« Saluez vous les uns les autres »

Sketch sur la salutationculte de rentrée du 13 septembre 2020

« saluez vous les uns les autres par un saint baiser »  romains 16 v 16

Un jour dans les rues de Paris, 2 personnes se croisent

(D : Denis et A :Andreas)

D : (en se retournant) : Mais c’est … mais c’est mon … mais c’est lui c’est mon ami Andreas ! Andreas !! Andreas !!!

A : Mais c’est toi Denis mon ami. Nous nous n’étions plus vus depuis bien longtemps ; après toutes ces bonnes années à Bois Colombes

D : Quelle joie de nous revoir après tant d’années

A : Que deviens-tu ? Toujours les moustaches

D : Et toi toujours le vélo et le saxo !

A : Non le trombone ! Comme cela fait plaisir de te retrouver

D : Alors pour marquer le coup, tombons dans les bras l’un de l’autre

A : Stop je t’arrête. Cela est impossible. Pas de contact physique

D : Alors donnons-nous une bonne poignée de mains.

A : Stop interdit. Tu sais bien que la légendaire poignée de main pastorale à la sortie du culte n’est plus possible

D : mais alors comment nous saluer ? Comment dire notre amitié concrètement, comment par le geste dire notre lien de fraternité ?

A : Et oui fini les deux bises, voire les 3 bises du Sud de la France ou même les 4 bises dans certaines régions ou la seule bise de la Bretagne. Au moins on n’est plus à toujours se demander 1 ? 2 ? 3, 4 ? Il y a bien la salutation par les coudes mais cela n’est pas très esthétique ou celle des pieds ! attention les chutes !

D : Je te propose la salutation japonaise.

Tu t’inclines, depuis la taille dans un angle de 15 degrés :

C’est un salut informel qui convient à tous les rangs et en toute occasion. Il est vrai qu’après selon les circonstances et l’importance des personnes rencontrées, l’angle d’attaque varie

A : Eh bien moi, je te propose la salutation à la grecque. Simple, pas compliqué, direct. Je te tapote le haut de l’épaule et c’est fait.

D : Non encore mieux celle des Esquimaux ! Tu frottes ton nez contre le nez de celui que tu rencontres

A : Du même genre, en plus compliqué. Comme en Nouvelle-Zélande ou chez les Maoris; On se touche à la fois le nez et le front. Mais attention les virus ; je ne te dis pas !

D : Toutes des salutations avec contact qui ne conviennent pas ; Nous sommes à l’air du sans contact, sais-tu ? Paiement par carte sans contact. Communication par réseau sans contact. Salutation sans contact. Il ne reste que la clé de voiture avec contact. Et encore ! Non je pense à la salutation thaïlandaise le WAI. Tu places tes mains en position de prières sur ta poitrine. Tu t’inclines légèrement… plus tes mains sont placés hautes, plus tu montres du respect pour l’autre. Alors cher Andreas excuses moi ; pour toi je monte haut, très haut. Et je m’arrête là car si je dépasse la tête, cela signifie une insulte.

A : Eh bien moi qui aie beaucoup voyagé en vélo dans ma folle jeunesse j’en ai encore une meilleure, celle du Tibet. Celle qui consiste à tirer la langue à celui qu’on salue et ce n’est pas une blague ; Cette pratique vient de la croyance en la réincarnation ; à ne pas confondre avec la résurrection chrétienne ; Dans la réincarnation comme tu le sais la notion d’individu n’existe pas puisqu’on se transforme selon les cycles en d’autres êtres ou d’autres animaux.

Par contre dans la résurrection, chaque personne humaine est unique et elle a de la valeur pour toujours aux yeux de Dieu. Donc au 9ᵉ siècle, un roi tibétain connu par sa cruauté, avait une langue noire. Alors pour saluer, on tire sa langue pour montrer qu’on n’est pas la réincarnation du violent roi d’autrefois.

D : dans ce registre un peu dégoûtant, je crois savoir que dans certaines tribus d’Afrique centrale on se salue en crachant au pied ; je ne te dis pas sur les pieds de la personne rencontrée. Attention les postillons !

