« Veillez »

Le 29-11-20  Pasteur Denis Heller              Premier Dimanche de l’Avent

Marc 13 v 33 à 37

« Prenez garde, veillez et priez; car vous ne savez quand ce temps viendra.

34Il en sera comme d’un homme qui, partant pour un voyage, laisse sa maison, remet l’autorité à ses serviteurs, indique à chacun sa tâche, et ordonne au portier de veiller.

35Veillez donc, car vous ne savez quand viendra le maître de la maison, ou le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin;

36craignez qu’il ne vous trouve endormis, à son arrivée soudaine.

37Ce que je vous dis, je le dis à tous: Veillez. »

A la lecture rapide de ce très court passage de l’Évangile de Marc, j’en conclue qu’il faut boire beaucoup, beaucoup de café ou de thé ou beaucoup d’autres excitants avec de la vitamine C, pour être en capacité de veiller !! Car c’est bien cette recommandation de veiller qui ressort de cette brève exhortation de Jésus à ses disciples. Cela me rappelle l’expérience douloureuse, partagée par tous les veilleurs de nuit, alors que ,comme jeune volontaire de l’année diaconale, je devais rester éveillé pour faire des rondes de nuit régulièrement, dans un foyer de jeunes en difficulté, tenu par l’Armée du Salut.

Un vrai combat, une vraie épreuve pour ne pas somnoler, ni m’endormir. Des veilles de nuit qui sont plutôt de très mauvais souvenirs de nuits, passées dans un état second, entre un demi sommeil et un éveil forcé.

De quelle veille, veillée s’agit-il ? Nous faut-il devenir tous veilleurs de nuit ou portiers de nuits ou plantons ? Un métier que j’ai toujours plaint car il n’est pas drôle de devoir veiller debout, à ne rien faire, par tous les temps . Mais soyons sérieux !

Un chiffre ne prend de la valeur ou de l’importance que lorsqu’il est comparé à un plus vaste ensemble. C’est ce que durant cette épidémie nous avons réappris, alors que nous étions inondés de chiffres de toute part. Il en est de même pour une courte exhortation, comme celle d’aujourd’hui. « Veillez, veillez donc » Par 3 fois, ce mot d’ordre est donné aux disciples. Cette recommandation insistante, répétée ne prend sens que par rapport aussi à son contexte, par rapport à ce qui la précède.

Tout le chapitre 13 de l’Évangile de Marc est une longue réflexion sur le temps, sur le temps à venir,  sur l’avenir. Notre exhortation à veiller, à savoir veiller, à apprendre à veiller se trouve tout à la fin de ce long chapitre. Les disciples de Jésus et les premiers chrétiens auxquels s’adresse l’évangéliste Marc, sont désireux de connaître les signes des temps, de savoir à l’avance, ce qui adviendra, de deviner le futur. C’est somme toute si naturel , si humain de chercher à savoir à l’avance, pour mettre un peu de lumière et de clarté dans un avenir troublé, toujours incertain, inconnu. Voyez le succès aujourd’hui de l’astrologie, des salons de voyance. C’est certainement plus rassurant, de savoir ce qui nous attend.

Jésus met à bas cette frénésie apocalyptique, cette enthousiasme parfois délirant de vouloir deviner le temps, le futur.

« Attention aux faux prophètes , dit-il, prenez garde, soyez sur vos gardes ». Il refroidit les ardeurs de ceux qui cherchent à décrypter le futur.

Quel est le sens des événements, le sens de l’Histoire ? Vers quoi allons-nous ? Où allons-nous ? Questions que se posent déjà les premiers disciples et les premiers chrétiens.

Ils sont friands  de prédictions et Jésus leur apporte une prédication, une prédication exhortative. Ils sont plus intéressés par l’avenir que le présent et Jésus les ramène au présent par cette recommandation éthique exigeante :  « Veillez et ne vous endormissez pas »

Dans cette avenir qui est devant eux, sont évoqués des événements, en fait de tous les temps, de toutes les époques : guerres, détresses, famines, tremblements de terre, nous pourrions rajouter épidémies. Cela ne caractérise pas une époque plus qu’une autre mais il leur est dit qu’au milieu de cette histoire humaine tourmentée, bouleversée, chahutée Jésus est là, qu’il vient, reviendra en gloire à la fin des temps. Il ne les abandonne pas à leur sort et à l’apparent chaos du monde.

« Prenez garde , veillez et  priez car vous ne savez pas quand ce temps viendra. » Pour illustrer ces propos, comme   souvent dans le judaïsme, Jésus, en rabbi juif, cite une petite histoire d’ordre allégorique. Un homme part en voyage, laisse sa maison à ses serviteurs, indique à chacun sa tâche . Une étrange similitude avec la parabole des talents ou des 3 serviteurs que nous abordions, il y a 15 jours. Mais ici, pas de biens confiés, sinon la maison à occuper, à entretenir et surtout un appel à veiller pour être prêt à accueillir le maître lorsque celui-ci reviendra. Celui-ci , nous dit-on, peut revenir à tout moment le soir, au milieu de la nuit, au chant du coq, au matin. Une vigilance du coup de tous les instants pour être là, pour être prêts à l’accueillir. « Toujours prêts » comme disent les scouts.

