Pâques

le 21 avril 2019 Pâques 

Luc 23 v 55 à 24 v 12

Quelle semaine de folie, mes amis ! Il y a une semaine, Jésus était accueilli en triomphe par la foule de Jérusalem le jour des Rameaux. « Hosanna, Béni soit le roi qui vient au nom du Seigneur, Paix dans le ciel et gloire dans les lieux très hauts ! »

Puis les événements se sont précipités, se sont enchaînés, sans même que nous ayons le temps de les saisir, ni de les comprendre. Celui qui était acclamé, a été pourchassé, arrêté, jugé, rejeté, bafoué, abandonné, renié, crucifié, oublié, inhumé. Il est passé brutalement de la mort à la vie. Les mêmes qui l’avaient accueilli avec joie, l’ont mis à mort avec haine.  Renversement, bouleversement d’un monde qui s’écroule, d’une espérance qui prend fin, d’une vie vaincue par la mort.

La semaine dernière, nous agitions des rameaux d’olivier et de palmiers bien verts , bien verdoyants dans la joie et la confiance. Aujourd’hui à vue humaine, nous n’avons plus que le bois de la croix à regarder dans la désolation et la tristesse.

Oui, chers amis, quelle semaine de folie ! Il y a à peine une semaine les chrétiens entraient dans la semaine sainte et se préparaient aux différentes célébrations qui les orientent vers Pâques. Les juifs, coïncidence du calendrier , entraient eux aussi dans la célébration de Pessah, de la Pâque juive. Les scolaires et les lycéens s’engageaient dans la dernière semaine avant les vacances de Pâques, en comptant les jours. Notre pays se préparait à entendre le discours de 20 h du président de la République, s’attendait à prendre connaissance des mesures proposées dans le contexte du Mouvement des gilets jaunes.

Et il a suffi d’un événement pour que tout soit bousculé, chamboulé.

L’incendie catastrophique, tragique de Notre Dame a bouleversé les agendas politiques, provoqué beaucoup d’émotions dans tous les milieux, croyants et non croyants, chrétiens et non chrétiens, en France et de par le monde. Une cathédrale multi centenaire brûlait, était prête à s’effondrer, à quasi disparaître. Là aussi, ce qui semblait à toujours demeurer, était marqué par la mort et un possible anéantissement.

Là aussi, renversement, bouleversement des réflexions et des perspectives. Dans les médias, dans les esprits , des sujets jusqu’alors tabous étaient évoqués sur le bout des lèvres.

Des considérations quasi impensables jusqu’alors dans une société sécularisée, déchristianisée, faussement laïcisée( c’est à dire, tous les sujets seraient abordables sauf ceux du religieux ! )étaient évoquées. Oui, il fallait bien parler de cette cathédrale, de ce qu’elle était, de ses origines, de son pourquoi, de sa présence. Œuvre d’arts, certes ; rappel d’une histoire commune, certes ; patrimoine culturel de l’humanité, certes, mais aussi expression d’une foi chrétienne vivante aujourd’hui pour beaucoup incompréhensible ; mais aussi une cathédrale, marqueur d’une transcendance ; mais aussi une cathédrale, posant dans sa verticalité, la question du sens de la vie, de nos origines, de notre finalité sur cette terre. Une vie qui ne se réduirait pas seulement à engranger, ni à consommer et ni à jouir comme voudrait nous le faire croire la religion  séculière dominante de notre époque !

Il fallait voir le malaise des politiciens, des commentateurs, des journalistes, des penseurs pour éviter , pour contourner ce sujet religieux, cette référence explicite au christianisme, qu’ils ne souhaitaient pas expliciter.

Une émotion seulement, à la hauteur de la prise de conscience qu’un édifice religieux presque millénaire s’effondrait, qu’un pan tout entier de notre histoire s’évanouissait, qu’une œuvre d’art unique était la proie des flammes.

Il fallait voir la sidération, le désarroi de toute une population impuissante, incrédule qu’un événement mortifère et destructeur d’une telle ampleur puisse être encore possible, au siècle du numérique et d’une technique hyper présente.

Comme si un monde s’effondrait, comme si la vie était vaincue par le pouvoir de la mort et du néant. Plusieurs interprétations d’un tel incendie ont été données : punition du ciel ?, appel à la repentance ? , signe prémonitoire d’une fin de civilisation, d’une fin du christianisme, d’une fin d’un monde ou du monde.  Je laisse les auteurs de ces interprétions à leurs propos. N’est pas prophète qui veut. Il faut raison garder….

J’aimerai avec vous tout simplement, relire ce matin, ces 2 semaines de folie à la lumière de Pâques, à la lumière du message central de la foi chrétienne.

Deux semaines de folie car au regard de la sagesse humaine, de la logique humaine, elles nous ont fait passer de la vie à la la mort. Elles nous ont laissé pantois et en désarroi, face au vide de la croix , face au feu destructeur.

C’est ce même sentiment qui habite les femmes montées au sépulcre à l’aube du premier jour. La stupéfaction, l’incompréhension, la sidération ont pris possession de leurs esprits. Elles se conforment au lendemain de la  mort de leur maître, aux pratiques funéraires habituelles de l’époque. Que faire d’autre, quand il n’ y a plus d’espérance ? Quand il n’est plus possible d’envisager une suite, voire même un lendemain ?