A : Soyons sérieux et je ne te parle pas de l’embrassade sur les lèvres en Russie … Oui la salutation ce n’est pas rien ! C’est la reconnaissance de l’autre ; son accueil, la manifestation concrète pour lui dire qu’il a de l’importance, de la valeur à nos yeux.

D : Je dirais même plus. La salutation c’est tout le contraire de l’individualisme et de l’indifférence à l’autre. En le saluant, je le reconnais comme un prochain, je lui donne une place. Je m’engage en quelque sorte envers lui.

: Tu as raison. Dans la Bible il y a cette belle, très belle salutation « Shalom » qui est toujours prononcée aujourd’hui par les juifs. « Shalom » ce qui signifie paix ; paix sur toi, paix sur ta vie, paix de Dieu avec toi. C’est ce que l’on peut souhaiter de mieux, de meilleur pour ceux qu’on rencontre ; Une paix en eux, une paix sur eux, une paix dans leurs relations avec les autres. Et lorsqu’on prononce ce mot de paix, ce souhait de paix, on s’engage d’une certaine manière vis-à-vis de l’autre pour qu’il vive de cette paix. Tu imagines le ridicule, l’hypocrisie de la personne qui saluerait par ce beau mot de Shalom et qui par-derrière chercherait à faire des ennuis et des histoires. Impossible !!

D : Merci à toi pour ce beau rappel. Disons à nos voisins de droite, de gauche, de derrière, de devant Shalom ……

Ce que tu me dis là me fait penser aussi à toutes nos formules habituelles de salutations. Bonjour, Guttentag ! J’ai bien prononcé ? En y faisant plus attention, on souhaite à l’autre un bon jour, une bonne journée mais en même temps on s’engage envers lui pour lui rendre la journée bonne, pour que son jour soit bon. La salutation, c’est une reconnaissance de l’autre et aussi un engagement, une promesse. D’ailleurs quand on dit salut à quelqu’un, certainement à l’origine c’était pour lui souhaiter le salut ce qu’il y a de mieux, c’est-à-dire une vie dans l’amour de Dieu, une vie dans la confiance en Dieu. …Dans tout ça il n’y a pas de gestes !. Ce ne sont que des paroles…

A : Je pense, cher ami, à un beau geste biblique, un vrai geste de salutation. Rappelle-toi la parabole du fils prodigue qui peut être appelée la parabole des deux fils ou encore la parabole du Père aimant.

D : Aimant, aimant ? Qu’est-ce tu veux dire par là ? Aimant c’est-à-dire plein d’amour et de bonté ou aimant aimanté comme un aimant qui attire à lui.

A : et bien les deux conviennent. Je garde les deux interprétations C’est un Père aimant qui ne rejette pas son fils, lui qui avait quitté la maison mais qui l’accueille les bras ouverts.

D’ailleurs Rembrandt ce peintre hollandais pétri de culture biblique, a représenté l’accueil du fils par le Père dans un magnifique tableau. On voit le Père ouvrir ces deux bras et les poser sur les épaules de son fils, Deux grands bras ouverts qui sont salutations du fils et accueil inconditionnel de la part du Père. Deux grands bras ouverts en signe de salutation, de pardon, d’amour et surtout d’accueil. Largement ouverts, car il y a toujours de la place pour l’autre

D : Ce que tu me dis là me fait penser à la salutation en tout début de culte. C’est une salutation de la part de Dieu. C’est comme si Dieu nous saluait, nous accueillait ; le pasteur ou la personne qui préside le culte dit : la grâce et la paix nous sont données de la part de Dieu notre Père et de Jésus-Christ notre Seigneur . La salutation au début du culte est aussi comme dans la parabole du fils prodigue, une parole d’accueil, une parole d’amour, une parole qui donne de l’importance et de la valeur à celui qui la reçoit. Une parole de grâce de la part de Dieu, d’accueil inconditionnel. D’ailleurs souvent le pasteur pour signifier cet accueil ouvre ses deux bras comme le Père de la parabole.

