A chaque jour suffit sa peine

Église Protestante Unie d’Argenteuil, Asnières, Bois-Colombes, Colombes
Culte pour les endeuillés – 6 novembre 2022 – Pasteur Denis Heller

Lecture biblique : Matthieu 6 v 25 à 34      « A chaque jour suffit sa peine »

« 25 C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps, de quoi vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? 26 Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent rien dans des greniers; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? 27 Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une coudée à la durée de sa vie? 28 Et pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement? Considérez comment croissent les lis des champs : ils ne travaillent ni ne filent ; 29 cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. 30 Si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs, qui existe aujourd’hui et qui demain sera jetée au four, ne vous vêtira-t-il pas à plus forte raison, gens de peu de foi? 31 Ne vous inquiétez donc point, et ne dites pas: Que mangerons-nous? que boirons-nous? de quoi serons-nous vêtus? 32 Car toutes ces choses, ce sont les païens qui les recherchent. Votre Père céleste sait que vous en avez besoin. 33 Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données par-dessus. 34 Ne vous inquiétez donc pas du lendemain; car le lendemain aura soin de lui-même.

Prédication

Ce matin, je vous propose de méditer pour ce culte, dit des endeuillés, autour de cette parole biblique qui conclue notre long passage, extrait de l’Évangile de Matthieu : « A chaque jour suffit sa peine », oui « A chaque jour suffit sa peine »

Elle se trouve dans le long sermon sur la Montagne que Jésus adresse à ses disciples et qui commence par les Béatitudes « Heureux les pauvres de cœur car ils verront Dieu ». Seul l’évangéliste Matthieu la cite. Elle n’est pas présente dans l’Évangile de Luc qui relate aussi le Sermon de Jésus à ses disciples. On peut penser qu’il s’agit d’une expression proverbiale de la pensée populaire que Jésus reprend à son compte. « A chaque jour suffit sa peine ». Elle est entrée dans le langage courant mais comment faut-il la comprendre ?

Est-ce à dire, comme certains aujourd’hui la comprennent, qu’il faudrait chaque jour entreprendre le travail correspondant à ses forces et au temps que l’on peut consacrer ? Manière d’en faire le moins possible et de remettre une bonne partie du travail au lendemain, à plus tard ! Il ne semble pas !! car le mot grec traduit par peine ne signifie pas travail, ni activité mais pourrait être traduit littéralement par méchanceté, mal, malheur, malfaisance. Dans le sens, où chaque jour peut faire mal, où chaque jour contient ses peines qui font mal. Chaque jour a sa dureté.

Les épreuves du deuil, de la maladie, du découragement peuvent apporter les peines du cœur, de l’esprit et du corps. La perte récente et même ancienne d’un être aimé, d’un être cher peut être source de douleurs et de souffrances. Chaque jour, l’absence du proche aimé pèse sur les épaules avec parfois des regrets, des remords, un sentiment de culpabilité. Le poids de la solitude est lourd à porter. Faire son deuil n’est pas chose facile.

« A chaque jour suffit sa peine » Faudrait-il alors recevoir cette parole biblique comme une parole de résignation et d’acceptation  de cette réalité, comme si l’existence humaine était soumise avant tout au mal, au malheur , à la peine ? « A chaque jour suffit sa peine » une parole de même nature que celle que l’on prononce d’ailleurs faussement mais cela ferait l’objet d’une autre prédication ! « A chacun de porter sa croix » Il faudrait faire avec, il faudrait s’y résoudre. Ce serait la seule perspective qu’apporterait le message chrétien : plier sous la fatalité du malheur, se soumettre à cette évidence d’une dureté de chaque jour, envahissant l’espace et les esprits, comme si la mort et ce qu’elle suscite avaient le dernier mot. IL n’y aurait rien à faire, sinon plier l’échine et s’y résoudre.

 A chaque jour suffit sa peine » Comment comprendre cette parole biblique qui est parole de Jésus située dans le Sermon sur la Montagne selon l’évangéliste Matthieu. ?

Il y aurait encore une autre interprétation, très en phase avec la pensée d’aujourd’hui, très en consonance avec la manière de vivre de nos contemporains. Une parole qui en effet insiste sur l’importance de chaque jour et souligne la priorité du présent. Qu’importe le passé, qu’importe l’avenir ! Vivons le présent même s’il comporte ses peines. Le présent se suffit à lui-même. Profitons du présent à fond, à plein. ! Cela rejoint la maxime du philosophe romain Horace né en 65 avant J.C., maxime latine : « Carpe diem » à savoir « cueille le jour présent » et il y a une suite « sans te soucier du lendemain » ou littéralement cueille le jour présent et sois le moins crédule possible pour le jour suivant. Une invitation à être pleinement dans le présent, à profiter du présent sans penser ni au passé, ni à l’avenir. C’est à dire sans racine, ni perspective. Avec du coup, une dérive bien présente ; si seul le présent compte, celle d’avoir comme seul critère d’évaluation des situations, son plaisir immédiat, sa satisfaction de l’instant ! au jour le jour. Faudrait-il laisser le passé derrière soi, oublier tous les souvenirs de ceux que nous avons aimés et qui nous ont quittés ? Serait-ce ce à quoi cette parole biblique nous invite ? Une attitude de résignation dans la 1ére interprétation ou une vie au jour le jour le jour sans fondement, ni perspective dans la 2éme interprétation.  Une parole de la sagesse populaire que Jésus reprendrait à son compte et qui viendrait affadir, aplatir, anesthésier l’existence humaine ?