Dans cette semaine de folie qu’ont connue les disciples de Jésus et ces femmes, dans cette semaine de folie que notre pays a connue, dans cette vie de folie, où l’imprévisible, l’imprévu de toute sorte peuvent nous atteindre à tout moment, eux comme nous ont été confrontés à l’expérience de la finitude, à l’épreuve de la finitude.

Leur maître Jésus de Nazareth qui proclamait le Royaume de Dieu , qui guérissait, qui ouvrait large l’horizon de toute existence humaine, a été pris, repris par la mort. Même Lui a été rattrapé par la mort. Même Lui qui semblait dire qu’il n’ y avait plus de fatalité , fatalité de l’injustice , le misère, du découragement. Même lui , leur maître a subi la mort, a connu la crucifixion.

Sentiment et épreuve de la finitude  de toute chose, de la vie humaine, comme de ce qui pouvait sembler inébranlable et éternel, un édifice fait de pierres qui avait jusqu’alors traversé les siècles  de notre histoire. On l’avait toujours vu cette cathédrale. Elle semblait défier le temps . La voir fondre dans les flammes , c’était prendre conscience  qu’elle aussi était marquée par le temps , par la finitude, la fragilité.

Une fragilité du vivant, de l’être humain, des œuvres humaines, si grandioses et si belles soient elles. même notre cathédrale !

Le choc de la finitude, le choc de la mort qui font partie de la réalité de notre existence humaine et qu’on ne peut ignorer.

Le choc du temps qui passe et file entre nos doigts et qui pose avec acuité la question du sens de l’existence : d’où je viens ? , où vais-je ? . Eternelles questions.

Au cœur de la foi chrétienne et du message biblique, chose incroyable, chose inconcevable, chose folle , une autre folie à vue humaine , il y a ce Dieu qui en Jésus-Christ fait l’expérience de la finitude, qui traverse lui-même l’épreuve de la mort sur la croix avec nous , pour  nous.

Chose impensable à vue humaine, la folie de la croix ; Dieu connaît la mort, connaît la finitude pour les traverser avec nous. Chaque fois que le choc de la finitude nous saisit à travers la maladie, à travers le malheur, à travers le mal qui nous atteint, à travers l’expérience douloureuse de nos fragilités et de nos faiblesses, Dieu se fait proche en Jésus-Christ pour les vivre avec nous, même si il nous semble absent . Dieu nous rejoint en Jésus Christ dans nos faiblesses. Il ne nous abandonne pas à notre sort car il les traverse avec nous. Mystère de la croix, mystère de la crucifixion.

Mais les femmes montées au tombeau pour embaumer le corps, font faire face à une autre découverte, une découverte de taille. Une surprise les attend ; une surprise de taille. Leur maître Jésus de Nazareth, reconnu Jésus-Christ  le messie, n’est pas resté lié à la mort. Il n’est pas resté dans un tombeau , prisonnier des pierres. «  Pourquoi cherchez vous parmi les morts celui qui est vivant ?  Il ‘est point ici. Il est ressuscité. Il est vivant »

Avec Lui , il y a un au-delà de la mort, un au-delà de nos effondrements , un au-delà de tout ce qui voudrait nous faire tomber.

Par sa vie, ses paroles, et ses gestes , par sa mort même , il a manifesté une force d’amour et de don que rien n’arrête, pas même la haine, , pas même le mal , ni le malheur.

Sa présence vivifiante et aimante relève ,redresse. Sur nos terrains de désolation, et d’effondrement il rebâtit, il reconstruit.

Les femmes du dimanche de Pâques sont les premières à en faire l’expérience . Elles s’empressent de partager cette nouvelles aux disciples.

Après la semaine de folie qui les avait fait passer de la vie à la mort, les voilà conduites à passer de la mort à la vie à la suite du Ressuscité. Ce n’est pas une crucifixion, ni un incendie de cathédrale, ni des blasphèmes de toutes sortes , ni des moqueries, ni l’indifférence qui vont tuer la force d’amour du ressuscité, du vivant.

Le relèvement de la cathédrale va se faire par un afflux d’argent, par une forme de solidarité venue du monde entier.

Le vrai relèvement de l’Église de Jésus-Christ, à la lumière de la résurrection de Pâques, c’est quand des hommes et des femmes du monde entier se donnent la main, car habités par la foi , l’espérance et l’amour. Le vrai relèvement de l’Église de Jésus-Christ, c’est quand chacun devient une pierre vivante pour l’autre ,une pierre sur laquelle le prochain peut s’appuyer et compter.

Après ces deux semaines de folie, pussions nous vivre le message de l’Évangile, un message de folie, folie dira Paul pour les païens et scandale pour les Juifs !

La folie de l’amour d’un Dieu qui se donne à la croix par amour et qui ressuscite le troisième jour. La folie d’un amour  qui nous fait tous pierres vivantes d’un grand édifice au-delà des frontières , des langues , des ethnies  contre tout populisme et fanatisme.

Christ est ressuscité.  Oui ,Il est vraiment ressuscité.

Amen

Pasteur Denis Heller