Pourquoi prier si Dieu ne répond pas à nos demandes ?

Dimanche 17 février 2013

Texte biblique : Matthieu 6,7-11

« Seigneur, fais que la paix revienne dans le monde »

« Seigneur, fais que mon enfant guérisse »

« Seigneur, réconcilie-moi avec mon conjoint, mes enfants »

Malgré cela, les guerres continuent.

Malgré cela, nos proches ne guérissent pas toujours.

Malgré cela, des réconciliations ne sont pas vécues.

Alors que des millions de personnes prient, depuis des millénaires, pour la paix, la justice et la guérison, pourquoi le monde est-il toujours aussi marqué par la souffrance ?

Pourquoi prier si rien ne semble changer ?

Cette objection à la prière de demande n’est pas la seule.

Parce que nous croyons que l’essentiel dépend de nous, nous répugnons à nous décharger sur Dieu.

Ce serait trop facile !

Après tout, la guerre est l’œuvre malfaisante des hommes.

La guérison est l’œuvre bienfaisante des médecins.

La réconciliation est notre œuvre commune.

Nous n’avons pas à demander à Dieu d’agir à notre place.

Autre réticence : comment imaginer que le Seigneur des Seigneurs, le Dieu de l’univers, s’intéresse à moi ?

Dans un livre de combat pour l’athéisme, l’écrivain François Cavanna voit dans la prière la plus ridicule manifestation d’orgueil.

A supposer que les galaxies aient un créateur, celui-ci ne peut qu’être indifférent à ma petite personne et à mes petits soucis.

Enfin, la prière de demande serait spirituellement « médiocre ».

Je devrais aimer Dieu gratuitement, sans rien lui demander en échange.

Tant que je persiste à lui faire des demandes, je ne l’aime pas pour lui-même mais pour ce qu’il est susceptible de m’apporter.

Alors, faut-il continuer à confier à Dieu nos attentes, nos besoins, nos désirs ?

Comme toujours, je vous invite à en revenir à Jésus, à sa personne, à son enseignement.

Car Jésus – vous en conviendrez – ne tombe pas dans les pièges précédemment énumérés.

Il a parlé, guéri, pardonné.

Il a pris, pour le moins, ses responsabilités puisqu’il n’a pas hésité à mettre sa vie en jeu.

Il connaît Dieu mieux qu’aucun d’entre nous et sait quelle relation est possible avec lui.

Il peut difficilement être soupçonné de médiocrité spirituelle !

Nous pouvons donc avancer à sa suite.

Dans le Sermon sur la montagne, Jésus donne à ceux qui désirent le suivre, un enseignement complet sur la prière, par petites touches.

Il vient d’appeler à prier sans se glorifier « comme les hypocrites qui aiment pour leurs prières à se camper dans les synagogues et les carrefours afin qu’on les voie ».

Il vient d’appeler à prier sans rabâcher « comme le font les païens qui s’imaginent que c’est à force de vaines paroles qu’ils seront exaucés ».

Plus tard, il donnera un exemple de prière : « Le Notre Père ».

Pour l’instant, il poursuit son enseignement : « Demandez et l’on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l’on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l’on ouvre à celui qui frappe.

Lequel d’entre vous donnera une pierre à son fils, s’il lui demande du pain ?

Ou, s’il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent ?

Si donc, méchants comme vous l’êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent. »

Ainsi, Jésus appelle à prier Dieu, en lui confiant ce qui est trop lourd et en lui demandant ce dont nous avons besoin.

Il appelle à le faire avec confiance, ténacité, responsabilité et amour.

Surtout, il nous dit pourquoi et comment notre prière peut échapper aux pièges énumérés et devenir féconde.

Pour Jésus, ma prière est féconde parce que Dieu est mon Père.

Pour Jésus, ma prière est féconde lorsque je le prie comme mon Père.

C’est dans cette relation à Dieu – de père à enfant – que tout se joue.

C’est cette relation qui rend notre prière pertinente.

En présentant Dieu comme « Père », Jésus me rappelle que je ne prie pas un Dieu lointain qui a créé le monde et le regarde évoluer de loin.

Je ne prie pas davantage un Dieu juge qui m’observe, m’ausculte et me condamne dès que je trébuche.

Je prie « notre Père ».

Ce n’est pas une simple affaire de mots.