Comme toujours, il faut replacer cette parole biblique, cette parole de Jésus dans son contexte, par rapport à ce qui la précède et alors elle prend du relief, de l’épaisseur, du sens.

Trois éclairages, trois remarques qui permettent d’en comprendre autrement le sens.
Premier éclairage, première remarque.
Cette parole de Jésus qui nous intrigue ce matin fait suite à la prière du Notre Père, cette prière que Jésus enseigne à ses disciples. Cette prière qui contient une 4éme demande, ayant rapport à ce que contient chaque jour. En effet la voici : « donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour », oui donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». Prière du disciple, du croyant qui invoque son Seigneur pour lui demander le pain de chaque jour, ce dont il a besoin chaque jour. Le pain de chaque jour, pour nourrir ses forces physiques, le pain de chaque jour, pour nourrir ses forces spirituelles. Alors le croyant dans cette confiance qu’il a en son Seigneur sait en effet, que si chaque jour aura sa part de dureté et de peines, il sait, il croit aussi et surtout qu’il recevra de son Dieu ce pain quotidien pour avoir forces, courage, joies nécessaires pour vivre au mieux chaque journée.

Si chaque jour contient ses peines, il croit, il sait que chaque jour contient aussi les bontés du Seigneur, sa présence, son soutien, sa lumière. « A chaque jour suffit sa peine », une parole qui devient alors un simple principe de réalité, rappelant que nous sommes dans un monde marqué par la mort, marqué par le mal et que nous ne sommes pas à l’écart de possibles souffrances et peines. Mais pour autant, face à ces peines et ces souffrantes inhérentes à la condition humaine, il y a les bontés du Seigneur qui se renouvellent chaque jour, à l’image de la manne accordée au désert par l’Éternel Dieu au peuple d’Israël.

La dose nécessaire de courage, de confiance de nourriture de forces leur était chaque jour accordée ; juste le nécessaire, juste ce dont ils avaient besoin. Pas plus, pas moins. « Oui donne nous aujourd’hui notre pain de chaque jour ». Pain matériel comme pain spirituel alors que nous pouvons être accablés par ls peines du jour. Dans les peines et épreuves que nous traversons ils ne nous laissent pas seuls. Ces bontés et son soutien seront plus forts que nos peines.

2éme éclairage, 2éme remarque.
Notre parole biblique « A chaque suffit sa peine » est insérée dans un verset lui-même très éclairant. Je cite « Ne vous inquiétez donc pas pour le lendemain, le lendemain s’inquiétera de lui-même . A chaque jour suffit sa peine » J’ose transcrire ce verset de la manière suivante : ne vous mettez pas en peine du lendemain, le lendemain se mettra en peine de lui-même ; A chaque jour suffit sa peine. Autre manière encore de dire : laissez les peines du lendemain et nous pourrions rajouter aussi les peines du passé. Vous avez déjà à porter les peines de chaque jour. Vous avez déjà bien à faire !

Et Jésus de montrer qu’il ne sert à rien de se mettre en peine pour le lendemain, de s’inquiéter pour demain. Voyez, les oiseaux du ciel sont nourris, les lys des champs poussent. Pourquoi s’alourdir des soucis, des peines du lendemain et aussi de celles du passé ? Le passé comme l’avenir sont en Dieu. Inutile de vous charger des peines de l’avenir comme celles du passé, inutile de vous inquiéter sans cesse à vous en rendre malades.

Un appel à la confiance, non pas à l’insouciance, ni à la paresse ; non, à la confiance pour remettre passé et avenir à Dieu, en Dieu.

Nous sommes invités à une telle démarche à l’égard de tous ceux qui nous ont quittés. Leur passé est en Dieu. Leur avenir est en Dieu comme le nôtre. Les regrets, les remords s’effacent à la lumière de son pardon et pour eux et pour nous, Les peurs et les craintes sur leur sort, sur leur devenir disparaissent à la lumière d’un amour de Dieu inaltérable, plus fort même que la mort. Cet appel de Jésus à la confiance, coûte que coûte transforme nos regrets du passé en reconnaissance et nos peurs de l’avenir en espérance. Peines du passé et de l’avenir sont invitées en Lui à s’effacer. Seules les peines du présent, de chaque jour restent et sont à surmonter par ses bontés et le pain de chaque jour accordé.

Enfin 3éme éclairage, 3éme remarque.
Si effectivement le message de Jésus nous oriente résolument vers le présent, en nous rendant reconnaissants face au passé et confiants face à l’avenir, il n’est pas lit de paresse. Il invite à un présent actif, engagé, orienté. « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice » leur dit-il. Le présent pourra contenir ses peines, à chaque jour suffit sa peine mais il sera éclairé, porté par ce que Dieu nous accorde comme pain de chaque jour, il sera traversé par cet appel à la vie, à cet appel à agir, cette invitation à rechercher la justice et le Royaume de Dieu. Jésus en a montré le chemin.
Malgré nos peines, laissons-nous emporter par cette recherche du Royaume et de sa justice. Qui dit Royaume, qui dit justice, dit rencontres avec les autres, engagements et services avec et pour les autres C’est de ce côté-là qu’est la vie ; c’est de ce côté-là que Dieu nous attend.

A chaque jour suffit sa peine. Oui chaque jour avec ses peines. Chaque jour avec les bontés du Seigneur Chaque jour, dans la confiance en Lui pour l’avenir

Chaque jour à rechercher sa justice et son royaume et à être ainsi artisans de paix, semeurs d’amour, témoins de l’Évangile.

Amen