Anne et Samuel

Église protestante Unie d’Argenteuil, Asnières, Bois Colombes, Colombes

le 19 décembre 2021  Pasteur Denis Heller   Présentation de Roane

Lecture biblique : 1 Samuel 1 v 1 à 28   Anne et Samuel

1Il y avait un homme de Ramathaïm Tsophim, de la montagne d’Éphraïm, nommé Elkana, fils de Jeroham, fils d’Élihu, fils de Thohu, fils de Tsuph, Éphratien.

2Il avait deux femmes, dont l’une s’appelait Anne, et l’autre Peninna ; Peninna avait des enfants, mais Anne n’en avait point.

3Chaque année, cet homme montait de sa ville à Silo, pour se prosterner devant l’Éternel des armées et pour lui offrir des sacrifices. Là se trouvaient les deux fils d’Éli, Hophni et Phinées, sacrificateurs de l’Éternel.

4Le jour où Elkana offrait son sacrifice, il donnait des portions à Peninna, sa femme, et à tous les fils et à toutes les filles qu’il avait d’elle.

5Mais il donnait à Anne une portion double; car il aimait Anne, que l’Éternel avait rendue stérile.

6Sa rivale lui prodiguait les mortifications, pour la porter à s’irriter de ce que l’Éternel l’avait rendue stérile.

7Et toutes les années il en était ainsi. Chaque fois qu’Anne montait à la maison de l’Éternel, Peninna la mortifiait de la même manière. Alors elle pleurait et ne mangeait point.

8Elkana, son mari, lui disait: Anne, pourquoi pleures-tu, et ne manges-tu pas? Pourquoi ton cœur est-il attristé ? Est-ce que je ne vaux pas pour toi mieux que dix fils ?

9Anne se leva, après que l’on eut mangé et bu à Silo. Le sacrificateur Éli était assis sur un siège, près de l’un des poteaux du temple de l’Éternel.

10Et, l’amertume dans l’âme, elle pria l’Éternel et versa des pleurs.

11Elle fit un vœu, en disant: Éternel des armées! Si tu daignes regarder l’affliction de ta servante, si tu te souviens de moi et n’oublies point ta servante, et si tu donnes à ta servante un enfant mâle, je le consacrerai à l’Éternel pour tous les jours de sa vie, et le rasoir ne passera point sur sa tête.

12Comme elle restait longtemps en prière devant l’Éternel, Éli observa sa bouche.

13Anne parlait dans son cœur, et ne faisait que remuer les lèvres, mais on n’entendait point sa voix. Éli pensa qu’elle était ivre,

14et il lui dit: Jusques à quand seras-tu dans l’ivresse? Fais passer ton vin.

15Anne répondit: Non, mon seigneur, je suis une femme qui souffre en son cœur, et je n’ai bu ni vin ni boisson enivrante; mais je répandais mon âme devant l’Éternel.

16Ne prends pas ta servante pour une femme pervertie, car c’est l’excès de ma douleur et de mon chagrin qui m’a fait parler jusqu’à présent.

17Éli reprit la parole, et dit: Va en paix, et que le Dieu d’Israël exauce la prière que tu lui as adressée!

18Elle dit: Que ta servante trouve grâce à tes yeux! Et cette femme s’en alla. Elle mangea, et son visage ne fut plus le même.

19Ils se levèrent de bon matin, et après s’être prosternés devant l’Éternel, ils s’en retournèrent et revinrent dans leur maison à Rama. Elkana connut Anne, sa femme, et l’Éternel se souvint d’elle.

20Dans le cours de l’année, Anne devint enceinte, et elle enfanta un fils, qu’elle nomma Samuel, car, dit-elle, je l’ai demandé à l’Éternel.

21Son mari Elkana monta ensuite avec toute sa maison, pour offrir à l’Éternel le sacrifice annuel, et pour accomplir son vœu.

22Mais Anne ne monta point, et elle dit à son mari: Lorsque l’enfant sera sevré, je le mènerai, afin qu’il soit présenté devant l’Éternel et qu’il reste là pour toujours.

23Elkana, son mari, lui dit: Fais ce qui te semblera bon, attends de l’avoir sevré. Veuille seulement l’Éternel accomplir sa parole ! Et la femme resta et allaita son fils, jusqu’à ce qu’elle le sevrât.

24Quand elle l’eut sevré, elle le fit monter avec elle, et prit trois taureaux, un épha de farine, et une outre de vin. Elle le mena dans la maison de l’Éternel à Silo : l’enfant était encore tout jeune.

25Ils égorgèrent les taureaux, et ils conduisirent l’enfant à Éli.

26Anne dit: Mon seigneur, pardon! Aussi vrai que ton âme vit, mon seigneur, je suis cette femme qui se tenait ici près de toi pour prier l’Éternel.

27C’était pour cet enfant que je priais, et l’Éternel a exaucé la prière que je lui adressais.

28Aussi je veux le prêter à l’Éternel: il sera toute sa vie prêté à l’Éternel. Et ils se prosternèrent là devant l’Éternel.