A : Si je te comprends bien, tu proposes que le geste de salutation soit désormais celui des deux grands bras ouverts en geste d’accueil de l’autre. Accueillons-nous les uns les autres disait Paul

D : le verset choisi de l’année 2018. !. Il est beau, significatif mais pas pratique ; Imagine un instant ! J’ouvre les bras face à la personne saluée mais à ma droite comme à ma gauche il y a des enfants que je n’ai pas vus. Au moment où je salue, il reçoive alors deux belles gifles dans le visage. C’est à éviter ! Tout le contraire de l’accueil.

A : Alors quel geste imaginer ? Aujourd’hui c’est un peu du grand n’importe quoi, avec en plus les masques qui nous empêchent de sourire. Sais-tu que la poignée de main devenue interdite pour éviter tout contact, est déjà attestée au 19éme siècle avant Jésus-Christ.

Un roi d’Assyrie était en permanence en guerre avec les rois Babyloniens ; un jour il sert la main d’un roi Babylonien ; une poignée de main, par la main droite celle qui tient d’habitude une arme ; c’est alors le signe de la paix, le signe de la confiance.

D : Une poignée de main donc ancienne qui n’avait pas tout à fait le même sens que celle d’aujourd’hui, enfin celle d’avant le covid. J’ai lu que la poignée de main accompagnant le bonjour habituel, aurait son origine au 18éme siècle chez les quakers. Une Église protestante américaine fondée par William Penn (Penn Pennsylvanie avec Philadelphie comme capitale) au 17éme siècle qui a toujours travaillé pour la paix et la fraternité, hier comme aujourd’hui. Il considérait que tous les humains avaient devant Dieu la même importance, la même dignité. Pour eux la poignée de main était le geste le plus égalitaire possible .
On se sert la main c’est donc la preuve que personne n’est au-dessus, ni au-dessous des autres. Tous frères et sœurs de même importance. Une conviction et un geste qui provenaient directement de leur foi. En effet que nous soyons grands, petits, malades bien portants, riches pauvres, d’Afrique ou d’Europe, en échec en réussite, en Jésus-Christ devant Dieu, nous sommes tous frères et sœurs dans une vraie fraternité.

Une belle origine cette poignée de main ! N’est-ce pas ?

A : Mais une poignée de main aujourd’hui impossible.

Alors quel geste ? Le geste militaire ? Mais nous ne sommes pas tous militaires ;

Celui des scouts ? Mais nous ne sommes pas tous scouts.

Celui des Francs-Maçons ? Mais nous ne sommes pas francs maçons.

Le wai thaïlandais ? Mais nous ne sommes pas Thaïlandais. … Il nous faut un geste. Certes la parole compte, mais elle est encore plus forte quand elle est accompagnée d’un geste sans contact.

D : Eh bien, cher Andreas, je te propose un geste de fraternité qui indique que l’autre rencontré est pour moi un frère, une sœur aimée de Dieu, un enfant de Dieu comme moi et comme le fils prodige accueilli, reconnu, aimé de Dieu. Un geste de fraternité qui indiquerait que nous sommes liés les uns aux autres, que nous sommes ensemble appelés par Dieu à vivre une communauté fraternelle et accueillante, appelés par Dieu à construire un monde plus juste, plus humain, plus solidaire.

Voilà ce geste de salutation que je vous propose.

Comme si une main était la nôtre et comme si l’autre main était celle de la personne saluée. Ensemble nous formons une chaîne humaine contre l’égoïsme contre l’indifférence contre le découragement, contre l’injustice. Ensemble nous faisons lien même sans contact, même avec les masques, même à distance.

A : Bonne idée Faisons le l’un envers l’autre. Faisons-le les uns envers les autres

Une salutation qui est reconnaissance, promesse, engagement.

Nous chantons Evenou shalom Alehem

(À chaque fois qu’il est question d’un geste on le fait, on le mime)

D.H  31-8- 20