l’Image physique de l’Univers me préoccupe toujours beaucoup.

Il m’est apparu de nouveau clairement que nous n’avons pas le droit dans notre connaissance imparfaite d’utiliser Dieu comme bouche-trou ; car lorsque les limites de la connaissance reculent – ce qui arrive nécessairement- Dieu aussi est repoussé sur une ligne de retraite continuelle. Nous avons à trouver Dieu dans ce que nous connaissons et non pas dans ce que nous ignorons. Dieu veut être compris par nous non dans les questions sans réponse, mais dans celles qui sont résolues. Ceci est valable pour la relation de Dieu et la connaissance scientifique, mais également pour les problèmes simplement humains de la mort, de la souffrance et de la faute. …..Dieu veut être reconnu non dans la mort seulement, mais dans la vie, dans la force et la santé et non seulement dans la souffrance, dans l’action et non seulement dans le péché. La raison en est la révélation de Dieu en Jésus Christ.

Il est le centre de la vie et il n’est nullement venu pour répondre à nos questions irrésolues »

 

 

Source : Résistance et soumission