Comme toujours aux questions, qu’on lui pose, Jésus donne des réponses qui décalent, déplacent, déroutent.

Les disciples veulent acquérir un savoir, une connaissance supplémentaire sur l’avenir et Jésus leur pose une recommandation éthique, une recommandation de comportement qui n’est pas tant de l’ordre du savoir, mais qui demande une mobilisation de tout leur être à tout moment, une vigilance, une attention des tous les instants pour être prêts, aux aguets.

Les disciples s’intéressent à l’avenir et Jésus les ramène au présent. Soyez pleinement dans le présent, vivez pleinement le présent de tout votre être, dans l’écoute, l’attention, la vigilance, l’action.

« Veillez, dit autrement, restez éveillés » Soyez dans votre présent, par votre écoute, votre vigilance, auprès de votre entourage, dans votre environnement.  Et ne soyez pas ailleurs, soit dans un avenir rêvé, fantasmé, soit dans un passé douloureux ou à l’inverse, idéalisé. Ne soyez pas ailleurs dans vos pensées , regrets, remords de ce que vous n’avez pas fait, pas su faire, ou mal fait , ni dans des projets illusoires pour les jours a venir. «  Veillez donc, une veille au présent qui mobilise toute notre énergie , nos forces, dans la réflexion et l’action pour ne pas manquer la présence  de Dieu, la présence des autres.

Je crois que plus que jamais, nous sommes dans la situation des disciples, à nous demander : mais quel sera l’avenir ? Qu’est ce qui nous attend ? A court terme, quelles seront les nouvelles mesures fixées par le gouvernement ? Quelles seront les possibilités de déplacement, de rassemblement, dans les prochaines semaines autour de Noël et après, en janvier ?A moyen et long terme, quand va cesser cette épidémie ? Quelle sera la vie d’après ? Une vie avec ou sans Covid 19 ? Pour certains d’entre nous, peut-être des question concrètes vitales se posent : quel sera mon travail ? Vais-je pouvoir continuer à vivre, comme je le faisais, avec le même train de vie ? Nos grands enfants , jeunes adultes vont-ils pouvoir s’insérer professionnellement ? Autant de questions qu’il est normal de se poser. Toutes ces interrogations, sources de tracas et d’inquiétudes, pourraient se résumer en une seule : Qu’est ce qui va advenir ou qu’est ce qui adviendra ?

Il se trouve que nous sommes le premier dimanche de l’Avent ; ce qui correspond dans l’année liturgique au début de l’année , à ce temps qui précède Noël ; Vous savez peut être que ce terme de l’Avent provient justement du verbe « advenir ». L’Avent le moment qui nous rend sensibles à ce qui advient …

Face à l’avenir, face à toutes ces questions de la vie courante que nous sommes en droit de nous poser , comme pour les disciples, Jésus ne nous fournit pas un savoir , ni une connaissance particulière.  Nous sommes comme tous les autres humains livrés à nos réflexions, nos intuitions, nos supputations, nos projections, Et cette période d’épidémie nous a rappelé qu’elles étaient bien souvent incertaines, car fondamentalement l’avenir n’est pas maîtrisable

Par contre, il y a en ce premier dimanche de l’Avent, à recevoir cette parole de Jésus : «  Veillez » avec cette espérance , cette confiance que le maître vient , revient, nous rejoint, marque nos existences de sa présence et de son appel.

Veillez pour être vigilants, prêts à accueillir le nouveau et l’inattendu, qu’il veut nous faire découvrir. Vigilants, prêts pour saisir l’inédit, l’insoupçonné, l’insoupçonnable qui ouvre des portes, élargit l’horizon, . Vigilants, prêts pour ne pas manquer toutes les opportunités qui nous sont données pour partager la joie d’être ensemble, pour tisser des relations de confiance, pour être avec nos proches comme avec les inconnus, des artisans de paix et de réconciliation.

Une vigilance, une veille, une attention pour tous les appels à la vie qu’il nous lance, tous les chemins de vie à repérer, à emprunter qu’il nous trace, toutes les portes d’espérance qu’il nous ouvre.

Dans un contexte de crise sanitaire , la vigilance aujourd’hui est sollicitée, l’attention aujourd’hui est convoquée, davantage pour repérer les dangers, les menaces. Prudence, nous dit-on, partout car la proximité de l’autre pourrait constituer un danger. L’exhortation de Jésus à veiller est plutôt une mobilisation de notre vigilance et de notre attention pour construire la vie, pour ne pas manquer les occasions d’être témoins de son Royaume.

« Veillez » certains manuscrits rajoutent « et priez ». Car dans les évangiles , il y a souvent association des 2 verbes : « Veillez et priez. »

Veillez pour nous tenir prêts à parler, à agir, à accueillir, à témoigner, au moment opportun.

Priez pour nous tenir devant Dieu et lui demander force, courage, attention.

Le présent que nous bâtirons alors avec l’aide de Dieu est , sera porteur d’un avenir d’espérance. L’Avent qui commence nous oriente vers ce qui advient , vers cette lumière de Dieu qui advient à Noël en Jésus-Christ . Veillons.

Amen