Prédication

Sœur Anne ne vois-tu rien venir ? Oui Sœur Anne ne vois-tu rien venir ? Cette expression du langage populaire n’a rien de biblique. Elle est une citation de la pièce de Charles Perrault « Barbe bleue ». La jeune épouse de Barbe bleue sur le point d’être tuée par son époux interpelle alors sa sœur Anne pour savoir si le secours va arriver, si leur frère va venir à la rescousse.

Une expression populaire pour signifier une attente sans beaucoup d’espoir, une attente désespérée.

Une expression qui pourrait être appliquée à Anne, cette fois ci notre personnage biblique qui attend désespérément un enfant. Elle est l’une des épouses de Elkama. Chaque année, au moment où ils montent ensemble en pèlerinage au sanctuaire de Silo, sa douleur redouble car elle constate qu’elle reste toujours stérile et que son avenir reste toujours aussi sombre.

Frère Renaud, Sœur Sophie, Sœur Christine, Frère Patrick ne voyez-vous rien venir ? Une question que nous pouvons nous poser à l’approche de Noël et du Nouvel An ; la question à nous poser en cette période de l’Avent, de l’attente, de l’attente de ce qui vient, ce qui advient ( ce qui a donné en français à notre mot de l’Avent avec un e et non un a )

Ne voyons-nous rien venir ? Rien advenir ? Notre avenir est à ce point bouché, horizons fermés. La 5éme vague succède à la 4éme vague. Nous pensions en avoir fini de cette satanée pandémie pour vivre enfin un Noël normal, un Noël familial, un Noël de rassemblement et de chaleur fraternel. Et voilà que c’est reparti avec des projets, des perspectives qui tombent à l’eau et des mesures sanitaires plus contraignantes. Frères et Sœurs ne voyons-nous rien venir ? Rien de nouveau ? Rien comme sortie de crise, comme inattendu renouvelant nos regards et nos perspectives, comme imprévu ouvrant notre avenir, comme rayon de soleil dans l’opacité du brouillard environnant.

Anne est dans une situation semblable. Les années se répètent, les pèlerinages se succèdent à Silo, lieu où les Israélites ont l’habitude de faire des sacrifices de reconnaissance et de gratitude en offrant à l’Éternel Dieu des produits de leur culture et de leur élevage. Mais peut-elle être reconnaissante envers Dieu, elle qui reste désespérément stérile ? Elle se lamente, se désole. Elle en pleure, nous dit-on ; elle est à ce point de désolation qu’elle ne mange pas, qu’elle ne mange plus. Serait-elle maudite par Dieu ? Sa douleur, sa détresse sont intenses d’autant que l’autre épouse de son mari, Peninna la mortifie ; il est vrai qu’à cette époque dans le peuple d’Israël la polygamie était fréquente, il faudra attendre l’époque de Jésus pour que la monogamie soit prônée de manière ferme. Oui la seconde épouse qui a elle des enfants l’humilie, la déconsidère, l’enfonce dans son malheur. Ce n’est pas l’amour que lui porte son mari et qui lui est clairement déclaré qui la console. Incapable de donner la vie, sans horizon, ni espérance, ni avenir elle s’enferme dans sa tristesse et sa douleur.

Que lui reste-t-il ? Sinon la prière, sinon l’appel au secours, l’appel à l’aide adressé à son Seigneur ?

« Seigneur, Dieu d’Israël, vois combien je suis malheureuse. Ne m’oublie pas. Aie pitié de moi. Donne-moi un fils, je m’engage à le consacrer pour toujours à ton service. Ses cheveux ne seront jamais coupés »

Prière intense et longue, nous dit-on, où Anne se livre en pleurs, corps et âme à Dieu telle qu’elle est, en comptant de tout son être sur Lui, sur son secours et sa miséricorde. Lutte et combat d’une prière au point qu’Eli prêtre du sanctuaire de Silo pense qu’elle est ivre, dans un état second. « Va faire passer ton ivresse ailleurs ! », lui dit-il et Anne de lui répondre : « Non je ne suis pas ivre. Je suis une femme malheureuse mais je n’ai pas bu. Je suis là pour confier ma peine au Seigneur. Ne me considère pas comme une femme de rien. Si j’ai prié aussi longtemps c’est parce que mon cœur débordait de chagrin et d’humiliation ».

Situation d’une femme en souffrance, sans descendance, sans espérance, sans avenir, abandonnée à son désespoir qui ne voit rien venir, qui ne voit rien advenir.

Mais le prêtre Eli, le serviteur de Dieu comprend sa détresse et voit en elle une femme de foi, sincère et priante. Il l’assure de la paix de Dieu pour elle, de l’écoute de Dieu qui reçoit sa prière, de la bienveillance de Dieu à son égard, en un mot de la bénédiction de Dieu pour elle.

La suite vous l’avez en mémoire. Samuel, littéralement « celui qui a été demandé » va naître. Lors des pèlerinages suivants à Silo, d’abord Elkana son père, puis Anne sa mère pourront exprimer leur reconnaissance envers Dieu, pour l’enfant donné, l’enfant reçu. Anne exprime sa reconnaissance et sa joie en particulier au travers de ce qui sera appelé le Cantique d’Anne, un des plus vieux textes de la Bible, cantique dont s’inspirera Marie dans son propre cantique, pour rendre grâce à Dieu pour la naissance de Jésus.