Ma prière n’est pas la même, suivant que je considère Dieu comme un simple créateur, un juge suprême ou mon Père.

S’il est Créateur, et seulement cela, alors je peux le louer pour la beauté de la création, mais je ne peux rien lui confier ou lui demander. Pourquoi s’intéresserait-il à ce qui m’arrive ?

Si je le prie comme juge, c’est pour échapper à la sanction que je mériterais.

Si je le prie comme « Père », alors je sais qu’il s’intéresse à moi parce qu’il m’a adopté.

Je suis son enfant et même si nous sommes des milliards dans ce cas, je sais qu’il a une relation unique avec moi.

Je peux donc tout lui confier : mes doutes, mes espoirs les plus fous, mes peurs, mes haines ou mes pires désirs de vengeance.

Rappelez-vous la stupéfiante liberté des Psaumes !

Je peux lui demander de me décharger de ce qui me pèse trop.

Je peux lui confier mes proches.

Je peux lui confier mon pays, ma planète.

Cette prière confiante n’incline pas à l’irresponsabilité mais au partenariat.

C’est vrai, nous prions parfois pour nous décharger de notre responsabilité.

Nous demandons à Dieu de faire ce qui nous incombe : établir la paix, nous réconcilier, établir davantage de justice.

En présentant Dieu comme « Notre Père », Jésus remet chacun à sa juste place.

Oui, il nous appartient de faire progresser la paix, la justice et la réconciliation.

Car, si Dieu est notre Père, alors nous sommes, les uns pour les autres, « frères » et « sœurs » ; celui que tu aimes comme celui que tu n’aimes pas ; celui qui te semble proche comme celui qui te paraît lointain.

Dans la prière, je demande à Dieu de trouver les ressources nécessaires pour cela.

Je lui demande de me guider, de me donner les mots et les attitudes justes.

Ainsi, je l’invoque, non pour qu’il agisse à ma place mais pour qu’il m’en donne les moyens. Comme un père permet à ses enfants d’apprendre, de progresser, d’éviter certains écueils, Dieu – par la prière – oriente, enseigne, rend davantage lucide et aimant.

Prier Dieu comme notre Père, c’est enfin croire qu’il veut y répondre : « Si donc, méchants comme vous l’êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent. »

C’est sur cette « efficacité » de la prière qui nous butons le plus.

Bien sûr, certaines prières ne sont pas légitimes et il n’y a aucune raison pour que Dieu y réponde.

Bien sûr, le plus souvent, la responsabilité humaine est en jeu.

Bien sûr, nous avons parfois prié, sans confiance, sans ténacité… sans y croire.

Mais il nous est aussi arrivé de prier Dieu avec confiance, amour et ténacité, de l’invoquer pour une cause juste… sans résultat.

De ce constat, infiniment douloureux pour certains, je ferai simplement quelques remarques :

  • Nous ne savons pas pourquoi certaines prières ne sont pas exaucées alors qu’elles nous paraissent légitimes et essentielles. Certains nous expliquent que Dieu a ses raisons et que nous ne les connaissons pas. Je crois qu’il vaut mieux taire ce que nous échappe. Nous touchons là aux limites de notre compréhension et de notre foi.

  • Je crois aussi que la prière est le plus souvent efficace. Elle contribue parfois à faire évoluer une situation ; elle est toujours vecteur de transformation intérieure.

Combien de malades n’ont pas été guéris miraculeusement mais ont trouvé dans la prière la paix et le courage d’affronter leur situation et parfois leur mort !

Combien de croyants ont prié pour la paix et sont devenus des acteurs de paix !
La prière rapproche de Dieu. Elle rend davantage disponible à soi et aux autres.

  • La prière aide à « lâcher prise ».

    Je commence par prier à Dieu d’accéder à mes demandes, puis, je me remets entre ses mains. Ma volonté s’efface devant la sienne. Comme le dit Jésus à Gethsémané : « Non pas ce que je veux mais ce que tu veux ».

  • Enfin, la prière trouve en elle-même sa propre raison d’être. On ne demande pas à deux amis ouà deux amoureux pourquoi ils passent du temps ensemble. De même, prier, c’est se tenir côte à côte, avec Dieu, en proximité spirituelle.

Ainsi, n’hésitons pas à confier à Dieu nos préoccupations et nos aspirations.

Parce qu’il est notre Père, il nous écoutera, il agira et nous aidera à faire de même.

Amen !