Avec Jésus l’espérance prend corps

Paroisse Protestante Unie d’Asnières Bois-Colombes – culte du 16 janvier 2022 – Pasteur Andreas Seyboldt

Lecture biblique : Matthieu 2, 13 – 23

13 ¶ Après leur départ, voici que l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte ; restes-y jusqu’à nouvel ordre, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. »

14 Joseph se leva, prit avec lui l’enfant et sa mère, de nuit, et se retira en Égypte.

15 Il y resta jusqu’à la mort d’Hérode, pour que s’accomplisse ce qu’avait dit le Seigneur par le prophète : D’Égypte, j’ai appelé mon fils.

16 ¶ Alors Hérode, se voyant joué par les mages, entra dans une grande fureur et envoya tuer, dans Bethléem et tout son territoire, tous les enfants jusqu’à deux ans, d’après l’époque qu’il s’était fait préciser par les mages.

17 Alors s’accomplit ce qui avait été dit par le prophète Jérémie :

18 Une voix dans Rama s’est fait entendre, des pleurs et une longue plainte : c’est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée, parce qu’ils ne sont plus.

19 ¶ Après la mort d’Hérode, l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph, en Égypte, 20 et lui dit : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et mets-toi en route pour la terre d’Israël ; en effet, ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant. »

21 Joseph se leva, prit avec lui l’enfant et sa mère, et il entra dans la terre d’Israël.

22 Mais, apprenant qu’Archélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur de s’y rendre ; et divinement averti en songe, il se retira dans la région de Galilée 23 et vint habiter une ville appelée Nazareth, pour que s’accomplisse ce qui avait été dit par les prophètes : Il sera appelé Nazôréen.

Prédication

Dimanche dernier, nous avons suivi l’Étoile avec les Mages…

Dans la suite de ce récit, les événements autour de l’enfant Jésus et de ses parents se poursuivent : l’Évangile de Matthieu ne nous laisse pas beaucoup de répit, ni de repos. A peine les mages partis, voilà que tout s’accélère !

L’ange apparaît à Joseph, Joseph le juste, l’homme souple et attentif aux paroles des messagers du divin, l’homme prêt à se mettre en marche.

« Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte ; restes-y jusqu’à nouvel ordre, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. »

Et Joseph va partir. Des années en Égypte jusqu’à ce que l’ange le prévienne de la mort d’Hérode et du retour possible en Israël. Mais de retour, nouveau roi, tout aussi cruel, et nouvel ordre de l’ange : c’est en Galilée que Joseph va finalement s’installer avec la petite famille.

Une fuite, un exode, puis un exil, voilà qui offre un réveil bien brutal après les réjouissances de la naissance. Et le pire : l’horreur, le massacre des enfants.

Les théologiens essayent toujours de contourner un peu ce texte : disons-le franchement, il n’y a pas de trace historique de cet événement, et heureusement !

Non, la naissance de Jésus n’a, semble-t-il, pas provoqué la mort réelle de tous ces innocents ! C’est déjà ça.

Mais le texte est là, et il faut bien en faire quelque chose, comprendre pourquoi Matthieu a pris un malin plaisir à faire souffrir ses lecteurs avec cette histoire épouvantable !

Je vous épargnerai la projection d’un des innombrables tableaux qui ont été peints sur ce thème, ils sont légion, tous plus explicites les uns que les autres. …

Première remarque : ce texte est un programme théologique

Un lecteur habitué de la Bible ne peut pas entendre ce texte de Matthieu sans que résonne dans sa mémoire d’autres récits. En plus, Matthieu prend le soin d’insister à chaque fois : « Alors s’accomplit ce qui avait été dit par le prophète … ».

Trois citations du premier Testament viennent souligner que tout s’accomplit en effet selon les Écritures. Ce sont des événements prévus de longue date que ce petit enfant, Jésus, « Dieu sauve », vient réaliser.

Jésus est le nouveau Moïse venu sauver à nouveau son peuple, mais d’une autre prison que l’Égypte. Seul bébé survivant, comme Moïse, il doit fuir, comme Moïse, qui ne rentre en Égypte qu’à l’annonce de la mort du pharaon. Jésus fait le chemin inverse.

C’est l’Égypte qui le sauve de la fureur du tyran, mais c’est en Galilée qu’il arrivera, vivant un nouvel exil comme les Israélites à Babylone.

C’est comme si Jésus, à lui tout seul, revivait l’ensemble de l’histoire du peuple d’Israël. La dernière citation « Il sera appelé Nazoréen », est des plus obscures et ne renvoie à aucun texte prophétique.

… On peut y voir un jeu de mot avec Nazir, « le saint », ou alors, et c’est ce que nous avons chanté dans le dernier cantique, une citation du prophète Ésaïe annonçant « le rameau » (Nazar).