Anne la désespérée, la découragée qui ne voyait rien venir, est transformée, en quelque sorte ressuscitée. Son nom vient d’une racine hébraïque qui signifie « avoir pitié ». Dieu a eu pitié d’elle, autre manière de le dire, elle a été au bénéfice de la pitié de Dieu, de sa grâce, de sa miséricorde.

Elle qui n’avait plus d’avenir va donner naissance à Samuel, le dernier des juges, eux qui étaient à la fois responsables politiques et responsables religieux d’un peuple d’Israël en situation critique.

Son enfant Samuel jouera un rôle important pour le peuple élu, le peuple de l’alliance puisqu’en étant tout à la fois juge et prophète, il va installer le premier roi Saul, puis, le roi par excellence, le roi David à la tête du peuple d’Israël. Sa naissance se situe au tout début du livre de Samuel ; elle est suivie des récits de l’histoire du peuple d’Israël qui se trouvent dans les livres bibliques de 1 Samuel, 2 Samuel, 1 Rois puis 2 Rois.  Début d’une longue histoire …

Une naissance miraculeuse chez une femme stérile, une de plus me direz-vous dans l’histoire biblique. Car de telles naissances sont nombreuses. Rappelez-vous les nombreuses femmes sans enfant qui deviennent mères : Sarah, Rachel, la mère de Samson, Élisabeth mère de Jean-Baptiste. Des naissances miraculeuses qui n’auraient pas dû se produire, à l’image de la maternité de Marie, elle, qui donne naissance à Jésus.

Dans des situations à vue humaine, fermées, bloquées, sans issue, sans avenir, Dieu ouvre des brèches. Il crée des espaces. Il ouvre des horizons. Dans des situations de mort, sans espérance, il ouvre à la vie.

Mon frère, ma sœur ne vois-tu rien venir ? A vue humaine, nous serions bien en peine pour imaginer des lendemains qui chantent. Le poids des fatalités, des déterminismes, des puissances mortifères parfois nous envahit.

Nous sommes parfois comme Anne, abattus, découragés par la stérilité de nos vies, de nos actions, de nos projets. Rien ne bouge ; rien ne change ; rien n’évolue. Les actualités depuis 2 ans semblent tourner en boucle. Nous retombons nous-mêmes dans nos vies personnelles, dans les mêmes travers et erreurs.

Et pourtant en cette période de l’Avent, contrairement à sœur Anne du conte de Barbe Bleue qui ne voyait rien, nous voyons venir, advenir celui que les prophètes ont annoncé, celui qui fait naître en nous la lumière de l’espérance, le souffle de la foi, la chaleur de l’amour. Même dans nos stérilités, une naissance est promise. Il naît dans la pauvreté d’une mangeoire et dans la fragilité de nos vies. Il naît dans la petitesse d’un foyer de Palestine et dans la faiblesse de nos forces et de notre foi.

Par sa naissance, il nous ouvre à d’autres naissances. Il élargit nos chemins et nos horizons. Anne donnera naissance à un Samuel qui permettra alors au roi David de régner et dans la lignée de David naîtra le messie.

Ce n’est pas le rien qui vient, ni la répétition sans cesse du mal ou du malheur, mais la lumière d’amour de Dieu sur les humains.

Anne l’a expérimenté. D’autres femmes de la Bible l’ont expérimenté et en particulier Marie. D’autres croyants de tous les âges et générations en ont fait l’expérience. A travers le récit de ce matin, il nous est dit que Elkana et Anne, les parents de Samuel, en ont fait l’expérience Ils ont reçu véritablement Samuel leur enfant comme un don de Dieu, comme un miracle de Dieu comme une marque de sa bienveillance et de sa miséricorde. En retour il nous est dit qu’ils présentent leur enfant Samuel à Dieu puis ils lui donnent, ils le consacrent. Ils lui confient en quelque sorte, reconnaissant par-là que ce qu’ils peuvent souhaiter de mieux pour lui, pour Samuel leur fils, c’est qu’il marche dans la présence de Dieu et qu’il construise sa vie sur sa Parole. C’est ce que fera Samuel lui à la fois, juge, prophète et homme de Dieu.

Bijoux et Guy en présentant Roane à la bénédiction de Dieu, vous avez une démarche semblable. Vous reconnaissez que Dieu vous l’a donné et ainsi vous le remerciez. Vous confiez aussi Roane à Dieu à sa bénédiction et à son amour. Qu’il puisse grandir à l’image de ce qu’était Samuel. Ainsi vous voyez venir Roane comme un don de Dieu et un avenir nouveau s’ouvre et pour vous et pour lui.

Plutôt que de ne rien voir arriver et si nous étions invités à voir venir avec les yeux de la foi, ce que Dieu nous donne, son Fils, son amour, sa Parole, sa présence.

Voyant ce qu’il nous donne, nous sommes alors embarqués avec lui sur des chemins nouveaux, des chemins d’espérance. Amen