Mais dorénavant, ce rameau venu apporter l’espérance au monde, n’annonce pas un retour au pays, ni une terre promise.

Avec Jésus, l’espérance prend corps dans un petit enfant qui est lui-même la réalisation de la promesse. L’Évangile de Jean le dira également, dans la rencontre avec la Samaritaine : 

« Désormais, ce n’est plus à Jérusalem ni en Samarie que vous irez prier, car c’est en esprit et en vérité. »

C’est comme si cet enfant Jésus faisait tomber toutes les frontières pour annoncer un Dieu qui dépasse tous les cadres.

En lui, Dieu poursuit son projet de Salut pour Israël et au-delà.

L’Écriture n’est pas annulée, elle est accomplie.

Deuxième remarque :

Ce texte bouleverse l’image d’un Dieu tout-puissant

N’hésitons pas à le dire, ce texte du massacre des enfants par Hérode est insupportable. … De nombreuses questions peuvent être soulevées : pourquoi l’ange n’a-t-il pas, en effet, prévenu tous les parents ?

Pourquoi Dieu n’est-il pas intervenu pour arrêter le bras d’Hérode, mais comme il n’est pas intervenu non plus en son temps pour arrêter le bras du Pharaon ? Ces souffrances n’ont pas de sens. Comme les souffrances de notre monde aujourd’hui n’ont pas de sens.

Le mal est à l’œuvre, nous en sommes les témoins chaque jour, et Dieu en est absent. Absent en tous cas comme tout-puissant.

Le Dieu qui ouvre la mer devant son peuple, celui qui change l’eau en sang, celui qui donne la victoire à l’armée de Josué, ce Dieu-là a disparu. Il ne peut plus répondre et expliquer toutes choses.

Le silence de Dieu fait mal, comme nous avons mal pour nos frères et sœurs mis à mort, maltraités, humiliés. Où est Dieu dans ces horreurs ?

Dieu, pourtant, glisse entre les mailles du filet…

Quand on fait œuvre d’historien, on trouve les dates des règnes des tyrans, c’est vrai.

Mais qui connaît vraiment quelque chose du règne d’Hérode le Grand, et de celui d’Archélaüs son fils ?

Qui se souvient encore du nom du pharaon au temps de Moïse ?

Pourtant, ce petit Moïse, insignifiant, ce petit Jésus, dans sa faiblesse, vont faire changer le cours du monde, tous faibles et insignifiants qu’ils sont.

L’historien ne trouvera nulle part la trace d’un modeste charpentier qui franchit quelques frontières. Ni des songes qui l’ont mis en marche.

Aucun chroniqueur de l’empire romain n’a retenu la naissance de Jésus, ni de sa mort, ni même de sa résurrection. Tout cela est insignifiant pour l’historien.

Pourtant, de sa vie, de sa mort et de sa résurrection, des générations et des générations de croyants ont reçu la paix, la force de tenir face à l’adversité et aux épreuves – et l’audace de s’élever contre les tyrans.

La résistance n’est pas frontale : que pourrait un pot de terre contre le pot de fer ?

Non, la résistance est intérieure à l’image d’un Nelson Mandela, pourrissant 27 ans dans sa prison – et qui a pourtant détruit le régime de l’apartheid dans son pays. …

Malgré la violence d’Hérode, un songe suffit à faire partir Joseph loin du tyran. Jésus dira : « Vous êtes le sel de la terre ». Un grain de sel, de rien du tout, peut changer le goût de la soupe.

Un rêve peut sauver une vie.

Un geste, un souffle ténu, peut parler de Dieu mieux que la violence.

Dieu s’est fait connaître par le passé en choisissant un peuple, ni le plus fort, ni le plus grand, ni le plus prometteur : une poignée de tribus coincée entre le géant égyptien au sud et le géant assyrien au nord.

Et dans les replis mouvementés de son histoire, entre exode et exil, Dieu s’est fait connaître comme source de paix.

Quand Il choisit de donner son fils, ce n’est pas comme le fils d’Hérode qu’il vient, mais dans une famille modeste et inconnue, au milieu des cris de haine et des pleurs des mères.

Sa vie ne tient qu’à un fil, celui d’un songe. Peut-être pour nous rappeler combien la vie est précieuse, unique.

Et combien chacun de nos plus petits gestes compte. Oui, chaque geste, chacun de nos actes, les plus dérisoires, a de l’importance, peut être décisif pour quelqu’un.

Dieu se glisse discrètement entre les mailles du filet de la violence. Entre les pierres, au milieu du béton du mal, les graines de la vie germent lentement, jusqu’à faire éclater les pierres, jusqu’à percer le béton.

Christ est ressuscité.

Il nous donne la force de tenir debout dans l’adversité et dans les épreuves. Il nous donne d’être le sel de la terre.

Amen